
L’Union nationale veut faire du droit de vote une faveur
M. Lapalme flétrit le bill 34
« Si quelqu’un vole des pommes dans votre verger, ou dans le seul pommier que vous possédiez, vous avez le droit d’appeler la police, d’invoquer la loi. Mais lorsqu’on vous vole votre droit de vote, vous ne pouvez en appeler à la loi, vous n’avez aucun recours en justice. Ne votera, dorénavant, que celui à qui le parti unique au pouvoir en accordera le droit. Le droit de vote devient une faveur de l’Union nationale ! »
C’est là une des déclarations cinglantes énoncées mardi soir par M. Georges Lapalme, chef du parti libéral provincial, à l’issue d’un banquet organisé, au Club de Réforme, par le Club Wilfrid-Laurier des Femmes libérales. L’assistance très nombreuse – on a dû refuser du monde – a souligné d’applaudissements fréquents et nourris le vigoureux discours dans lequel M. Lapalme a stigmatisé l’infâme bill 34, la loi qui tend à faire disparaître la loyale Opposition de Sa Majesté et à instaurer une dictature dans la province de Québec. »
Au début de son allocution, le chef libéral a parlé du rôle de la femme dans la politique, rappelant l’appel qu’il a déjà lancé en faveur de la participation directe de la femme à l’activité politique. Assurant que l’Association libérale provinciale naîtra bientôt, il a déclaré qu’il veut qu’on y fasse une place prépondérante aux femmes. Puis, disant qu’il ne voit pas qu’on doive faire de distinction, dans la discussion de la chose politique, que l’on s’adresse à des femmes ou à des hommes, il a entrepris son analyse du bill 34, d’une si grande conséquence pour l’avenir politique de notre province.
Monsieur Lapalme a fait appel à ses auditrices pour qu’elles répandent dans le public la vérité au sujet de cette loi inique, vu que cette vérité n’est pas assez connue par suite de l’apathie de la grande presse. Ce qu’on sait généralement, c’est que c’est « une loi pour faire battre Lapalme dans Outremont, et ensuite le parti libéral dans le reste de la province ». Ce qu’il est important de souligner, c’est que « le peuple perd son droit de vote et ne s’en aperçoit pas ».
Citant deux déclarations de M. Duplessis au cours de la dernière campagne électorale – la première affirmant qu’il « ne faisait pas la lutte au parti libéral, mais à l’Opposition », la seconde réclamant « une élection par acclamation pour l’Union nationale » – M. Lapalme a rappelé comment on est venu au parti unique élu « par acclamation » en Italie, en Allemagne, en Russie, et plus récemment en Colombie, puis il a déclaré :
« En Amérique du Nord, il n’y a pas d’exemple d’une telle chose ? Si. Celui de l’Union nationale. Elle a voulu faire disparaître l’Opposition avec la caisse électorale, plus $83 millions de l’argent de la province, plus encore des promesses engageant $100 millions pour l’avenir. Cela n’ayant pas réussi, il restait le moyen légal. Les dictatures commencent toujours dans la loi, pour ensuite se servir de la loi pour faire disparaître la loi. Certains disent qu’il ne reste plus qu’à prendre le Maquis. Mais la résistance n’est pas seulement le fait des libéraux militants ; c’est le devoir de tous ceux qui pensent dans la province de tout faire pour opérer un sursaut de l’opinion publique. »
Le chef libéral a ensuite exposé, par le détail la loi électorale et les modifications si dangereuses qu’y a apportés le bill 34 – loi que nous replonge dans la période d’avant 1837, en tentant d’abolir la représentation parlementaire et démocratique au profit d’un parti unique.
En terminant, M. Lapalme a dit que les dictatures finissent toujours par tomber un jour. « Que ce jour-là soit celui de l’élection dans Outremont ! » Et il a invité les femmes de la province à se faire les artisans de la liberté contre la dictature.
Présenté par Mme Tancrède Jodoin, président du club Wilfrid-Laurier des Femmes libérales, l’orateur a été remercié par Mme E.-Es Prévost, M.B.E., secrétaire de ce club.
Le chef du parti libéral provincial était accompagné de son épouse, et l’on remarquait à ses côtés plusieurs députés provinciaux de Montréal – MM. Lionel Ross (Verdun), Paul Earl (Notre-Dame-de-Grâces), Alcide Montpetit (Maisonneuve), Yvon Dupuis (Sainte-Marie) – ainsi que le Dr. Desrochers, candidat libéral dans Saint-Jacques aux dernières élections provinciales.
Signalons que le ministre de l’Union nationale contre qui se présentait le Dr. Desrochers a été réélu par 2,000 voix de majorité, alors que 2,858 noms fictifs figuraient sur les listes électorales du comté disputée. Et, comme l’a affirmé M. Lapalme, cela s’est répété par toute la province.
(Texte paru le jeudi, 19 mars 1953) dans le journal Le Nouveau Canada).
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