Dolomieu, patronyme, son histoire et son utilisation au Québec
Au début des années 1930, les autorités québécoises honorent la mémoire d’un certain nombre d’hommes de sciences d’expression française en donnant leurs noms à des entités territoriales du Nord-du-Québec. Ainsi, borné par le canton de Lamarck (naturaliste) au nord, le canton d’Anville (géographe et cartographe) et le canton de Lapparent (géologue) au sud, et le canton de Saussure (géologue) à l’ouest, et le canton de Daubrée (géologue) à l’est, se trouve le canton de Dolomieu, inhabité, ce dernier s’étend à environ 25 kilomètres à l’ouest de Chapais et à une soixantaine de kilomètres au sud-ouest de Chibougamau, sur la route qui relie l’Abitibi et le Saguenay-lac-Saint-Jean par le nord.
Ce canton est baigné par de nombreuses entités lacustres, dont le lac Dolomieu, le lac des Misérables et le lac Kapunapotagen, ainsi que par plusieurs cours d’eau, comme la rivière Mechamego, le ruisseau Dolomieu et le ruisseau du Voyageur.
Le canton de Dolomieu porte le nom de l’un des plus illustres minéralogistes français du XVIIIe siècle., Dieudonne-Sylvain, Guy Tancrède, dit Déodat de Gratet de Dolomieu. Ce gentilhomme dauphinois vit le jour en 1750, à Dolomieu, petite localité sise dan la partie septentrionale de l’actuel département de l’Isère, à une quarantaine de kilomètres au nord-ouest de Grenoble.
Le toponyme Dolomieu vient probablement du nom de personne latin Tolumnius, avec le suffixe -acum. Admis dès la naissance dans l’ordre de Malte, Dolomieu fit son noviciat sur les galères des chevaliers avant de renoncer, vers 1768, à la carrière des armes pour se consacrer aux sciences. Il entreprit pour son ordre plusieurs voyages, pendant lesquels il réalisa des observations sur les minéraux. Il fut notamment le premier à décrire, en 1791, la roche que l’on baptisa ultérieurement dolomie en son honneur. La dolomie se compose essentiellement de carbonate double de calcium et de magnésium (composition appelée dolomite). On trouve d’ailleurs des dolomies au Québec ; elles sont utilisées par diverses industries intéressées notamment à la transformation des métaux.
Professeur de géologie à l’École des mines de Paris, Dolomieu devint membre de l’Institut de France en 1795 puis, trois ans plus tard, participa, à titre de minéralogiste, à l’expédition de Napoléon Bonaparte en Égypte. Il ne resta cependant que huit mois dans ce pays, ne pouvant supporter l’autoritarisme du général en chef. Ayant quitté Alexandrie le 10 mars 1799, le navire qui transportait dut s’abriter dans la rade de Tarente, en raison d’une violente tempête.
C’est là que Dolomieu fut arrêté, sérieusement maltraité puis jeté en prison. Transféré à Messine, il dut subir 26 mois d’incarcération. Libéré en raison de son état de santé, mais aussi grâce à la victoire de Napoléon à Marengo, le 14 juin 1800, Dolomieu arriva à Paris en mars 1801, puis occupa un poste de professeur au Museum national d’histoire naturelle.
Il mourut en novembre de la même année à Châteauneuf, en Saöne-et-Loire. Dolomieu avait écrit plusieurs ouvrages, dont Voyages aux Îles Lipari (1783) et, lors de sa captivité, Introduction à la philosophie minéralogique, publiée en 1801. Son nom servit particulièrement à désigner, en Europe, les Dolomites, ou Alpes Dolomitiques, massif qui s’élève à plus de 3000 mètres dans le Tyron italien, entre l’Adige et le Piave.
(Source : Noms et lieux du Québec, ouvrage de la Commission de toponymie paru en 1994 et 1996 sous la forme d’un dictionnaire illustré imprimé, et sous celle d’un cédérom réalisé par la société Micro-Intel, en 1997, à partir de ce dictionnaire.)
Canton de Dolomieu
Situé à environ 60 kilomètres à l’ouest de Chibougamau, le canton de Dolomieu est traversé par la route qui relie cette ville à Lebel-sur-Quévillon et qui descend soit jusqu’à Montréal en passant par Mont-Laurier, soit jusqu’à Hull, par Maniwaki.
Ce canton contient de nombreux lacs dont les plus grands portent les noms du lac Dolomieu, lac Anville, lac Kapunapotage, lac des Misérables et lac des Deux Orignaux. Il est arrosé par de nombreux courants qui drainent le secteur, à l’ouest. En nommant, en 1931, cette unité géographique inhabitée qui paraît sur la carte officielle du Québec en 1946, on a voulu honorer Dieudonné ou Déodat de Gratet de Dolomieu (1750-1801), géologue et minéralogiste français dont le nom a été utilisé pour identifier le carbonate naturel double de calcium et de magnésium (dolomite) ainsi que le massif italien des Alpes orientales, les Dolomites, constitué de roches calcaires très effritées (dolomies).
L’un des principaux ouvrages de ce géologue s’intitule Introduction à la philosophie minéralogique (1801). D’autres noms de cantons dans les environs de Dolomieu, adoptés la même année que celui-ci, soit en 1930, honorent des hommes de science français, entre autres Lamarck, Lapparent, Brongniart et Cuvier. Le canton a été proclamé en 1965.
(Source : La France et le Québec. Des noms de lieux en partage. Commission de toponymie du Québec, les Publications du Québec, l’Association française pour l’information géographique, 1999).
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