La découverte de l’or en Beauce

L’or en Beauce : Une découverte qui fait du bruit

Les premières recherches d’or en Beauce remontent, semble-t-il, en 1846, quand la famille de Léry obtient du gouvernement de Londres la permission exclusive d’exploiter l’or sur sa seigneurie Rigaud De Vaudreuil. Les premiers travaux, exécutés par le seigneur Charles de Léry, mettent à contribution les habitants de l’endroit, comme l’indique le livre de comptes du seigneur, qui contient les noms des censitaires embauchés en juin et juillet 1847 et qu’il paie en argent ou par remise de cens et rentes. L’entreprise ne semble pas avoir donné de bons résultats, puisque, dès l’année suivante, il loue ses droits à James Douglas, un médecin de Québec, qui fonde alors la Chaudière Mining Company.

Au début, Douglas dirige la compagnie avec un groupe d’associés, dont il finit par racheter les parts pour poursuivre seul les opérations, jusqu’au jour où il abandonne ses parts à des hommes d’affaires de Québec, qui, à leur tour, revendent la compagnie à des actionnaires de New York, en 1864, qui fondent la De Lery Gold Mining Co. Le fait que Douglas ait vendu sa compagnie, semble indiquer que ses affaires allaient mal. Rien n’est moins sûr. Il est évident que, depuis 1846, les découvertes se font rares et qu’à partir de 1855 les taux diminuent. Mais un événement hors du commun se produit à l’été qui va faire du bruite et provoquer une véritable ruée vers l’or. C’est la découverte, par les frères Poulin et un neveu, Narcisse Rodrigue, de 72 onces en une seule journée de travail. Aussitôt connue, la nouvelle fait la manière qui incite William Anderson, un ami de Douglas, à venir visiter les champs d’or de la Beauce. Il laissera un témoignage saisissant de la région et de ses habitants.

Franchement débarqué d’une visite des mines d’or de la Nouvelle-Écosse, Anderson accède à la Beauce par la route reliant Pointe-Lévy et Saint-Henri, qu’il décrit comme une magnifique route macadamisée, contrairement à la route Justinienne qui lui semble, cependant, en excellente condition. Il n’a d’ailleurs aucune difficulté à trouver logis et transport, notant même le nom du propriétaire chez qui il séjourne et les prix des repas oo des couchers. Lorsqu’il arrive sur les lieux de la découverte, c’est étonnement. « I was told thzt counting those in the employ of the Company and those working on private account, there were then on the ground about two hundred and fifty miners. I counted about upwards of sixty at the place I visited. » Le lendemain Anderson part visiter la mine « Poulin & Rodrigue », où il trouve huit hommes au travail. Les mineurs lui déclarent qu’au cours des trois dernier jours ils ont récolté respectivement 16, 10 et 11 onces d’or, ce qui est plus qu’encourageant.

À son retour, Anderson, accompagné de Douglas, dcéide d’acheter des pépites d’or de Narcisse Rodrigue. Les deux hommes se rendent à la maison de Rodrique. Ce qu’ils y observent a de quoi étonner :

« The house was a log cabin of about then feet by fourteen, of a single apartment. There was no lock on the door, and though we had passed his wife and children resping at some distance from the house, there was no fastering. Then going to a short of cupboard, the door of which was closed by a wooden button, he brought forth, two soup plates, both full of nuggets of all sorts and sizes, which he said was the common stock of himself and partners The quantity was weighed out, which Mr. Douglas wanted, the money was paid, and after I had selected and paid for a few nuggets for specimens, the soup plates were returned to the cupboard, and we all left the house together. Rodrigue return to the diggings, and we to our carriage, at the house, where we left it. »

Il s’agit d’une importante quantité d’or, qu’Anderson estime à 18 000$. À l’époque, l’once d’or se transige entre 18 $ et 25$, selon les fluctuations du marché. La découverte des frères Poulin est donc importante. Elle provoquera une véritable frénésie. Comme l’a rappelé Jean-René Breton dans « La Beauce et les Beaucerons » :

« Des centaines de personnes accourent alors des différents coins de la Beauce, du Québec, des États-Unis et même d’Europe. Claironnée par les journaux, l’exploitation plus intensive de l’or de la Beauce, attire chercheurs et investisseurs étrangers mais dans une moindre mesure que les découvertes californiennes survenues en 1849. À l’été de 1864, selon certains auteurs, environ 2 000 personnes travaillent aux mines de la vallée de la Chaudière; la rivière Gilbert en rassemble à elle seule quelque 500. En 1869-1870, l’inspecteur des mines R. Pope émet 749 licences privées d’exploitation de l’or. Toutes les rivières de la région sont fouillées durant les années qui suivrent. Les compagnies miniètres, souvent éphémères, emploient jusqu’à 500 hommes à la même époque. »

Des compagnies font de la prospection

Plusieurs compagnies naissent à la suite de cette nouvelle découverte. De Lery Mining Gold Company s’ajoute alors la Reciprocity Mining Company, dirigée par le colonel Arthur Rankin, et à qui la De Lery Mining sous-loue ses droits. À son tour, la Reciprocity loue des lots à des mineurs. Selon un prospectus publié par la compagnie en 1864, les directeurs de la Reciprocity sont de New York et de Philadelphie. La compagnie a un capital-actions de 100 000 parts évaluées à 50 $ chacune. Elle possède 14770 acres de terres qui ont toutes été choisies par Rankin, un ancien politicien que fut, « for the last twelve years member of the Provincial Parliament of Canada ». De toute évidence, le territoire détenu par la Reciprocity dépasse largement les limites de la rivière Gilbert. En fait, les concessions minières de répartissent dans différents cantons (townships) de la Beauce et comportent une enclave sur les rivières qui les traversent. On ignore ce qu’il advint de cette compagnie. Cependant, il semble qu’elle continua politique de location de lots à des mineurs, ce qu’elle fit, entre autres, sur la rivière Gilbert, où elle consentit ainsi des espaces de prospection à une trentaine de mineurs.

D’autres compagnies viendront encore s’établir dans la région, dont celle de W. Lockwood, un homme d’origine anglaise, qui a acquis sa connaissance des mines en Californie. Lockwood sera le premier à adopter les techniques de creusage pour trouver l’or, grâce à un puits d’une centaine de pieds de profondeur. Comme le lit des rivières n’en contient finalement qu’assez peu, les spécialistes se tournent de plus en plus vers ce genre de prospection, sui permet d’accéder aux lits des rivières de l’époque glaciaire (les leads), couverts souvent de plusieurs mètres de sédiments. Comme l’or se trouve alors entremêle à d’autres types de minerais, du quartz notamment, la prospection doit alors en tenir compte, ce qui augmente les coûts de production.

C’est ce qui s’est produit sur la Chaudière, au lieu dit les rapides du Diable, à l’extrémité sud de Beauceville. Il y a là une très belle veine de quartz, très visible, dans laquelle sillonne des veines d’or. La De Lery Mining Co. y fera construire un moulin à broyer le quart doté de dix pilons, en 1866 pour les uns, 1867 pour les autres. Il sera toujours debout en 1898. On peut encore en voir les fondations, près du parc aménagé à proximité.

La grande exploitation

Dans le troisième quart du XIXe siècle, la Beauce est devenue un véritable lieu de prospection, avec les difficultés que cela comporte. Déjà bien implantée, cette exploitation minière ne connaîtra, cependant, son véritable développement qu’après les années 1880. Le temps vient de réfléchir à une loi des mines, nécessaire pour structurer l’exploration et les activités des prospecteurs, mais c’est toute une autre histoire.

Source : Histoire de Beauce-Etchemin-Amiante, par Serge Courville, Pierre C. Poulin, Barry Rodrigue et d’autres.

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Une mine en Beauce dans la première moitié du XXe siècle. Photo libre de droit.

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