Duplessis meurt à Schefferville

Duplessis meurt à Schefferville

L’agonie a duré 80 heures

Schefferville, 7 septembre 1959. Décès de Maurice Duplessis. Un nom est entré dans l’histoire. L’honorable Maurice Duplessis n’est plus. Chef du gouvernement du Québec, député de Trois-Rivières. Pendant dix-neuf ans il présidé aux destinées de la province, n’est plus.

Sans avoir repris connaissance depuis la première hémorragie cérébrale qui l’avait terrassé trois jours et demi avant, l’homme d’État de soixante-neuf ans a rendu son dernier soupir dans la nuit de dimanche à lundi, le 7 septembre 1959. Alors que la nuit étendait son voile noir dans le ciel de l’Ungava comme un signe de deuil.

Ainsi la carrière d’une des personnalités les plus marquantes de la politique canadienne contemporaine a pris fin dans le cadre qui convenait à son ambition, le vaste royaume du Nouveau-Québec aux richesses souterraines fabuleuses.

Au lac Konb

Le premier ministre qui s’est éteint à minuit et une minute à Schefferville, dans une maison de bois grossièrement équarri sur les bords du lac Knob, avait la consolation d’avoir donné à son pays cet empire de 300, 000 milles carrés (« en l’ouvrant à la civilisation », avait-il l’habitude de dire) et autorisant la mise en valeur de ces terres rudes et sauvages qui, du haut des airs, apparaissent sous l’aspect d’une dentelle rocheuse aux motifs blonds, gris, bleus, roux et verts, bijou étrange où s’enchâssent les miroirs sombres de milliers de nappes d’eau dont l’immobilité masque la vie intense d’une vigoureuse faune aquatique.

Comme par dérision, le destin a voulu que le chef du gouvernement, orgueilleux des subventions accordées par son cabinet pour l’agrandissement et la construction d’hôpitaux, tombât malade loin de ces établissements.

C’est dans une chambre du petit hôtel privé de l’Iron Ore Co, à Schefferville, que le député de Trois-Rivières a expiré, le drapeau fleurdelisé flottant au sommet du mat érigé dans la propriété.

À son chevet

Seules quelques parents et intimes ont assisté le moribond pendant sa longue agonie : Mme Édouard Bureau, une de ses sœurs, trifluvienne; M. Jacques Bureau, son neveu; l’honorable Gérald Martineau, son ami et membre du Conseil législatif ; le Dr. Lucien Larue, de Québec.

Ce dernier soignait l’homme d’État depuis jeudi soir avec le Dr Yves Rouleau, également de la Vieille Capitale, et avec la Dr. A. Rosmus qui, étant attaché à l’infirmerie de la société minière, avait été appelé à donner, jeudi, les premiers soins au célèbre patient.

Dès samedi, l’issue de la lutte entre la vie et la mort apparaissait fatale.

* Décès de Maurice Duplessis

Durant quatre-vingt heures, M. Duplessis est resté inconscient et paralysé du côté droit. Son exceptionnelle résistance physique, remarquable pour un homme de soixante-neuf ans, a prolongé l’agonie dans des proportions qui ont stupéfié les médecins.

La paralysie empêchait l’absorption de toute nourriture et de tout breuvage. Les garde-malades se trouvaient dans l’obligation d’humecter les lèvres sèches du mourant. Sept ou huit fois il parut avoir repris connaissance pour quelques minutes. Il ouvrit même les yeux à l’appel de son nom, mais ne put articuler une seule parole.

Le R. P. Marcel Champagne, Oblat de Marie-Immaculée, curé de Schefferville, avait été appelé vendredi à quatre heures du soir à administrer les derniers sacrements au chef du gouvernement qui, la veille, avant d’être frappé par le terrible mal, avait répondu « oui » à son invitation, par l’intermédiaire du maire Grégoire, d’assister à la messe du lendemain, premier vendredi du mois.

*

Le corps du premier ministre fut transporté de Schefferville à Québec par avion à l’aéroport de L’Ancienne-Lorette. Où des membres de la Police provinciale l’ont descendu la dépouille mortelle de l’avion et l’ont fait transporter jusqu’au Parlement.

(Nous avons reproduit un seul de nombreux textes consacrés par La Presse à ce tragique accident).

Décidément, le 7 septembre est une date fatidique pour les premiers ministres de la province du Québec. En effet, près de quatre décennies plus tôt, le 7 septembre 1920, décédait à l’âge de 65 ans, l’honorable Siméon-Napoléon Parent. Il fut premier ministre de la province de 1900 à 1905. Et six ans, jour pour jour après la mort de Duplessis, survenait à Trois-Rivières, dans le comté que représentait M. Duplessis, le tragique effondrement du pont en construction au-dessus du Saint-Laurent.

(Décès de Maurice Duplessis, nouvelles pas fraîches).

duplessis Décès de Maurice Duplessis
Maurice Duplessis, Premier ministre du Québec de 1936 à 1940 et de 1944 à 1959. Source de la photo : Auteur inconnu / Bibliothèque et Archives Canada / PA-115821. Aucune licence, cette image fait partie du domaine public.

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