Corvées en Nouvelle-France : Obligations des habitants
La population de la Nouvelle-France avait l’obligation de livrer des fournitures pour les travaux de fortification des villes ce qui provoquait un mécontentement. En fait, la Couronne exigea surtout des habitants de la colonie le paiement d’impositions pour financer avant tout la fortification de Québec et de Montréal. En outre, les artisans, les journaliers et les soldats ne constituant pas une main-d’œuvre suffisante, les habitants des deux villes et surtout des campagnes environnantes étaient réquisitionnés pour des corvées de charrois de terre et de terrassement.
À Québec, contrairement à Montréal, les corvéables étaient nourris et rémunérés. Ces travaux mobilisaient une partie importante de la population masculine, levée par groupes plusieurs fois par an (quatre au maximum)) durant cinq à quinze jours – en dehors des périodes des travaux agricoles. Ces impositions et ces corvées se heurtèrent à l’hostilité des habitants. Le major de Québec Louvigny écrivait ainsi : « La fermeté que vous savez être absolument nécessaire pour faire exécuter les ordres du roi, passe en ce pays pour un crime. Les communautés disent que ce n’est pas l’usage en France de les obliger de fournir aux corvées; la noblesse et les officiers de justice publient qu’on viole leurs droits ; le marchand qu’on dérange l’économie de son commerce, le laboureur qu’on tire de sa charrue et l’artisan de sa boutique n’obéit qu’avec peine. »
Aussi eut-il recours à quelques peines d’emprisonnement, alors que la coutume, pour de tels refus d’obéissance, consistait ordinairement à punir d’une simple amende le contrevenant. Cependant, si les impositions et les corvées déclenchèrent quelques mouvements d’humeur au XVIIe siècle et une véritable émeute armée à Longueuil en 1717, aucune agitation de ce type ne fut par la suite enregistrée.
Les charges que l’État et l’Église imposèrent aux colons ne furent donc pas négligeables. Bien sûr, ils ne payaient pas la taille ou la gabelle (l’impôt sir le sel) ; la dîme était en outre moins élevée qu’en métropole. Cependant, au Canada en particulier, la contribution à la défense de la colonie, à travers les impositions et les corvées pour les fortifications et plus encore le service dans la milice, fut loin d’être insignifiante.
Nombreux furent les Canadiens qui moururent en défendant leur colonie contre les Amérindiens ennemis ou les Britanniques. Il est possible que cette défense commune, menée conjointement par les troupes et les milices, loin d’être vécue comme une obligation imposée d’un haut, contribua au contraire à resserrer les liens entre le pouvoir royal et les colons…
Le développement urbain de la Nouvelle-France s’accéléra encore avec l’intervention directe du pouvoir royal à l’époque de Colbert lequel entreprit d’envoyer des intendants et des ingénieurs militaires dans les colonies françaises en Amérique. La création et l’aménagement urbain devinrent une préoccupation des des autorités locales, du gouverneur comme de l’intendant. Puis, au début du XVIIIe siècle, se développa une politique métropolitaine de création de villes neuves au plan régulier, menée simultanément à Louisbourg et à La Nouvelle-Orléans, mais aussi à Saint-Domingue. Le plan en damier correspondait à l’idéal esthétique classique de l’époque et devait refléter l’ordre politique et social que la monarchie voulait dorénavant imposer dans son empire outre-mer.
Ainsi la fondation et le développement de villes fut-ils toujours un processus autoritaire, que la décision fût imposée par une compagnie ou bien par la Couronne. Ce développement urbain ne répondait pas à des dynamiques démographiques et économiques « naturelles », liées aux besoins diversifiés d’une population en pleine croissance ; il avait essentiellement pour dessein de structurer le processus colonisateur.
(Extrait de l’ouvrage « Histoire de l’Amérique française », par Gilles Havard et Cécile Vidal. Éditions Flammarion 2003).
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