Insurrection de 1837-1838 : Contexte historique
Cette rébellion n’a pas eu que des conséquences, elle a eu aussi des antécédents nombreux. On pourrait facilement remonter à la défaite des Plaines d’Abraham en 1759 et au Traité de Paris qui, en 1763, a ratifié la conquête britannique. De façon générale, les Canadiens ont eu du mal à s’habituer à leur état de conquis ; et cette « difficulté d’être » de tout un peuple s’est révélée à la longue, une volonté positive d’organiser de plus en plus la vie nationale.
Entre 1760 et 1837, la population de l’ancienne Nouvelle-France, désormais le Bas-Canada est passée d’environ 60,000 à 650,000 personnes ; avant de parler de survivance, il convient de parler d’explosion démographique. La surpopulation des campagnes a déferlé sur les villes, diffusant ainsi une tension accrue qui se cristallisa rapidement contre la minorité anglaise. Inutile de dire que cette minorité s’est méritée, parfois avec raison, le titre d’« oligarchie usurpatrice ».
Citons, à ce sujet, les propos du gouverneur anglais lui-même : « Il y a, à Montréal et dans ses environs, une certaine classe d’Anglais à qui tous les hommes libéraux et indépendants ne peuvent qu’être hostiles, et dont les actes et la conduite ont été caractérisés par un esprit de domination insupportable ; ils ont toujours aspiré à posséder le pouvoir et le patronage, à l’exclusion des habitants d’origine française. »
Au chapitre des facteurs de troubles, in convient d’ajouter la fondation et le maintien de la British American Land Company qui subventionnait les colons anglais qui s’installaient au Bas-Canada. Cette compagnie de la couronne était faite pour exaspérer les « habitants » qui, eux devaient se financer tout seuls. Et il en allait de même pour les banques. Cette fois, écoutons Papineau : « J’ajouterai que de tous les engins maintenant en opération pour nuire aux intérêts du pays, le plus puissant est la mauvaise direction des Banques. Le moyen le plus efficace et le plus immédiat qu’aient les Canadiens de se protéger contre la fureur de leurs ennemis est de les attaquer dans leur plus fort retranchement : des Banques. » En 1835, un groupe canadien-français fonde la Banque du Peuple ; dans l’esprit des fondateurs, cette Banque du Peuple devait servir non seulement à aider les Canadiens français, mais aussi à financer la révolution.
À partir de quel moment le Bas-Canada a-t-il rompu moralement avec le gouvernement de Londres ? Certains historiens disent que le mouvement a commencé en 1822 quand il a été question de l’Union des deux Canadas : cela correspond vraiment à une crise politique où le parti canadien accusa farouchement le gouvernement impérial et les Anglais du Bas-Canada de vouloir noyer la nation canadienne dans un grand ensemble anglophone. On a crié au complot, aux machinations anglaises, à la persécution. Après cette crise, le parti canadien se transformera, en 1826, en parti patriote et son chef, Louis-Joseph Papineau, deviendra le chef incontesté de tous les Canadiens français.
La détérioration des rapports entre le Bas-Canada et l’Angleterre s’est considérablement accrue, par la suite, à partir de 1832 : difficultés financières, rareté du numéraire, arrivages massifs d’immigrants installés aux frais de la British American Land Company. Louis-Joseph Papineau se fait réélire dans le quartier ouest de Montréal, mais des incidents graves se produisent : les troupes interviennent, blessent les manifestants. Papineau a tiré de ces événements tragiques, une phrase célèbre : « Le précédent gouverneur se bornait à envoyer nos gens en prison : son successeur, lui, les assassine… »
De plus en plus, du côté patriote, on pratique la politique du pire et on n’accepte même plus l’idée d’un compromis. Dès lors, certains patriotes songent à une insurrection armée. Cette fièvre révolutionnaire n’a pas cessé de se répandre dans la population et de s’accroître de 1832 jusqu’en 1837.
(Histoire de l’insurrection au Canada).
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