Chronique judiciaire et criminelle (1940)

Chronique judiciaire et criminelle de la fin du mois d’août 1940

Chronique judiciaire et criminelle : Ces « nouvelles pas fraîches » témoignent de ce qui préoccupait le public en août 1940 concernant la situation de la criminalité et les procès dans la cour de la justice au Québec.

Où l’acquittement sur un point ne libère pas toujours l’accusé

Celui qui rat accusé d’avoir fait un faux document, d’avoir mis de faux document en circulation et d’avoir ainsi tenté d’obtenir de l’argent, ne pourra pas prétendre échapper aux deux dernières accusations par le simple fait qu’il aura été acquitté faute de preuve sur la première accusation. En effet, ce n’est pas parce que l’auteur du faux ne peut pas être convaincu qu’il faut conclure qu’il s’y a pas faux et que personne ne peut être coupable d’avoir mis ce faux en circulation.

Ce principe fut suivi par la Cour d’appel lors de ses derniers jugements. Lorsqu’elle confirma un jugement de M. le juge Desmarais, de la Cour des sessions de la paix. Cela dans une affaire de J.-C. Lacroix et Rex. Le prévenu s’occupait dans le temps d’arbitrage en matière de feu et d’assurance feu. On l’accusait d’avoir fait un faux document, d’avoir mis ce faux document en circulation. Ainsi que d’avoir tenté d’obtenir ainsi de l’argent.

À l’enquête, l’accusé se défendit avec ardeur, plaidant principalement qu’il n’avait pas commis de faux. De plus, qu’il n’y avait pas faux. Conséquemment. disait-il, on devait rejeter les trois accusations portées contre lui. Sur la première accusation, le tribunal acquitta l’accusé, disant que la preuve n’était pas suffisante pour conclure, hors de tout doute, que l’accusé avait fait ce faux document. D’un autre côté, la Cour en vint à la conclusion que les deux autres plaintes étaient bien fondées. Le prévenu avait sciemment mis un faux document en circulation. Il avait tenté d’obtenir ainsi de l’argent.

*

Immédiatement, le prévenu porta cette condamnation en appel. Il a dit qu’ayant été acquitté de l’accusation d’avoir commis un faux, on devait nécessairement l’acquitter de l’accusation d’avoir mis ce faux en circulation.

La Cour d’appel toutefois ne partagea pas cette opinion. En effet, dit-elle dans son jugement, il s’agit ici de trois accusations. Il s’agit de trois offenses différentes pouvant entraîner chacune une condamnation. L’accusé aurait pu être accusé, jugé et condamné sur chacune sans l’être sur les autres. L’acquittement de l’accusation d’avoir fait le faux n’entraîne donc nullement l’innocence du prévenu quant aux deux autres accusations.

En effet, une personne qui, bien que n’ayant pas commis un faux, se servirait d’un faux document le sachant tel, peut être trouvée coupable d’avoir fait circuler un faux. Dans la présente cause, le tribunal de première instance a trouvé alors que le document était faux mais que la preuve ne lui permettait pas de conclure, hors de tout doute, que ce faux avait été fait par l’accusé. Par contre, l’accusé savait qu’il était faux lorsqu’il l’a fait circuler, puisque, dans sa défense, il soutient que le document a été fait d’une manière authentique par devant lui. Ce plaidoyer, devant la preuve irréfutable que le document est faux, comporte une présomption violente que le prévenu connaissait l’existence du faut. Dans ces circonstances, la Cour de première instance a bien jugé et la condamnation demeure.

Me Claude Prévost agissait pour la Couronne.

Hommage à la mémoire de l’honorable juge J. – A. Guibault

Éloge du défunt par l’honorable juge Rhéaume. L’audience est ajournée

« La province de Québec a perdu en l’honorable juge J. – Alexandre Guibault un fils distingué et aimé », de dire l’honorable juge Théodule Rhéaume, de la Cour supérieure. C’était hier matin, en faisant l’éloge de son collègue décédé subitement avant-hier à Joliette. En signe de deuil, l’honorable juge Rhéaume, qui présidait l’audience à la division de pratique, a ajourné à aujourd’hui toutes les causes du rôle.

« La science légale de juriste disparu, de continuer l’honorable juge Rhéaume, faisait honneur à la Cour dont il était membre. En politique, il était un adversaire redoutable. Mais il ne comptait que des amis dans tous les partis. Au nom de la magistrature, j’offre à sa famille éplorée les sympathies de tous mes collègues. »

Me Joseph Jean, C.R., présent à l’audience, a donné la réplique. Parlant en effet au nom des avocats de langue française, il rendit hommage à la mémoire du juge Guilbault. Par la suite il offrit à la mémoire du juge les condoléances du Barreau.

Me Lawrence Macfarlane, C.R., ancien bâtonnier du Barreau de Montréal, ajouta ensuite quelques mots au nom des avocats de langue anglaise, rappelant en termes émus la science et le dévouement du défunt.

L’audience fut ensuite ajournée. On entendra le rôle d’hier ce matin.

Les funérailles du juge J. – A. Guibault

Joliette, 26 août 1940. Les funérailles du juge J. – Alexandre Guibault, de Joliette, décédé subitement dimanche à l’âge de 69 ans, auront lieu en la cathédrale de Joliette à 10 heures et demie (heure avancée) mercredi matin.

Jeune sauvage qui goûte à l’alcool

John Stacey, jeune sauvage de Caughnawage accusé d’avoir trop bu d’eau-de-feu et d’avoir, dans son ivresse, battu Simon Rothman, s’avouait coupable, hier, devant le juge F. T. Enright. Le tribunal prononcera la sentence le 28 août. On n’a pas accusé Stacey d’après la loi des liqueurs du Québec, mais il a enfreint la loi des Indiens du Canada, section 130.

Deux accusations contre Aimé Dupuis

Aimé Dupuis, 1534. rue Fabre, s’avouait coupable hier, devant le juge F. T. Enright. Il a admis d’avoir vole $10.25 a M. André Laurin, 5380, rue Delanaudiére. Le tribunal ajourna le prononcé de la sentence au 3 septembre. Dupuis a protesté de son innocence sous deux autres accusations. La première, celle d’avoir volé une automobile valant $600, propriété de la firme « Hochelaga Autoduc Limitée », 3480, rue Rouen. La seconde d’avoir volé à Martine Guertin, femme de Raymond Bessette, une somme de $241. Procès ajourné au 3 septembre. On gardera le prisonnier à vue à la Sûreté municipale pendant trois jours.

Ivre au volant (chronique judiciaire et criminelle)

On a surpris L.F. Newell. 6D0, avenue Melrose, Verdun,  en état d’ivresse au volant de son automobile, à 9 heures 30 du soir, le 25 août, rue Sherbrooke, près Saint-Donat. On l’a traduit hier devant le juge F. T. Enright. Il protesta de son innocence. Le tribunal fixa son procès au 3 septembre.

Pas d’assises aux Trois-Rivières

Trois-Rivières. 25 août 1940. Le district judiciaire des Trois-Rivières n’aura pas cette année de terme d’assises. L’assistant – procureur général, M. Léopold Désilets vient d’en aviser monsieur le notaire C.-K. Vigneau, greffier de 1a paix pour ce district.

Le terme devait s’ouvrir le 25 octobre prochain. Mais il n’y a actuellement que six causes en suspens et un seul accusé reste en détention. On ne convoquera pas les jures.

La Cour ne siégera que pour le renouvellement des cautionnements et pour les autres procédures incidentes qui pourraient survenir.

Cependant, si c’est nécessaire, le procureur – général pourra décréter la tenue d’un terme spécial pour l’expédition de la besogne accumulée.

Maître Philippe Bigue, c.r., dirigera la tenue des séances et qualité de substitut du procureur général de la province de Québec.

Un juge de la Cour supérieure siégera le 25 octobre prochain pour le renouvellement des cautionnements. Au cas où il n’y aurait pas de juge disponible, le greffier de la paix, Me C. – E. Vigneau, remplira lui-même cette procédure.

La « passe » du samedi dans le monde du jeu

La police judiciaire provinciale, sous la direction du directeur – adjoint M. Louis Jargaille, n’a pas chômé en fin de semaine. 158 prévenus passaient hier devant le juge F. T. Enright, pour avoir été surpris dans 6 lupanars, 3 loteries et deux tripots. Il y eut des aveux, mai» un preneur au livre, pris avec 75 clients, décida de plaider. Les 28 filles, quelques-unes « levées » dans l’ouest (et cela se voyait), devront passer par Fullum pour l’examen médical, avant de revenir faire, en rougissant, le fatal aveu.

Un collectionneur de barres de fer (chronique judiciaire et criminelle)

Donat Pilon, 846, rue Wellington, semble avoir eu la manie des « barres de fer », puisque, traduit hier devant le juge F. T. Enright, il avouait avoir volé, puis recelé 32 barres de fer, valant $12, propriété du chemin de Fer Canadien National. Il s’avoua aussi coupable d’avoir causé des dommages évalués à $300, en arrachant les barres de fer d’un pilier en béton de cette compagnie. Le tribunal fixa le prononcé de sa sentence au 28 août 1940. Me Auguste Angers, c.r., représentait la poursuite à l’audience.

Amende de $25 pour un « entraveur » (chronique judiciaire et criminelle)

Paul Manning, 4546, rue Saint-Hubert, accusé d’avoir « entravé » (la plainte ne dit pas comment), les policiers de la Régie des alcools, le soir du 25 août, s’avouait coupable, hier, devant le juge F. T. Enright. Le tribunal imposa une amende de $25 (sans entraves), et le paiement des frais, à défaut, une peine de prison de 30 jours. Me Jean-I. Tarte représentait la Régie à l’audience.

Vol de bijoux (chronique judiciaire et criminelle)

Roland Bolduc, sans adresse connue, traduit hier devant le juge F. T. Enright, protestait de son innocence à l’accusation d’avoir volé à Mme Euclide Chaput quatre bagues et une alliance évaluées à $100. Le tribunal fixa son procès au 3 septembre 1940.

La maladie de la « pierre » guérie par le tribunal

Un Italien accusait un autre Italien de lui avoir volé ses plus belles pierres

Dicullo Vitele, solide Italien de la rue Chabot, possède un terrain vague semé de pierres et de cailloux. Tout indique que notre homme évalue ses pierres au prix de l’or, puisque hier, devant le juge Rodolphe DeSerres, il accusait un compatriote, Albino Ciali, de lui avoir volé des pierres pour la jolie somme de $20. Me René Larrivée, avocat du ministère public, fit entendre le plaignant, qui tient à ses pierres comme à sa prunelle, en vue de se bâtir une maison et admet que si, parmi son bien, il peut y avoir des cailloux, il n’en reste pas moins vrai que la plupart des pierres ont une valeur et pourraient servir.

Me Louis Diner, C.R., avocat de la défense demande au plaignant : – il y a quantité de terrains vagues dans votre district? – Presque tous sont vacants. – Et tous sont couverts de pierres? – Oui, tous.

Un autre témoin, Mme Batista Nadia, 7592, rue Chabot, accorte napolitaine de 30 ans, déclare au tribunal avoir vu Ciali charger des pierres dans son camion après lui avoir dit qu’il avait la permission de Vitele. Avant de quitter ces lieux, Ciali prit un dollar et le donna à madame Nadia en lui disant : « Vous remettrez ce billet au propriétaire pour payer sa pierre. »

À ce stage, le juge DeSerres s’empresse d’acquitter le prévenu, avant même que Me Diner ait le temps de présenter une motion de non-lieu.

Voir aussi :

chronique judiciaire et criminelle
“Rendez le bien pour le bien et la justice pour le mal.” (Confucius).

Laisser un commentaire