Champ-de-Mars

Le Champ-de-Mars de Montréal

Ce polygone de verdure et de vestiges ceinture un lieu riche de l’histoire militaire, sociale et même patriotique. Non construit pendant 350 ans, sinon par des murs de fortifications, le Champ-de-Mars est le plus vaste espace vert du Vieux-Montréal créé par la Ville de Montréal et le ministère des Affaires culturelles. Un espace témoin de la survivance d’une ville en terre d’Amérique.

Très tôt dans l’histoire de Montréal et de la jeune colonie, un rapport de force se dessine : Français et Anglais s’affrontent directement ou par alliances interposées. Le commerce des fourrures entre Français, Hurons, Montagnais et Algonquins provoque représailles et attaques iroquoises ou anglaises.

Le champ de Closse

En récompense de leur bravoure, et dans le but avoué de défendre le nouveau territoire montréalais, Paul de Maisonneuve concède des fiefs à des gentilshommes soldats. Lambert Closse reçoit, en 1652, une terre d’une superficie exceptionnelle de 100 arpents s’étendant de part et d’autre du ruisseau Saint-Martin (l’actuelle rue Saint-Antoine). Le Champ-de-Mars d’aujourd’hui correspond à une partie de cette terre défrichée et cultivée par Closse et ses hommes, avant que des fortifications ne la traversent, à la fin du 17e siècle. Une main à la charrue et l’autre au mousquet, ces hommes de guerre acceptent aussi des tâches civiles : le sergent-major Closse est d’ailleurs l’un des premiers notaires au Canada. Il meurt en 1662 en se portant à la défense de colons montréalais.

La vocation agricole du Champ-de-Mars refait surface à la fin du 19e siècle. Le marché Bonsecours et celui de la place Jacques-Cartier sont surpeuplés. Les cultivateurs et les fermiers des faubourgs environnants ont besoin de l’espace du Champ-de-Mars pour écouler leurs produits. Après 20 ans de pressions répétées auprès des responsables municipaux, ils ont finalement gain de cause en 1899. Jusqu’en 1926, fruits et légumes frais du jour sont vendus au Champ-de-Mars, deux fois la semaine.

Si les fortifications de Montréal disparaissent, âge et volonté gouvernementale aidant, les militaires ne plient pas bagage pour autant. Ils jouent de prestige et de panache sur le site même du Champ-de-Mars. Dans la première partie du 19e siècle, les plus illustres garnisons britanniques s’y retrouvent pour exécuter leurs manœuvres, parader ou célébrer leurs victoires sur Napoléon ou les Féniens. Deux soirs par semaine, les mercredi et vendredi à 17 heures, la musique militaire de certains régiments comme le 93rd Sutherland Highlanders et le 71st Highland Light Infantry attire et séduit la population montréalaise. Le Champ-de-Mars devient la place qu’il faut avoir fréquentée « sous peine de passer pour … naïf ou même non dégrossi ». Ainsi le veut une expression de l’époque.

Bordée de peupliers de Lombardie plantés ou « garde-à-vous » dès 1802, l’esplanade s’étire sur 209 mètres de long par 107 mètres de large. Montréal compte alors près de 27 mille habitants dont 20% seulement vivent à l’intérieure des anciennes limites des fortifications. On évalue à 11 324 le nombre d’anglophones à Montréal en 1825 et à 5000, celui des soldats et officiers britanniques qui y sont stationnés entre 1814 et 1836.

De nombreux étrangers évoquent le Champ-de-Mars dans leurs récits de voyages : « … a favorite promenade in the summer evenings, and the principle scene of military displays », écrit en 1818 John M. Duncan, diplômé de Glasgow, en Écosse.

En 1833, Théodore Pavie souligne dans ses Souvenirs Atlantiques que « chaque jour, à l’heure de la revue, les promeneurs s’y rassemblent pour écouter la musique militaire : c’est une des plus délicieuses positions que j’ai rencontrées dans aucune ville ».

En arrivant dans cette ville de garnison de l’Empire britannique, le lieutenant-colonel Sleigh écrit, en 1846 : « Tout ce beau monde fort bien mis et ce déploiement de beauté feraient honneur à une ville anglaise ».

Des officiers de l’armée des États-Unis viennent expressément de West Point pour observer les manœuvres des plus célèbres régiments impériaux. Partagé entre l’éblouissement du spectacle et son inutile gaspillage, le philosophe américain Henry David Thoreau écrit, en 1850 : « « Ce fut un des spectacles les plus intéressants qu’il m’ait été donné de voir au Canada. La difficulté m’apparaissait être d’aplanir toutes les particularités individuelles… et de faire bouger un millier d’hommes comme un seul, animés par une seule volonté… ils m’ont laissé l’impression, non pas d’un ensemble d’individus, mais d’un énorme mille-pattes humain ».

Le Champ-de-Mars devient propriété publique en 1801. On le ceinture graduellement de bâtiments institutionnels au sud : prison, palais de Justice, église presbytérienne, hôtel de ville de Montréal. Au nord, les champs fertiles du faubourg Saint-Laurent, les pentes cultivées de la terrasse Sherbrooke, les vergers de la plaine du Mont-Royal, l’église et le manège militaire de la rue Craig (aujourd’hui rue Saint-Antoine) bouclent le périmètre.

Des foules en colère

Lieu de rencontre et d’apparat dans la première moitié du 19e siècle, le Champ-de-Mars connaît des heures plus troubles. Au printemps 1849, le Champ-de-Mars constitue le point de départ d’une chaude nuit. Les Tories sont furieux de l’adoption de la Loi sur la Rébellion visant à dédommager à même les fonds publics, les pertes personnelles subies lors de l’insurrection des Patriotes, en 1837-1838. On veut pendre haut et court Lord Elgin, parrain de cette loi. À la lueur des torches, une foule de plus de 5000 personnes quitte le Champ-de-Mars pour se rendre à la place d’Youville saccager et brûler le Parlement de Montréal.

Les divergences entre francophones et anglophones se manifestent au grand jour. La presse francophone rapporte que près de 20 mille personnes se rassemblent au Champ-de-Mars en avril 1885. On proteste contre la pendaison de Louis Riel qui s’était porté à la défense de ses frères métis au Manitoba et sommairement condamné par un jury et un juge anglais.

À la première guerre mondiale, des discours et des appels à la résistance armée s’élèvent contre la conscription. Plus de 500 hommes se réunissent au Champ-de-Mars. Le ministre fédéral de la Justice déclare que ces meetings sont des offenses contre le service militaire et des gestes séditieux en violation du code criminel.

Le 19 juin 1990, sous une pluie battante, une foule se presse à la rencontre d’un homme venu parler de droits et de justice. Nelson Mandela, porte-parole de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, s’adresse à une foule de près de 20 000 personnes au Champ-de-Mars.

(Ville de Montréal, Service de l’habitation et du développement urbain).

Voir aussi :

Champ-de-Mars
Vue sur le Champ-de-Mars. Photo : © GrandQuebec.com.
Bastion Étang
Bastion de l’Étang. Vue panoramique sur le Champ-de-Mars. Photo : © GrandQuebec.com

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