Carrières de pierres sur l’île Jésus (Laval)
Au temps de la Nouvelle-France, on extrait déjà le calcaire ici et là dans la vallée du Saint-Laurent. Facile à tailler, cette pierre sert à construire des bâtiments civils, religieux, militaires et domestiques. Au XIXe siècle, la construction du chemin de fer entraîne une demande pour la pierre concassée, utilisée comme ballast sous les traverses et les rails. Comme le sol de l’île Jésus est riche en calcaire, plusieurs tailleurs de pierre s’installent aux villages de Saint-Vincent-de-Paul, de Saint-François, du Cap Saint-Martin et de Sainte-Rose.
Une carrière d’autrefois
Dans une carrière de pierre traditionnelle, les tailleurs sont nombreux, car le travail est encore peu mécanisé. Il en ira autrement à la carrière de Saint-Vincent-de-Paul, alors que la mécanisation des opérations sera beaucoup plus poussée.
Les routes
Vers 1920, l’apparition de l’automobile entraîne une nouvelle demande pour la pierre concassée qui sert à la construction des routes. Ainsi, durant les années 1920, c’est au tour de l’automobile de connaître un essor rapide. Avec le populaire modèle T de Henry Ford, c’est par millions que les autos envahissent les routes d’Amérique du Nord. Pour accueillir ce trafic, il faut donc de bons chemins, dotés de revêtements uniformes et étanches. Dorénavant, pour construire une route carrossable, on superpose des couches de pierres concassées de différentes grosseurs, qu’on recouvre ensuite d’une surface goudronnée.
La carrière de Saint-Vincent-de-Paul
C’est dans ce contexte que la carrière de la Montréal Crushed Stone entre en opération à Saint-Vincent-de-Paul au début des années 1920. Carrière « la plus moderne au Canada », selon certains contemporains, ses capacités de production sont considérables. Mais le crash boursier de 1929 et la crise qui va suivre provoquent l’effondrement de l’économie. Coup dur pour le village : en avril 1932, la faillite de la compagnie de pierre entraîne la mise à pied d’une cinquantaine d’hommes.
Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, les frères Maristes achètent le site laissé à l’abandon, afin d’y construire un juvénat. En 1961, la propriété est acquise par la municipalité de Saint-Vincent-de-Paul qui projette d’y implanter un parc. Mais c’est la ville de Laval qui finalement aménagera le Centre de la Nature à partir des années 1970.
Restes du concasseur en 1929. La partie supérieure du bâtiment abritait les concasseurs. Les ouvertures munies de persiennes favorisaient la ventilation des poussières. Il y avait des chemins de fer internes sur pilotis de bois.
Pour extraire la pierre, on utilise la dynamite, puis une pelle mécanique à vapeur qui charge des wagonnets roulant sur rails jusqu’au concasseur. D’une hauteur comparable à un édifice de douze étages, celui-ci est, à cette époque, un des plus importants en Amérique du Nord. En y arrivant, les wagonnets empruntent un pont et déchargent les blocs de pierre au-dessus des silos de stockage. Ces blocs sont alors hissés par ascenseur jusqu’à la partie supérieure du bâtiment. Le procédé comporte trois étapes : un premier concasseur broie la pierre, après quoi les fragments passent dans un deuxième qui poursuit le travail avant qu’un troisième ne l’achève.
Tris et entreposage
Le broyage produit des agrégats de tailles diverses qu’il faut trier à l’aide de cylindres percés de trous correspondant aux tailles désirées. Une fois triée, la pierre est entreposée dans des silos en attendant d’être chargée dans des wagons pour l’expédition.
L’expédition
C’est surtout par train que la pierre concassée est expédiée aux clients. Une voie de service permet à la locomotive de placer un wagon sous le silo correspondant à la taille désirée, puis des portes horizontales s’ouvrent et la roche tombe dans le wagon.
Travail et travailleurs
Durant la belle saison, plusieurs dizaines d’employés travaillent à la carrière. Certains s’occupent du dynamitage, tandis que d’autres chargent les wagonnets. Un grand nombre sont préposés au concasseur et à l’expédition ferroviaire. Malgré une mécanisation des tâches beaucoup plus poussée que dans les autres carrières, le travail est dur et les accidents, parfois mortels, sont fréquents : ouvriers écrasés entre deux wagons, fractures causées par une chute de pierre, etc.
En 1939, pour les besoins de guerre, on récupère les machines et le métal abandonnés depuis la fermeture de la carrière.