Montréal : Capitale du Canada-Uni
Lorsque le projet d’unir les deux Canadas en une seule province fut soumis au Haut-Canada, celui-ci s’y déclara favorable à certaines conditions, notamment celle que l’une de ses villes fût désignée comme capitale. À Londres, quand la question se posa, on répondit que les sessions pourraient être tenues n’importe où, soit à Toronto, soit à Kingston, même à Bytown (Ottawa). On ne mentionna pas Montréal., La rébellion de 1837-1838 avait probablement laissé trop de cicatrices pour que l’on choisit la ville la plus importante du pays. La nouvelle constitution ne comportait aucun article à ce sujet.
Le gouverneur, Poulett Thomson, décida que le premier Parlement siégerait à Kingston. La session s’ouvrit le 14 juin 1841 et se termina le 18 septembre. Le lendemain, le gouverneur décédait des suites d’une chute à cheval. Son successeur, sir Charles Bagot, convoqua les chambres pour le 8 spetembre de l’année suivante. Cette deuxième session ne dura qu’à peine plus d’un mois, soit jusqu’au 12 octobre. Kingston n’était encore qu’un gros bourg, et peut-être les députés y trouvaient-ils le temps long entre les séances, car ils votèrent par 40 voix contre 20 une résolution à l’effet que la petite ville n’avait pas l’importance d’une capitale.
Malheureusement, Bagot tomba gravement malade, remit les rênes du pouvoir entre les mains de sir Charles Metcalfe en mars 1843 et décéda le 19 mai. Les chambres furent convoquées pour le 28 septembre, et la question du siège du gouvernement fut l’une des premières abordées. Le gouvernement impérial avait refusé de statuer là-dessus, faute de connaître l’opinion de la législature. Le ministère dut se prononcer, et il choisit Montréal. Un seul membre du cabinet démissionna, J.B. Harrison : il était député de Kingston, et ses électeurs ne lui auraient pas pardonné une attitude favorable à l’égard d’une telle décision. La Chambre et le Conseil législatif adoptèrent le projet de loi à cet effet et la reine lui donna son assentiment.
Il ne faut pas croire cependant que ce choix fut adopté sans heurts. Certains jugèrent que le transfer de la capitale dans l’ancien Bas-Canada mettrait en échec l’un des objectifs de la nouvelle constitution, soit l’assimilation des Canadiens de souche française. Le président du Conseil législatif, Robert S. Jameison, résigna son siège, et 13 de ses collègues désertèrent leurs fauteuils en guise de protestation. L’un des deux députés de la ville de Montréal, G.Moffat, un marchand, remit son mandat, car il n’était pas d’accord avec ses commetants qui lui demandaient de voter en faveur de la mesure ministérielle.
Lorsque cette session fut prorogée, le 9 décembre, le ministère venait de démissionner en bloc afin de protester contre l’attitude du gouverneur qui, habitu. À administrer les affaires publiques en des calonies où le gouvernement constitutionnel n’avait pas encore été introduit, procédait à des nominations sans le consulter.
Mais où, à Montréal, trouvera-t-on un édifice assez spacieux pour accueillir le Parlement ? C’est sur le marché Sainte-Anne que l’on jeta les yeux. Il avait été construit par des citoyens entreprenants, vers 1830, entre les rues McGill et Saint-Pierre. Long de 342 pieds, l’édifice était en pierre de taille. De chaque côté d’un corps central, deux ailes abritaient de nombreux étaux, dont 32 étaient réservés à la boucherie et les autres, à la vente de la volaile, des légumes et du poisson. La petite rivière Saint-Pierre, canalisée et voûtée, coulait sous la longue bâtisse et des caves avaient été aménagées des deux côtés de ce canal, une vaste salle logeait à l’étage du corps central.
La ville avait acheté ce marché en 1842 pour la somme de 15600 livres sterling. Les propriétaires avaient autorisé trois hommes d’affaires à conclure la transaction, le plus important étant George Moffatt qui, l’année précédente, avait été élu pour occuper l’un des deux sièges de Montréal à l’Assemblée législative. Celui-ci possédait des intérêts dans plusieurs secteurs du commerce. Le marché Sainte-Anne devint donc le siège du gouvernement.
Mais il fallait aussi loger le gouverneur général. À cette époque, les Montréalais influents avaient déjà une maison de campagne. Tel était le cas de James Monk, qui fut juge en chef du district de Montréal et plusieurs fois président du Conseil législatif du Bas-Canada. Il avait acquis un vaste domaine et lui avait donné un nom évocateur du sien : Monklands. Son manoir se présentait au bout d’une longue allée ombragée qui, de nos jours constitue en quelque sorte le prolomgement de l’avenue Monkland vers l’est, à partir du boulevard Décarie (actuelle avenue Brillon). Ce bâtiment allait devenir l’édifice central du couvent Villa Maria. Le gouvernement le loua pour en faire la résidence des gouverneurs généraux du Canada. Les visiteurs admiraient l’isolement, et le terme n’était pas exagéré car on rapporte qu’en plein hiver, le comte d’Elgin dut parfois se rendre à Montréal en raquettes, son traîneau, même attelé des meilleurs chevaux, ne pouvant franchir les congères.
C’est donc dans l’ancien marché Sainte-Anne rénové que s’ouvrit la première session du deuxième Parlement, le 28 novembre 1844. L’une des premières décisions prises par les députés fut de demander à la reine une amnistie générale à l’égard des personnes qui avaient transgressé la loi au cours de la rébellion de 1837-1838. Pourtant l’amnistie nde devait être accordée que cinq and plus tard.
(Source : Robert Prévost. Montréal, la folle entreprise, chronique d’une ville. Éditions Stanke, 1991).
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