Canada et l’indépendance des États-Unis

Le Canada (le Québec) et l’indépendance des États-Unis

…Après une résistance de treize jours, le général Cornwallis se rendit avec plus de sept mille réguliers et matelots, le 19 octobre 1781. Cette victoire assura définitivement l’indépendance des États-Unis. C’était la deuxième armée anglaise qui posait les armes dans cette guerre, chose inouïe jusque-là dans les annales militaires modernes. Cornwallis étant tombé malade, le général O’Hara prit sa place et défila à la tête des troupes royales. Il voulut rendre son épée à Rochambeau ; mais celui lui dit, en montrant Washington, que l’armée française n’était qu’auxiliaire dans le pays, et que c’était au général américain à recevoir son épée et à lui donner ses ordres (Mémoires du comte de Ségur 1824-1826).

L’Angleterre fut accablée par la nouvelle de la capitulation de Yorktown. La Chambre des communes, qui avait promis au roi, trois mois auparavant, de l’aider à continuer la guerre, lui présenta une adresse à l’unanimité moins une voix, pour le prier de conclure la paix ; elle déclara en même temps que quiconque conseillerait de ne point traiter, serait réputé ennemi du pays et de son souverain (27 février 1782). Cela amena la démission du cabinet de lord North (20 mars) ; et le marquis de Rockingham, malgré les répugnances que le roi avait pour lui, fut chargé de former un nouveau ministère.

Le général Carleton vint remplacer le général Clinton à la tête de l’armée d’Amérique. Il apporta à Québec la nouvelle des résolutions de l’Angleterre : les négociations avaient été ouvertes sous la médiation de l’empereur d’Allemagne. Le 3 septembre 1783, fut signé à Paris le traité mémorable qui fut ratifié par le Congrès, le 14 janvier 1784, et par le roi d’Angleterre le 9 avril suivant. En vertu de ce traité l’Angleterre reconnut la pleine indépendance des États-Unis, et l’Europe, la première nation libre du Nouveau Monde. Les Américains réclamèrent tout ce qui, après la conquête du Canada, avait été détaché de ce pays pour agrandir les provinces voisines, et le cabinet britannique se vit contraint de le céder. Ainsi les villes de Québec, et de Montréal se trouvèrent à quelques lieues seulement de la frontière, et le Canada perdit, avec les postes de traite livrés aux États-Unis sur les Lacs, une grande partie du commerce profitable qu’il faisait avec les tribus sauvages de l’Ouest. Plus de la moitié des Canadiens établis dans ces contrées devinrent Américains, sans néanmoins cesser d’être Français ; le Détroit, leur chef-lieu, fut rayé du nombre des britanniques.

Par cet abandon de territoire, le Canada perdit aussi le lac Champlain et les montagnes qui l’avoisinent, pays tourmenté, entrecoupé de lacs, de rivières, de défilés, d’obstacles qui en eussent fait une excellente frontière défensive. Dans la guerre de Sept Ans, les efforts des armées anglaises, quatre ou cinq fois plus nombreuses que les armées françaises, étaient venus s’y briser, pendant cinq campagnes ; c’est là encore que s’étaient dressées devant Burgoyne les premières difficultés qui embarrassèrent sa marche et déterminèrent en partie ses désastres.

Le traité de Paris, en fixant la frontière du Canada au pied du lac Champlain, a amené les forces américaines à l’entrée de cette immense et riche plaine de Montréal, qui a plus de quarante lieues d’étendue en tout sens. Il a renversé de ce côté les défenses naturelles du pays, et laissé la ville de Montréal exposée la première aux coups d’une invasion, surtout depuis la disparition des forêts qui l’ont protégée jusqu’en 1812. La Grande-Bretagne souffrait là du mal qu’elle avait voulu infliger aux Canadiens, en annexant une grande partie de leur territoire à celui de ses anciennes colonies, après le traité de 1763. La paix signée, quarante mille royaliste environ, quittèrent les États-Unis pour se porter dans la Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, à l’île du Cap-Breton, dans la province de Québec et en plus grand nombre dans le Haut-Canada qui forme l’Ontario d’aujourd’hui. Ces royalistes prirent aussitôt le nom de United Empire Loyalistes. « Beaucoup d’Acadiens vinrent aussi s’établir sur nos bords, préférant, dit M. Lebrun, un pays resté français par ses mœurs à une république anglaise par sa langue et ses lois. » (Tableau statistique et politique des deux Canadas, Paris, 1833). Ce fut avec cette émigration que les familles Smith, Sewell et Stuart vinrent au Canada, où elles devaient occuper tour à tour les premières charges de la magistrature.

En 1797, le comte Joseph de Puisaye avait eu l’idée de fonder une colonie de royalistes français dans le Haut-Canada. Des terres leur furent octroyées entre Toronto et le lac Simcoe. Puisaye arriva en 1798 accompagné d’une quarantaine d’hommes. Mais les colons se dispersèrent et le projet dut être abandonné (Rapport sur les Archives canadiennes, Ottawa, 1885-1889).

La paix procura deux avantages à ce pays : elle mit fin au système militaire qui y régnait, et hâta l’établissement d’un gouvernement représentatif. Sur l’ordre du ministère britannique, la loi de l’Habeas corpus fut introduite, après de longs débats, par une ordonnance du Conseil législatif. C’est la dernière que Haldimand ait signée avant de remettre les rênes du gouvernement à son successeur, en 1785.

(Histoire du Canada par François-Xavier Garneau, huitième édition entièrement revue et augmentée par son petit-fils Hector Garneau, volume XI, De l’ancien régime au Nouveau. L’Acte de Québec. La révolution américaine. Éditions de l’Arbre, 60 Ouest, rue Saint-Jacques, Montréal, 1945).

Lire aussi :

«Je ne peux rien pour qui ne se pose pas de questions.» Confucius.
«Je ne peux rien pour qui ne se pose pas de questions.» Confucius. Photo de GrandQuebec.com.

Laisser un commentaire