Le Québec attend impatiemment l’arrivée du roi
Si la température le permet, mercredi, le 17 mai 1939, la foule veillera toute la nuit sur les hauteurs de la Haute ville de Québec.
Québec, 14 mai 1939. – Le flot ininterrompu de promeneurs sur la terrasse Dufferin se serait attardé, fort tard, ce soir, sous les étoiles, dans la tiédeur de l’air, si personne n’avait su que le paquebot « Empress of Australia » était en retard de deux jours.
Tout le monde s’était en quelque sorte promis de veiller un peu sur les hauteurs de Québec pour voir apparaître, bien avant l’aube, à la Pointe de Lévis, le reflet des lampes-tempête qui constellent la mâture du navire à bord duquel voyagent nos gracieux souverains, Leurs Majestés le roi George VI et la reine Elizabeth. La silhouette des deux destroyers canadiens « Skeena » et « Saguenay » aurait accompagné l’apparition spectrale dans la nuit, de cette carène blanche d’un « Empress ».
Des feux de joie sur les rives et des mouvements de foule auraient salué ces présences sur la rade grandiose. Mais la marée qui montait ce soir, n’apporta aucun signe adventice. Et la terrasse fut déserte à bonne heure, de même que la rade, tandis qu’on lisait sur les bulletins du service canadien des signaux et sur ceux des comités de réception les nouvelles détaillées de ce retard.
Si la température est aussi belle mercredi soir, et qu’on projette encore l’arrivage de nuit, le spectacle que nous devions avoir, ce soir, se produire, avec certes plus de spontanéité encore, car le loyalisme des Québécois ne fait que s’accroître.
La province a été un peu contrarié à la lenteur que met le vaisseau à arriver. On souhaite ardemment ici que le climat, si variable dans la région, ne vienne rien gâter. De tous les apprêts extraordinaires qu’on a faits en l’honneur des visiteurs royaux. De distingués étrangers de passage dans la vieille capitale ont décidé d’attendre, de même que la plupart des personnages canadiens, venus de Toronto, d’Ottawa, de Montréal et de Trois-Rivières. Congé forcé par beaucoup d’entre eux, particulièrement pour nombre de journalistes, correspondants de grands quotidiens européens.
Aucune fonction officielle ne sera suspendue dans la ville de Québec, ni dans la ville de Trois-Rivières, ni à Montréal, ni à Ottawa, nous assure-t-on de bonne part, ce soir, malgré l’incertitude où l’on semblait se trouver quelques heures auparavant.
Les dépêches laconiques reçus du puissant sémaphore que le gouvernement canadien a érigé au Cap Race, sur la pointe orientale de Terre-Neuve, pour diriger la navigation transatlantique vers le golfe du Saint-Laurent, n’ont jamais passionné l’opinion au Canada comme elles l’ont fait aujourd’hui. Dès qu’on les recevait, en plusieurs copies écrites au carbone, on se les arrachait pour les re-transmettre par tout le pays en les accompagnant de rumeurs et de commentaires.
Les cérémonies prévues pour lundi se dérouleront à la même heure, mercredi, et c’est jeudi que les souverains partiront pour Trois-Rivières et Montréal. Toutefois, il peut survenir d’autres retards qui auraient pour effet de remettre encore d’une journée les réceptions projetées. On s’efforcera de bien tenir l’horaire fixé de toutes les manifestations, quitte à supprimer quelques heures de loisir, ici et là, au Roi et à la Reine.
Parmi les personnalités de passage à Québec, aujourd’hui, on remarquait tout particulièrement sir Thomas White et sir Henry Drayton, de Toronto, deux anciens ministres des finances du temps de la Grande-Guerre, les honorables Hugh Guthrie, Gordon, Mathewson, Gendron, conseillers privés; le sénateur D.-O. L’Espérance, etc.
Une première édition extra de la Gazette Officielle de Québec apprenait, samedi soir, que Son Excellence, le lieutenant-gouverneur modifiait les termes de sa récente proclamation au sujet des « jours de fête et de réjouissances publiques » dans la province. Au lieu du 15 mai, on donnait la date du 16 mai pour Québec, 17 mai pour Trois-Rivières et Montréal. Un autre supplément doit maintenir sortir des presses de l’Imprimeur du Roi, demain matin, pour modifier ces dates de nouveau puisque le retard de l’arrivée de Leurs Majestés n’est pas d’une journée mais de deux jours. On y lira probablement 17 et 18 mai pour Québec, 18 et 19 mai pour Montréal. L’une de ces journées est déjà désignée comme fête légale au calendrier parce qu’elle marque la fête religieuse de l’Ascension.
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