L’arrivée de Montmagny

L’arrivée de Montmagny en Nouvelle-France

En 1636, Samuel de Champlain mort, une certaine crainte s’empara des esprits. Qui allait-on envoyer pour remplacer le fondateur? Le révérend père Paul Le Jeune s’en fait l’écho dans la Relation des Jésuites de 1636 : Une autre appréhension nous tenait entre la crainte et l’espoir sur le changement de gouverneur. M de Champlain nous nous ayant quittés en la dernière année de son gouvernement, pour s’en aller au ciel, nous étions en suspens : quel zèle aurait son successeur pour cette église naissante?

Mais les navires paraissant, toutes ces craintes se sont dissipées : Le nombre de vaisseaux nous a fait connaître que les affaires de la Nouvelle-France tiennent rang dans les grands soins de l’Ancienne, et que les affections de MM. de la Compagnie se vont tous les jours augmentant, et les premières actions de M. de Montmagny, notre gouverneur, nous ont fait espérer tout ce qu’on peut attendre d’un esprit rempli de piété, de résolution et de conduite… Le père Pierre de Chastelain et le père Charles Garnier étaient en sa compagnie. Après les compléments ordinaires, nous le suivîmes droit à la chapelle; en chemin, ayant aperçu l’arbre de notre salut :

Voici, dit-il, la première croix que je rencontre sur le pays, adorons le Crucifié et son image !

Il se jette à deux genoux, et à son exemple, toute la suite, comme aussi tous ceux qui le venaient saluer. De là, il entre dans l’église où nous chantâmes solennellement le Te Deum, comme aussi les prières pour notre bon roi. A l’issue de son action de grâces et des louanges que nous rendîmes à Dieu pour sa venue, M. de Châteaufort, qui tenait la place de défunt M. de Champlain, lui vint présenter les clés de la forteresse, où il fut reçu par plusieurs saluts de mousqueterie, et par la tonnerre de plusieurs canons. A peine était-il entré, qu’on lui fit demander s’il aurait agréable d’être parrain d’un sauvage qui désirait le baptême.

– Très volontiers, dit-il !

Se réjouissant d’avoir ce bonheur qu’à l’entrée de son gouvernement il aidât à ouvrir les portes de l’Église à une pauvre âme qui se voulait ranger dans le bercail de Jésus Christ, M. le gouverneur se transporte aux cabanes de ces pauvres barbares, suivi d’une leste noblesse. Je vous laisse à penser quel événements à ces peuples de voir tant d’écarlate, tant de personnes bien faites sous leur toit d’écorce. Quelle consolation reçut ce pauvre malade, quand on lui dit que le grand capitaine qui venait d’arriver voulait lui donner nom et être son parrain. M. le gouverneur le nomma Joseph, à l’honneur du saint époux de la Vierge, patron de la Nouvelle-France, et le père Chastellain le baptisa.

Pendant le dîner, car tout ceci se passa le matin, ce noble parrain dit tout haut, en bonne compagnie, qu’il avait reçu ce jour-là le plus grand honneur et le plus sensible contentement qu’il aurait pu souhaiter en la Nouvelle-France. Notre joie ne se tint pas là : la quantité de familles qui venait grossir notre colonie, l’accrut notablement; celle, entre autres, de M. de Repentegny et de M. de la Poterie, braves gentilshommes!, composées de quarante-cinq personnes! »

Dans quel état, Charles Hualt de Montmagny, chevalier de Malte, trouvait-il la colonie, c’est-à-dire, à quel stade de son développement? Le père Le Jeune nous le dit :

“M. de Champlain, devant que de mourir, fortifia la place que les Anglais avaient usurpée et qu’ils ont rendue. Depuis sa mort, on y a encore travaillé, on a entretenu une redoute qu’il avait dressée pour commander le long du quai, et l’on a multiplié les canons qui battent sur la rivière, renforçant la plate-forme qui les porte.

M. de Montmagny, notre gouverneur, a tracé le plan d’une forteresse qu’on doit bâtir régulièrement. Les uns travaillent à la chaux, les autres à la brique, les autres tirent à la pierre, d’autres explanadent la place. On a tiré les alignements d’une ville, afin que tout ce qu’on bâtira dorenavant soit en bon ordre. On a visité un endroit sur la rivière qui pourra empêcher non seulement les grands vaisseaux de passer outre, mais encore les petites barques, et, peut-être, encore les chaloupes.

L’habitation de Trois-Rivières est agrandie de deux corps de logis, d’un magasin et d’une plate-forme garnie de canon. Je ne dis rien des maisons des particuliers, qu’ils ont fait et font dresser encore tous les jours, qui deçà qui delà, suivant l’affection et la commodité d’un chacun.

Ceux qui n’ont point vu le pays dans sa pauvreté, n’admirent pas peut-être ces commencements encore assez petits. Pour moi, je confesse ingénument que Quebec me semble un autre pays, et qu’il n’est plus ce petit coin caché au bout du monde, où on ne voyait que quelques masures et quelque petit nombre d’Européens. Le courage de ces messieurs pousse bien plus avant: ils méditent diverses demeures ou habitations jusqu’au Grand-Sault-Saint-Louis, qui seront, peut-être, un jour autant de villes ! Voir même, avec le temps, ils pourront s’assurer de la grande rivière jusqu’à la mer douce des Hurons : c’est un lac de plus de cinq cents lieus d’étendue. Mais il faut réunir et rallier nos forces en quelques endroits stables et bien conservés, devant que de nous répandre si loin.

Quant aux habitants de la Nouvelle-France, ils se sont multipliés au-delà de nos espérances. Entrant dans le pays, nous y trouvâmes une seule famille (le bon père parle de la restitution de Québec à la France, en 1632), qui cherchait passage en France pour y vivre sous les lois de la vraie religion. Et maintenant nous voyons tous les and aborder bon nombre de très honorables personnes, qui se viennent jeter dans nos grands bois, comme dans le sein de la paix, pour vivre ici avec plus de pitié, plus de francise et plus de liberté.”

Tiré du Les Français au Canada (du Golfe Saint-Laurent aux Montagnes Rocheuses, par Cerbelaud Salagnac, Éditions France-Empire, 68, rue Jean-Jacques Rousseau – Paris (1er), 1963.

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Côte du Colonel Dambourges dans le Vieux-Québec. Photo : GrandQuebec.com.

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