Agitation politique au Canada en 1770-1776
Les anciens sujets du roi, que la constitution civile de 1764 favorisait des lois anglaises, et auxquels aussi le gouvernement donnait tous les emplois publics, n’étaient pas encore satisfaits de tous ces avantages. À l’instar des colonies américaines, leur suprême ambition était l’établissement du régime parlementaire au Canada. Se prévalant de la constitution, qui recommandait la formation d’un parlement « aussitôt que les circonstances le permettraient », ils agitèrent la question devant le peuple et exposèrent leurs vues aux autorités de Londres.
À l’instigation des marchands de Québec et de Montréal, les Lords du commerce proposèrent en 1769 (Archives can. Québec. vol 18, p 7) d’établir une législature canadienne, formée de vingt-sept représentants du peuple, dont treize pour les campagnes et quatorze pour les villes. Les députés des villes, soit la majorité de la députation, devaient prêter le serment du Test; ce qui excluait de fait tous les catholiques de la nouvelle chambre d’assemblée (Charles II, chaque II, Acte 25).
Les députés des campagnes en étaient exemptés, par contre ils devaient être propriétaires d’un fief seigneurial. On conçoit qu’un parlement, dont la majorité serait de droit anglaise et protestante, ne devait pas convenir à la population française. Aussi bien, quelques efforts que fit la petite minorité britannique pour gagner la majorité canadienne à ses vues d’émancipation politique, les anciens habitants firent bloc contre un projet aussi follement conçu.
S’ils prenaient part aux assemblées publiques, dans lesquelles se discutait l’avenir constitutionnel du pays, ils ne signèrent aucune des pétitions adressées au gouvernement anglais par leurs concitoyens. Dans un mémoire, présenté à Londres le 29 novembre 1773, on relève les noms de deux Juifs et d’un Français, Jacques Dumoulin, ministre protestant, mais pas un seul nom canadien. Une requête identique, du 10 janvier 1774, envoyée au roi, portait 87 signatures, dont six de Suisses français protestants et deux de Juif Tous les autres signataires étaient des Anglais de Montréal. (Shortt & Doughty: Documents pour l’histoire constitutionnelle du Canada, 1911, pp. 327 et suivantes).
De leur côté, les Canadiens portèrent au pied du trône leurs désirs et exposèrent leurs besoins. Dans un mémoire au roi (décembre 1773), ils demandaient de reculer les frontières aux pays de l’Ouest et du Mississipi, de réunir à la province de Québec les côtes du Labrador. (Le Labrador avait été rattaché au gouvernement de Terre-Neuve après la guerre de Sept ans. La rébellion américaine fit voir le danger pour l’Angleterre de perdre ce territoire des pêcheries, si Terre-Neuve tombait au pouvoir des rebelles. Le Labrador fut donc rendu au Canada, à la demande des Canadiens. — Cf. J. Wright: “ Debates of the House of Commons in the year 1774, on the bill for the Government of the Province of Quebec, drawn from the notes of the Right Hon. Sir Henry Cavendish”; London, 1839. À la bibliothèque Fraser, à Montréal).
En plus de la restitution du territoire, tel que la France l’avait cédé à l’Angleterre, ils priaient sa majesté de remettre en vigueur des lois françaises et de leur reconnaître, à eux tous, en fait comme en droit, le privilège de servir dans les emplois civils et militaires. Quant à une législature provinciale, ils n’en voyaient pas la nécessité présente, croyant plutôt à l’opportunité d’un Conseil d’État dans lequel ils seraient justement représentés.
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