Affaires religieuses et l’établissement de Ville-Marie
En vue d’établir de nouvelles missions, les pères Jésuites prirent occasion de la paix pour approcher quelques familles d’Onneiouts et d’Onnontagués, descendues à Ville-Marie à la cessation des hostilités. Ces démarches ne furent guère fructueuses et l’évangélisation des races iroquoises ne devait être possible que beaucoup plus tard, grâce à leur groupement dans le voisinage de Montréal.
Mademoiselle Mance était venue à Ville-Marie pour fonder un hôpital. Les fréquentes incursions des Iroquois autour du fort, leurs attaques sournoises
et sanglantes parmi les travailleurs des champs montrèrent l’impérieuse nécessité d’une fondation de ce genre. Dès 1644, des lettres patentes royales furent accordées à Jeanne Mance, qui fit tout de suite ériger un vaste bâtiment, à l’angle nord-ouest des rues actuelles Saint-Paul et Saint-Sulpice. (Autrefois appelée rue Saint-Joseph).
À l’automne on fit l’inauguration du nouvel hôpital, où furent reçus et soignés indistinctement les Français et leurs ennemis. La chapelle de l’Hôtel-Dieu servit en même temps d’église paroissiale durant plus de trente
ans. Jeanne Mance, aidée de quelques compagnes charitables, se dévoua toute sa vie au service des malades et des blessés de guerre. En 1659, elle associa à son œuvre les religieuses Hospitalières de Saint-Joseph, arrivées à Montréal cette même année, mais elle dut en conserver la direction réelle jusqu’à sa mort. (L’inventaire de ses biens montre de toute évidence que la fondatrice n’abandonna point son hôpital aux Religieuses, mais qu’elle en garda la gérance toute sa vie. Cf. «Antiquarian and Numismatic Journal,» 1912, No 1, p. 12.).
Le Canada n’était encore qu’un pays de missions, et Montréal ne possédait même pas une église curiale, que déjà les Associés de la Compagnie songeaient à établir dans leur petite colonie le siège d’un évêché. Ils proposèrent pour ce poste un de leurs membres, messire Thomas Legauffre. L’assemblée générale du clergé de France s’étant montrée favorable au projet, la reine mère, Anne d’Autriche et son ministre, le cardinal Mazarin, promirent de doter libéralement le nouveau siège épiscopal. Agréé par la cour, M. Legauffre ne voulut point accepter cette dignité avant de faire une retraite de décision chez les Jésuites. Il mourut au cours de ces pieux exercices.
Les Jésuites, les plus intéressés dans la question, avaient été discrètement pressentis à ce sujet et n’y faisaient point apparemment d’objection. Toute l’affaire alla s’éteindre en cour de Rome, qui ne répondit pas aux belles avances qui lui furent faites. Les promoteurs, incontestablement desservis quelque part par quelqu’un, durent abandonner leur projet. (Abbé Faillon: «Histoire de la Colonie française,» vol. Il, p. 47).
Cette grande ambition des Associés paraissait sans doute prématurée; et la création du premier diocèse canadien, retardée de dix ans, fut réalisée tout autrement qu’on ne l’avait conçue. À Québec, d’ailleurs, on montrait peu d’empressement à seconder les initiatives du dehors et l’entreprise était cette fois mise de l’avant par la Compagnie de Montréal.
Diocèse de Montréal
Le diocèse de Montréal, érigé canoniquement en 1836, fut d’abord administré comme nous venons de le voir par un évêque auxiliaire, relevant de Québec. Le premier titulaire fut le Sulpicien Jean-Jacques Lartigue, sacré en 1821, au titre d’évêque de Telmesse.
À la création du diocèse, il se donna un coadjuteur, Mgr Ignace Bourget, qui lui succéda en 1840. « Faible de santé, dit le père Lejeune, mais de caractère indomptable, Mgr Bourget fut créateur d’institutions et d’œuvres remarquables ». Il entreprit de démembrer l’antique paroisse Notre-Dame, ce qui ne lui fut pas facile, et il fonda de nombreuses églises curiales indépendantes. Il établit le chapitre des chanoines en 1841. Après l’incendie de son église, en 1852, il conçut le projet de rebâtir sa cathédrale au carré Dominion, dans la partie anglaise de la ville. En attendant de réaliser son dessein, il reconstruisit l’église St-Jacques, sur le site de la première, rue St-Denis. On sait que la basilique actuelle, commencée par lui en 1870, et terminée en 1894, est construite sur le plan de St-Pierre de Rome, mais dans de moindres proportions. Mgr Bourget résigna ses fonctions en 1876 et mourut dans sa retraite du Saut-au-Récollet à l’âge de 87 ans.
Son successeur fut Mgr Edouard-Charles Fabre, nommé d’abord coadjuteur en 1873. Il fut préconisé archevêque de Montréal en 1886 et mourut dix ans plus tard le 3 décembre 1896.
Le quatrième évêque de Montréal fut Mgr Paul-Napoléon Bruchési, d’origine italienne, sacré le 8 août 1897. Ce fut l’un des évêques les plus marquants du Canada. En 1905, il se donna un auxiliaire dans la personne de Mgr T.-Z. Racicot, que la maladie força bientôt à se retirer. Il fut remplacé par Mgr Georges Gauthier en 1912.
Ce dernier, devenu administrateur, puis coadjuteur en 1923, à cause de la maladie de Mgr Bruchési, choisit comme auxiliaire, en 1925, Mgr Alphonse Deschamps.
Dans l’espace d’un an, Montréal perdit ses trois évêques: Mgr Bruchési mourut le 20 septembre 1939, à l’âge de 84 ans, après une cruelle maladie de vingt ans; Mgr Deschamps décéda au printemps de 1940 et Mgr Gauthier, le 31 août suivant. Ce dernier, le cinquième évêque titulaire de Montréal, n’exerça donc ses fonctions d’ordinaire du diocèse que l’espace d’une année. Son successeur est Mgr Joseph Charbonneau, nommé coadjuteur au printemps de 1940, avec future succession.
