1763 : La paix est conclue

La paix entre la France et la Grande Bretagne est conclue, la guerre est finie

Entre l’allégresse du peuple et l’amour-propre flétri du roi : les fêtes pour la publication de la paix de juin 1763 à Paris

« On ose donner des fêtes à Paris, je ne sais pas trop bien pourquoi. Il me semble que c’est aux Anglais et à certains princes allemands à donner des fêtes. » (Lettre de Voltaire à Louis-Dorothée von Meininge, duchesse de Saxe-Gothe, Ferney, 30 juin 1763, dans Voltaire, Correspondance, Édition Théodore Besterman, vol. VII, Paris, Gallimard, 1981, p. 292-293.)

C’est dans ces termes narquois que Voltaire fait mention des fêtes pour la publication de la Paix, tenues à Paris la semaine précédente, soit les 20, 21 et 22 juin 1763. Il s’agit d’un événement plutôt méconnu, signalé à l’occasion dans l’historiographie à la suite du traité de Paris de février 1763 qui, évidemment, reste le point focal du traitement de la fin de la guerre de Sept Ans. Ainsi reléguées à un rang secondaire, ces fêtes demeurent-elles pour autant un fait simplement accessoire, banal et anecdotique ?

L’examen attentif de la préparation, du contenu et du retentissement de cet événement donne plutôt à penser que les « cérémonies et fêtes publiques » mises de l’avant, bien qu’elles répondent entièrement à la nécessité formelle de la publication de la Paix à laquelle le roi ne pouvait échapper, ont surtout permis à celui-ci de chercher à restaurer une gloire mise à mal par le contenu néfaste du traité de Paris. Ainsi, en récupérant et en exploitant un lustre emprunté à un passé assez proche (1748), le pouvoir royal parvenait à laisser dans l’ombre et au second plan la Paix comme telle. De cette manière, en plus de refléter une facette des relations ritualisées entre le roi et ses sujets, les fêtes pour la publication de la Paix deviennent un indicateur de choix de l’état d’esprit du pouvoir royal face à l’issue de la guerre de Sept Ans.

Enfin la Paix !

L’effet cumulatif de la tournure défavorable de la guerre de Sept ans pour la France, sur le plan tant diplomatique que militaire ou financier, a fait en sorte que l’on en est venu rapidement à souhaiter la paix dans le royaume de Louis XV, Voltaire la réclame régulièrement à partir du début de 1758, tandis que Choiseul l’envisage dès son entrée au ministère à la fin de la même année. C’est pourquoi, après des rebondissements multiples ponctués de rumeurs diverses, les annonces successives de l’échange de plénipotentiaires en septembre 1762 et de la signature des préliminaires du traité de paix en novembre à Fontainebleu furent accueillies comme un bienfait qui s’était fait longuement attendre.

Au début de 1763, avec l’imminence de la signature officielle du traité définitif prévue pour le 10 février à Paris, on assiste aux premières réjouissances publiques. L’avocat Barbier mentionne dans son journal la tenue de fêtes, opéras et comédies tant à Versailles qu’à Paris « en considération de la paix ». Le phénomène ne se limite sans doute pas à Paris et ses environs : Voltaire signale qu’on a donné « un bal avec un feu d’artifice, en l’honneur de la paix » près de chez lui à la frontière suisse.

Cette allégresse populaire spontanée consécutive à l’annonce de la paix a peu à voir avec la teneur du trait de Paris comme tel. En effet, rien n’indique un quelconque apitoiement du public à cet égard. Le sort de la Nouvelle-France et du Canada en particulier est rarement évoqué et on ne sent pas de regret profond par rapport à sa perte.

La résignation des Français à accepter de se défaire de leur empire colonial nord-américain, éventualité dont il est question dès 1761, semble bien achevée au moment du traité. Elle correspond en tout point à la phrase célèbre de Voltaire qui disait : « Je suis comme le public, j’aime beaucoup mieux la paix que le Canada, et je crois que la France peut être heureuse sans Québec ». Il y aurait sans doute beaucoup à dire sur ce que révèle cette résignation rapide à propos de l’intensité du rapport affectif existant entre les Français et les colons canadiens.

Paradoxalement, la joie manifeste avec laquelle les Français ont accueilli la paix, malgré les termes défavorables du traité, contraste avec ce qui se passe outre-Manche. Là, une bonne partie du public, convaincue de la victoire inéluctable de la Grande-Bretagne depuis déjà quelques années, est consternée devant les largesses consenties par leur gouvernement à la France et, malgré la paix, manifeste bruyamment sa faveur.

D’autres réjouissances et festivités, plus officielles et encadrées celles-là, allaient suivre avec les fêtes pour la publication de la Paix à venir.

(Alain Laberge. Sous la direction de Sophie Imbeault, Denis Vaugeois et Laurent Veyssière. 1763. Le traité de Paris bouleverse l’Amérique. Septentrion, 2013).

Enfin la paix ! Photo de GrandQuebec.com.
Enfin la paix ! Photo de GrandQuebec.com.

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