Des gens hors du commun
Vers la fin du XXe siècle, depuis 1984, le quotidien La Presse honorait une femme ou un homme du Canada. S’étaient alors 52 personnages dont on soulignait l’extraordinaire rayonnement dans toutes les sphères d’activités : affaire, humanisme, culture, sport ou sciences.
De ce nom, l’un ou l’une devenaient le porte-drapeau de l’excellence et était alors choisi Personnalité de l’année.
Voici un petit rappel de ces 15 carrières hors du commun, de ses exemples de courage et de leadership, de génie et de créativité :
1984. Gaétan Boucher : Il patine et tout le Québec patine avec lui. C’est sans doute cette formidable pousse d’adrénaline subliminale venant du peuple qui a aidé un tout petit peu Gaétan Boucher à remporter deux médailles d’or et une de bronze aux Jeux Olympiques de Sarajevo. À cette vitesse effrénée, il ne fait pas que gagner des médailles, il ouvre une voie.
1985. Naomi Bronstein : Une femme hors du commun qui agit selon son cœur et ses convictions. Entêtée, il n’y a rien pour arrêter sa passion d’aider. Naomi Bronstein suscite l’admiration. Son destin est celui d’une sainte moderne. Mère de douze enfants, dont sept adoptés, tous les enfants du monde son ses enfants, d’une certaine façon. L’Amérique Centrale, la Cambodge où elle a fondé un orphelinat, il n’y a pas un coin de la Terre qui la rebute si des enfants sont en péril. Tout le monde l’aide maintenant et elle reçoit toutes les récompenses.
1986. André Viger : Dans ce fauteuil roulant qui est sa croix et sa gloire, le jeune homme sportif et souriant apparaît comme un héros d’un genre nouveau. Le marathonien paraplégique semble être animé d’une force hors du commun. Comblé par les honneurs, hissé sur les podiums, il rêve encore à sa vie d’avant ses 20 ans, celle où marchait. Puis ce terrible accident est venu changer son destin, lui donnant une forme d’assurance qui lui a procuré des ailes. Mais de l’humour aussi. Et si le temps est passé de se lancer à l’assaut des honneurs sportifs, il y a encore le merveilleux défi des affaires. Rien n’arrête André Viger.
1987. Denys Arcand : Il a reçu bien des honneurs comme cela arrive souvent : la Société générale du Cinéma, l’Ordre du Canada, etc. À Cannes, se fut le prix d la critique internationale. Le Déclin de l’Empire Américain, son film-fétiche avait un an et marchait à merveille. Si bien que Denys Arcand a été sollicité partout. Devenu une sorte de héros, le réalisateur a senti le besoin de s’installer à sa table de travail, de s’isoler un peu pour créer un nouveau scénario.
1988. Guy Laliberté : En peu de temps, cinq ans à peine depuis la fondation du Cirque du Soleil, Guy Laliberté est déjà un habile stratège, un acrobate de génie, un prestidigitateur subtil, un jongleur unique. Le président, directeur général de cette entreprise de haute voltige a plus d’un tour dans son sac et multiplie sa magie. Sa vision porte le Cirque aux quatre coins du monde. Aujourd’hui, le Cirque du Soleil qui a sont port d’attache à Montréal pousse ses assises jusqu’à Las Vegas, Singapour et Amsterdam, et maintenant chez Disney. Un monde qui s’ouvre à une troupe et des créateurs qui ont réinventé le vieil art du cirque.
1989. Phyllis Lambert : Madame l’architecte est l’une des rares personnalités à avoir reçu plu d’une fois le titre de Personnalité de la semaine. 1989 fut un bon cru. On s’extasiait sur l’existence nouvelle du Centre canadien d’architecture, qui est son œuvre et sa fierté : un musée, mais aussi une bibliothèque, un lieu d’enseignement, un lieu d’échanges. Et qui ajoute un symbole unique à la vie architecturale de Montréal, La compétence de Phyllis Lambert tient aussi de sa vision. On l’a vu ne pas hésiter à prendre partie dans des débats houleux où la vie d’une communauté ou d’un quartier était menacée.
1990. Gratien Gélinas : Le théâtre québécois a un père : Gratien Gélinas. En 1990, l’auteur de Bousille et les Justes et les Fridolinades, notamment, des œuvres si intimement liées à l’histoire théâtrale du Québec, avait 81 ans. Son énergie d’homme était belle à voir. Très en demande, très joué, toujours à la mode et toujours enthousiaste, l’auteur et l’acteur, le père et le grand-père vivaient cent vies de front. Des projets de voyage, d’autres d’écriture et de création. Au fonds, il possède tous les trucs de longévité, y compris la générosité et l’amour de ses proches. Ses petits-enfants de sang, sa famille élargie qui va maintenir son œuvres vivante, sont des garanties de immortalité.
1991. Jean Vanier : Il n’y a qu’à fermer les yeux pour entendre jusqu’au fond de soi sa pensée joyeuse transmise par une voix monocorde. Jean Vanier connaît un destin exceptionnel et qui peut paraître difficile à comprendre. Au sein du milieu bourgeois où il est né ont fleuri des valeurs de fois et d’amour auxquelles il n’est pas resté sourd. Pas étonnant, dès lors, que la vie sécrète des déficients mentaux le fascine; au point de fonder l’Arche, près de Paris, en 1964, un lieu de vie qui s’étend maintenant dans au moins 22 pays. Jean Vanier croit en la grandeur humaine. Sa sensibilité le porte à en dévoiler les mystères. On l’appelle le Prophète des choses inutiles.
1992. Roberta Bondar : Un rêve d’enfant à réaliser, une volonté de tenir tête aux préjugés et aux difficultés, Roberta Bondar est le modèle incontestable de toute une génération. Première femme astronaute canadienne, elle est la seule femme de la première équipe de l’Agence spatiale canadienne qui passera dix jours dans l’espace à réaliser la mission IML – 1à bord d’une navette américaine. La route de l’espace est semée d’embûches, mais Mme Bondar a le tempérament qui convient aux héroïnes. On la décrit fonceuse, bûcheuse, énergique, brillante. Son énergie prend la route de ce que lui dicte sa conscience, qu’elle soit politique, féministe, environnementaliste ou autre. .
1993. Jean Béliveau : Chacun le reconnaît. Jean Béliveau est un grand homme. Sa taille n’est pour rien dans cette assertion. C’est davantage la personnalité du célèbre joueur de hockey qui est en cause. Humilité, intégrité, gentillesse, ceux qui l’ont connu au faite de sa gloire, ses amis ne tarissent pas d’éloges. En 1971, Jean Béliveau a pris sa retraite comme joueur de hockey et pouvait se venter, durant ses 18 saisons avec le Canadien, d’avoir fait partie de dix équipes gagnantes de la Coupe Stanley.
1994. Guy Saint-Pierre : C’est une bonne année pour Guy Saint-Pierre. Il récolte ce qu’il a semé. Les titres et les honneurs rejaillissent sur l’homme dont la carrière a été diversifiée et très riche. L’armée, le génie, la politique, les affaires : des univers différents mais où il a donné le meilleur de lui-même, sans craindre les risques. La fusion SNC-Lavalin, en 1992, est une initiative audacieuse, qui a porté le groupe SNC sur toutes les routes de la Terre, vers les plus grands projets d’ingénierie. Il faut rappeler qu’il a été ministre de l’Éducation et Ministre de l’Industrie et du Commerce du Québec, un leadership incontestable.
1995. Daniel Langlois : Il est tombé dans la potion de la réussite. Le PDG de Softimage, est, en 1995, le symbole même de la réussite des Québécois sur le plan international. Et il n’a que 38 ans. Trois ans plus tard, avec Microsoft, Daniel Langlois appartient à une intelligentsia mondiale résolument visionnaire. Le monde des ordinateurs, ces instruments qui rendent possible ce qui ne le semblait pas, sont son univers. L’univers des idées lui est familier: son cerveau en fabrique en quantité industrielle. Il passe son temps à débusquer tous les inconnus derrière les images.
1996. Jacques Villeneuve : C’était une première saison en Formule 1 qui se terminait avec quatre victoires et une deuxième place au classement du Championnat du monde des pilotes. Sur le circuit de Suzuka, au Japon, le départ était raté. Au 37e tour, une roue du bolide se détache et fonce sur la foule. Le pilote n’a pas d’autre choix que de sortir de piste. Déçu certes. Sa première préoccupation est de s’assurer que personne n’a été blessé. Jacques Villeneuve est fait de toutes ces matières: détermination et courage pour les courses, sensibilité et responsabilité dans la vie, de tous les jours. «On va se battre», dit-il souvent. Et il gagne, et il perd. Dans cette partie ingrate où le pilote est tributaire de la mécanique, il n’abandonne pas.
1997. Laurent Beaudoin : Il fallait souligner la réussite spectaculaire de Bombardier, sous la gouverne de son chef, Laurent Beaudoin. Un peu moins de 32 ans auront suffi à faire de l’entreprise fondée par Joseph-Armand Bombardier, son beau-père, une multinationale implantée partout dans le monde et qui emploie près de 45 mille personnes. Laurent Beaudoin est un gestionnaire visionnaire qui n’a pas eu peur des coups d’éclat dans des situations jugées désespérées, notamment lors de la crise du pétrole, en 1973, quand la vente de motoneiges a chuté dramatiquement. Mais de gros contrats ont ramené la croissance; des voitures de métro pour les Jeux olympiques, d’autres pour le métro de New York, avions d’affaires, motomarines, etc. Et cela continue…
1998. Julie Payette : Le rêve de toute la vie de Julie Payette est sur le point de se réaliser. « Je pars au mois de mai, c’est clair! ». Depuis six ans, elle attend ce moment. Depuis que l’Agence spatiale canadienne, en juin 1992, l’a sélectionnée par plus de 5000 candidats, la jeune astronaute avance sur une voie accessible à quelques privilégiés seulement dans le monde. Voyager dans l’espace reste la grande aventure de cette fin de siècle. Au mois de mai 1999, l’astronaute Julie Payette deviendra la première Canadienne à participer à une mission d’assemblage de la Station spatiale internationale. « C’est un projet énorme. De nombreux pays y participent. Imaginez! La station sera si grande qu’on va la voir de la Terre! Le Soleil va se refléter dessus. C’est tout un privilège de faire partie d’un tel programme… » Difficile? « Pas si on a la volonté de le faire », conclut-elle.

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