Biographie de Jeanne Desjardins, une célèbre chanteuse d’opéra
Née le 1er mai 1903, à Montréal, Jeanne Desjardins fait ses études en chant classique chez un célèbre professeur Salvateur Issaurel. Elle débute dans l’opéra « L’enfant prodigue » de Debussy en 1923 et par la suite elle chante dans un grand nombre d’opéras et aux concerts. Elle voyage à Paris, où elle se produisit à quelques théâtres. De retour au Canada, elle travaille avec la Société canadienne d’opérette au théâtre Palace.
Au même temps, la soprano Jeanne Desjardins interprète des chansons « légères » (sous le nom de Jeanne Shaw). Elle devient l’une des artistes les plus connues du Canada. Dès 1941 elle est soliste de l’Orchestre des CSM et l’année suivante elle devient soliste du Quatuor à cordes McGill. On la considère comme une remarquable interprète, et le critique Marcel Valois dit à l’époque que « sa vois possédait une couleur unique qui était faite de nuances délicates. » Elle continue à chanter sur plusieurs scènes du monde et elle participe à de nombreuses émissions radiophoniques.
Jeanne Desjardins est décédée le 16 avril 1961 à Montréal.
La grande artiste de chez nous : Jeanne Desjardins
(article paru dans le journal Le Petit Journal, le 29 août 1937)
Hier, ce fut Charlotte de « Werther »; aujourd’hui ce sera dans des lieder allemands; demain, si on ls lui exige, dans une chanson populaire. En tout, sa riche voix, souple à l’infini, laissera un long souvenir de rêve…
C’est qu’un talent comme le sien ne se contrôle pas. Encore moins se laisserait-ll dominer. « Je chante comme je pense », telle est 1a fière devise de cette artiste de race.
Elle chante depuis toujours, depuis qu’elle a eu conscience du jour, pourrait-elle dire. C’est pourquoi son « message musical », né avec elle, prend tant d’ardeur et de vérité à certains moments. Un jour, elle refusa de chanter la chansonnette française. Durant deux ans, on ne l’entendit guère. D’autres vinrent, passèrent et disparurent. On dût revenir à elle, afin de ne pas perdre totalement le goût de la chanson exécutée avec la voix et des mérites. Elle revint, puisqu’on le lui demandait, sans amertume.
Sans amertume! C’est la femme la plus simple du monde! Elle ne connaît ni les petites ni les grandes combinaisons. Jamais elle n’a sollicité de quiconque une faveur indigne de son talent. Elle va sa route, joignant à sa bonne humeur innée, une grande tolérance pour les mesquineries dont est généralement parsemée une carrière comme la sienne.
Car, Jeanne Desjardins a un secret, et c’est le secret de son succès. Jamais vous ne l’entendrez maugréer contre qui que ce soit, contre quoi que ce soit. Elie comprend fort bien la crise d’évolution par où passe notre monde musical d’aujourd’hui, désireux de s’affirmer une fois pour toutes. Elle veut y aider, mais sans vaine acrimonie, avec le meilleur d’elle-même. Mais ce n’est pas elle qui vous le dira!
Vous l’avez entendue juger un interprète, surtout de chez nous? Tout d’abord, elle vous dira tout le bon qu’elle en pense. Son système vous fera voir des choses que vous n’avez même pas soupçonnées. Ensuite, sa science de l’art du chant, qu’elle a instinctivement, situera le chanteur ou la chanteuse, en déterminera la qualité et Je mérite. Que de fois. nous avons hésité dans des théories de toutes sortes sur l’art ou le métier de tel ou tel interprète, lorsque d’une phrase sans prétention et presque hésitante de modestie, cette fine artiste nous ramenait à la juste notion de ce que nous entendions parler connaisseurs! Jamais, chez cette chanteuse, ce misérable coup de langue contre un copain, une camarade, hélas st fréquent chez nous. i Dans un restaurant fashionable, dans le grill d’un grand hôtel, un tonnerre d’applaudissements. C’est qu’on vient de reconnaître « Jeanne »et qu’on la réclame à grands cris. Alors, elle se lèvera, sans vain “chichi”, sans manières, elle chantera. Car elle a compris que comme elle tous ceux qui sont là aiment la musique et veulent la fêter avec elle. Je crois même qu’elle n’aime que ceux qui aiment la musique…
Pour l’enchantement de notre climat artistique, une telle artiste vit et s’épanouit chez nous. Si certains| rôles de la scène lyrique lui sont interdits, par contre les plus grands, les plus glorieux lui sont accessibles. Lorsqu’elle les aura atteints, car elle les atteindra, mais ce sera forcément hélas! en pays étranger, soyez en certains, cette grande modeste aura pour s’excuser cette phrase: « Mettez cela sur le compte de la musique; je n’ai pas de mérite à la servir, je l’aime trop! »