Le poète Charles Gill est mort
L’art canadien perd en lui un de ses représentants les plus autorisés
Notice biographique
Charles Gill: Un vigoureux et délicat poète canadien-français disparaît dans la personne de Charles GUI, qui vient de s’éteindre. Nous devons à sa fine plume des poèmes qui vivront et où l’on continuera d’admirer de nobles et hautes pensées exprimées en des vers claironnants, impeccables.
D’une forte originalité. Gill abhorrait les chemins battus. Aussi son œuvre poétique a-t-elle du caractère.
Il aimait à traiter les sujets du terroir, et il y excellait.
Artiste-peintre, Charles Gill laisse des toiles d’un mérite réel. Sur la tombe de ce peintre poète du pays, qui succombe dans la force de l’âge et dans la pleine éclosion du talent artistique, nous déposons l’hommage de nos sincères regrets.
Hier après-midi, M. Charles Gill, peintre et poète d’un beau talent, est mort à l’Hôtel-Dieu, à l’âge de quarante-sept ans. M. Charles Gill ne jouissait pas d’une très bonne santé, depuis quelque temps, mais ce n’est que depuis une semaine que son état devint assez critique pour l’obliger à entrer à l’hôpital.
Il était le fils de feu l’honorable juge Charles Gill et de Marie-Rosalie-Delphire Sénécal et était né à Pierreville. De bonne heure, il manifesta de grandes inclinations artistiques. Il était le petit-fils de l’homme d’affaires Louis-Adélard Senécal. Il fréquente successivement le Collège Sainte-Marie de Montréal, le Séminaire de Nicolet et le Collège Saint-Laurent. Il suit ensuite des cours privés chez Adrien Leblond de Brumath en 1888. Pendant l’été, il est découvert par le peintre Georges de Forest, qui l’envoie étudier à l’Association des beaux-arts de Montréal avec William Brymner.
En 1890, Gill quitte le Canada et se rend à Paris où il chemine sous les soins du peintre Jean-Léon Gérôme. Revenu au Canada en 1894, il se joint à l’École littéraire de Montréal, où il fréquente Émile Nelligan et Arthur de Bussières.
Dix-neuf de ses pièces, dont trois nouvelles, ont été reprises dans l’anthologie produite par cette École en 1900, sous le titre Les soirées du château de Ramezay. Après l’internement de Nelligan, il continue à lui rendre visite et achève la mise au point du recueil Émile Nelligan et son œuvre (1903) à la suite du départ de Louis Dantin. Il deviendra président de l’École littéraire en 1912.
Il reçut ses premières leçons de dessin et de peinture de M. l’abbé Chabert, puis ses études classiques terminées au collège Saint-Laurent, Il partit pour Paris, âgé alors de dix-huit ans, où il devenait l’élève de Gérome, membre de l’Institut et président de l’Académie des Beaux-Arts. C’est pendant son séjour à Paris qu’il développa son goût pour la littérature. Il devint un hôte assidu des salles de rédaction et des cafés littéraires du quartier latin. Il se mit en relations avec plusieurs écrivains qui ont, depuis, acquis une grande célébrité.
Ces relations étaient aussi étendues que variées. Par exemple, il fréquentait aussi bien l’humoriste Alphonse Allais, dont la verve était si vive, que le délicat et douloureux poète Paul Verlaine. Leurs conseils ont contribué pour beaucoup, à l’encourager à persévérer dans son goût pour la poésie, dont il sût tirer des accents très émouvants.
Revenu au pays, il ouvrit un atelier de peintre et peignit un grand nombre de tableaux et de portraits, entre autres ceux de sir Évariste Leblanc, de sir Lomer Gouin. de sir Wilfrid Laurier, etc. Il fut aussi chargé de la décoration de la chapelle du Sacré-Cœur de l’église Notre-Dame, par M. le curé Santenne.
Il fit aussi, plus tard, quelques décorations à la maison de la campagne de sir Rodolphe Forget, à Saint-Irénée. Enfin, il devint professeur de dessin à l’école Normale ainsi qu’aux cours du soir du Conseil des arts et manufactures.
Dans le domaine des lettres, Charles Gill s’est affirmé, comme poète, en publiant, un peu partout, dans les revues et les journaux, des poèmes très remarquables. Il avait aussi entrepris un grand poème “Le Saint-Laurent”, dont les journaux ont publié plusieurs fragments et qui est resté inachevé. Un des beaux fragments de ce poème «Le Cap Éternité», a été couronné, à Québec, par le congrès du parler français.
M. Charles Gill laisse sa femme, connue dans le monde littéraire, sous le pseudonyme de Gaétanne de Montreuil, un fils, Roger, âgé i de 12 ans. deux sœurs, Mlle Marie Gill et Rachel, épouse de M. Oswald Soulières, d’Ottawa. Il était petit-fils, par sa mère, de feu l’honorable sénateur L.-A. Sénécal. Nos cordiales sympathies à la famille en deuil.
Il épouse Géorgina Bélanger en 1902, qui écrit sous le nom de plume Gaétane de Montreuil. Il est franc-maçon et appartient à la loge L’Émancipation.
(La Presse, 17 octobre 1918).
Jean-François Casabonne a interprété son rôle dans le film Nelligan.
Œuvres de Charles Gill :
- Enfant Jean-Paul Bélanger par Charles Gill, 1911, 19,3 × 24,2 cm
- Portrait de l’Honorable Pierre-Joseph-Olivier Chauveau, collection du Séminaire de Québec, Musée de la civilisation
- Le Problème d’échecs, 1904, Collection Musée national des beaux-arts du Québec3
- Le Portrait de madame Charles Gill
- Au pied du cap Trinité, 1908, Collection Musée national des beaux-arts du Québec4
- Crépuscule à Chambly
- Ormes au ciel rose
- Enfant Jean-Paul Bélanger
- La Visitation
- Fantaisie
- L’Aigle
Voir aussi :
