Matapédia : Développement agricole au XIXe siècle

Développement agricole et rurale de la Matapédia au XIXe siècle

En 1865, Sandford Fleming chargé d’étudier le tracé du chemin de fer de l’Intercolonial avait conclu que la portion du tracé la moins favorable à la colonisation était probablement celle comprise entre le fleuve Saint-Laurent et la rivière Ristigouche, c’est-à-dire la Vallée-de-la-Matapédia. « I must confess that its agricultural capabilités do not impress me favorably », écrivait-il dans son rapport.

Vingt ans plus tard, Arthur Buies, un des premiers promoteurs de la colonisation dans la Vallée-de-la-Matapédia, n’était pas de cet avis. Avec un enthousiasme démesuré, Buies pensait que les terres fertiles de la Vallée-de-la-Matapédia seraient capables de nourrir une population de 300 000 âmes. En réalité, la majorité des sols étant plutôt pauvres, la population de la Vallée a atteint son paroxysme dans les années 1950 avec une population d’environ 41 000 personnes et l’agriculture, bien qu’elle se soit développée dans toutes les paroisses est demeurée la deuxième activité économique en importance après l’industrie forestière. Seules quelques paroisses comme Sainte-Angèle-de-Mérici, Sainte-Jeanne-d’Arc, La Rédemption ou Saint-Damase sont devenues des paroisses essentiellement agricoles.

Dans la MRC de La Matapédia, la plus forte concentration de fermes se situe à Amqui, le chef-lieu du comté, où l’on retrouve l’importante usine de Natrel. Selon une étude menée en 1997 sur l’état de l’agriculture dans cette MRC, la production laitière domine ce secteur d’activité, suivie par l’élevage des bovins de boucherie, des ovins et du porc et par la culture céréalière et fourragère destinée à nourrir les animaux. La Matapédia compte aussi des acériculteurs, des producteurs de fruits (fraises et framboises), de aviculteurs, des pisciculteurs et d’autres producteurs spécialisés. Le développement agroforestier, l’aménagement forestier et la transformation du bois occupent cependant la majorité des habitants de la Vallée.

Ce développement économique orienté vers l’industrie forestière peut sembler évident étant donné la richesse de cette ressource dans la Vallée et la longue tradition de travailleurs forestiers qui s’y trouvent. Néanmoins, ses habitants ont dû se battre pour pouvoir maintenir cette industrie dans leur région. Effectivement, la fermeture de la plupart des grandes scieries après la Deuxième Guerre mondiale, a entraîné une forte hausse de chômage dans la région du Bas-Saint-Laurent. Le plus à cette époque, les petits agriculteurs qui ne suivent pas le mouvement de modernisation et de spécialisation de leur ferme sont voués à la faillite. Le mouvement d’exode rural qui s’amorce au cours des années 1950 dans la plupart des paroisses de la Vallée et d’ailleurs prendra de l’ampleur dans les années 1960-1970. Créé pour trouver une solution à la crise que traversent le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, le Bureau d’aménagement de l’Est du Québec (BAEQ), élabore un plan qui consiste, entre autre à accélérer l’exode de la population vers les grands centres et à fermer les paroisses jugées marginales. Tel que résumé dans le livre « Histoire du Bas-Saint-Laurent », « l’exode des populations et la faiblesse relative des revenus moyens n’étaient, selon les experts du BAEQ, qu des conséquences d’une faible scolarisation, d’une main-d’ouevre peu spécialisée, concentrée dans des secteurs traditionnels sclérosé, le tout enveloppé dans une mentalité « fin de règne » : crainte du changement et de l’innovation, replis sur soi et esprit de clocher ».

En 1968, le BAEQ peut mettre son projet à exécution grâce à une entente fédérale-provinciale impliquant des millions de dollars permettant l’expropriation, la relocalisation et la formation des habitants de certaines municipalités dans le cadre d’une vaste opération connue sous le nom de l’Opérations-Dignités.

En 1977, le curé Banville, faisant le bilan des Opérations-Dignités, considère que leur principal apport a été de contribuer à l’élaboration d’une nouvelle politique d’aménagement forestier, puisqu’en terme d’emploi directs leurs contribution a plutôt été minime par rapport aux besoins de la population. À cela, il faut ajouter que l’Opération-Dignité I a forgé la solidarité matapédienne qui se manifestera encore à quelques reprises. N’tant pas au bout de leur peine pour créer des d’emplois dans leur région, les Matapédiens se lanceront dans une nouvelle entreprise : la Société d’implantation de la papeterie de la Matapédia fondée par le Syndicat des producteurs de bois du Bas-Saint-Laurent en 1977. Associée à d’autres organismes, cette société entreprendra des démarches dans le but de faire construire une usine de transformation de la matière ligneuse dans la Vallée. Après trois années de tergiversations et d’études sur la rentabilité d’un tel projet, le gouvernement provincial semble plutôt pencher pour la construction de la papeterie à Matane, ce qui provoque la colère des Matapédiens.

En janvier 1981, le comté, organise une série de manifestations, dont les plus importantes se dérouleront à Amqui, pour revendiquer la construction de la papeterie à Causapscal. Les moyens de pression employés par la population matapédienne ne leur donneront pas la papeterie, mais elle obtiendra en échange deux projets : une usine de panneaux-meubles à Sayabec et une scierie à Causapscal. Même si seul le premier projet a été réalisé la lutte des Matapédiens n’aura pas été vaine, car l’usine Panval de Sayabec fournira plus d’emplois que la papeterie de Matane.

Depuis les années 1970, les Matapédiens ont prouvé qu’ils n’ont pas peur du changement et qu’ils sont prêts à tout pour sauver leur beau coin de pays. En matière de foresterie, les Matapédiens n’ont cessé d’innover. C’est pourquoi le Centre de formation et d’extension en foresterie a été créé à Causapscal en 1993, année où la municipalité régionale de comté de La Matapédia, possédant la plus grande superficie forestière du Québec, a reçu à juste titre la dénomination de capitale forestière du Canada. Le tourisme est aussi un domaine qui s’est développé au cours des trente dernières années dans la Vallée.

En 1997, l’industrie touristique rapportait dix millions de dollars en retombées économiques dans la région et fournissait environ 450 emplois. Malgré tout, le chômage est toujours demeuré élevé dans la région et la population n’a cessé de décroître depuis les années 1960. Depuis les dernières années, l’industrie forestière est en situation difficile à cause de la baisse de la possibilité forestière publique (possibilité de la récolte sur une parcelle en fonction de la capacité de la forêt de se régénérer naturellement ou grâce à des travaux sylvicoles) décidée par le gouvernement québécois et les droits compensateurs et antidumping. Au début du XXI siècle, certaines entreprises ont dû réduire le nombre de leurs employés ou fermer temporairement leurs portes pour absorber les pertes causées par les décisions du gouvernement de George W. Bush.

La population ne baisse pourtant pas les bras : en janvier 2001, plus d’un millier de personnes rassemblées dans l’église de Causapscal par le Ralliement populaire matapédien ont affirmé leur volonté de ne pas céder au pessimisme ou au fatalisme, en dépit des difficultés vécues dans plusieurs paroisses trop dépendantes de l’industrie forestière. En réponse au Ralliement, le gouvernement du Québec a lancé le Plan de diversification de La Matapédia, visant à dynamiser et à diversifier l’économie de cette MRC, afin d’y créer plus d’emplois et de contrer l’exode des jeunes. Pour ce faire, deux millions de dollars réparties sur trois ans ont permis au Centre local de développement de La Matapédia d’investir dans des projets fournissant des emplois dans des secteurs autres que l’industrie du bois de sciage. En se mobilisant derrière cette stratégie, les gens de La Matapédia montrent qu’ils entendent relever les défis qui les attendent et s’engagent à faire, das leurs domaines respectifs, les gestes qui s’imposent pour préparer aujourd’hui un avenir prospère.

Pour compléter la lecture :

Vallée de la Matapédia. Photo libre de droits.
Vallée de la Matapédia. Photo libre de droits.

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