
Rochers, roches, blocs, blocs erratiques, crans, rocks
On peut dire qu’une roche est un bloc minéral de dimensions assez grandes, détaché de la roche-mère, pouvant être déplacé. Quand de tels blocs ont été transportés par un glacier et déposés parfois loin de leurs lieux d’origine lors de la fonte du glacier, on dit alors qu’il s’agit de blocs erratiques.
Voici une description qu’en donnait Pauline Gravel dans le journal Le Devoir, le 14 juin 2003 : « Elle est corpulente mais sa forme oblongue lui confère une certaine grâce. Avant d’être ensevelie à Saint-Constant, elle a beaucoup bourlingué. Arrachée à la roche mère du Bouclier canadien près de Rawdon, sur les routes 337 et 348, elle a été ballotté, charriée sans ménagement, griffée et finalement abandonnée sur la rive sud à hauteur de l’île de Montréal, où elle a progressivement disparu sous les cailloux, le sable et l’argile laissés par le glacier laurentidien. L’Appellation de « bloc erratique » qui lui donnent les géologues a des accents poétiques pour les non-initiés, qui peuvent lui rendre visite – sur rendez-vous – en marge de la carrière de la cimenterie Lafarge. Cette roche au parcours exceptionnel porte en son sein toute l’histoire des derniers événements glaciaires qui ont marqué la région montréalaise il y a 15 000 ans. »
Un rocher, appelé également cran, est un affleurement de la roche-mère qui forme une éminence, isolée ou non, aux parois souvent prononcées. Rocher Percé, sur la route 132, en Gaspésie : Ce rocher est l’exemple le plus connu au Québec d’un rocher. Il est aussi abondamment photographié. Moins célèbre est Le Rocher, au bord de la Chaudière, à Beauceville, situé sur la route 172 et l’autoroute 73. À l’ouest de l’île du Grand-Calumet, sur la route 148, la rivière des Outaouais a creusé un chenal dit du Rocher fendu (à savoir une « fissure naturelle », selon la Commission de toponymie du Québec). En Minganie, sur la Côte-Nord, le toponyme Pashashibou, attribué à une rivière, à une baie et à des îles, signifie « rocher pointu ». Non loin de lça, au cœur de l’archipel de Mingan, un rocher a reçu le nom de Titanic en raison du danger qu’il constitue pour la navigation.
Le terme « cran » se retrouve au lac du Cran Cassé dans les monts Valin au Saguenay et à la chute du Cran de Fer aux environs de Sept-Îles. Rappelons-nous que l’ancienne ville de Grande-Mère, maintenant intégrée à Shawinigan, doit son appellation à un rocher évoquant la forme d’une vieille femme.
Dans les Cantons-de-l’Est, la ville de Rock Forest a été intégrée à Sherbrooke le 1er janvier 2002, dont elle constitue maintenant un arrondissement. Il serait erroné de penser que le toponyme est dû aux rives rocheuses de la rivière Magog, naguère très boisées. C’est plutôt le fait d’un Irlandais, Parker Nagle, qui en 1870, a voulu évoquer un château dont il avait été propriétaire dans son pays d’origine.
Littéralement à cheval sur le Québec et le Vermont, Rock Island (autoroute 55, route 143) a des rues et des immeubles traversés par la frontière. Un poste de douanes, partagé avec Derby Line aux États-Unis, est installé au milieu de la ville. Entre 1830 et 1850, Rock Island, qui a fusionné avec Stanstead et Beebe Plain en 1995, comptait davantage d’habitants que Sherbrooke. Le hameau d’origine s’appelait Kilborn’s Mill ; il s’était agrippé à un îlot dans l’un des méandres de la rivière Tomifobia.
À Sainte-Lucie-des-Laurentides, sur la route 117, autoroute 15, le chemin des Menhirs s’appelle ainsi en raison de la forme des roches de grande taille qui le bordent et qui font penser aux monuments celtes.
(Source : Dictionnaire géographique du Québec, par Normand Cazelais, groupe Fides, 2018).
Grosses-Roches
La présence d’un grand nombre de roches brunâtres de forme arrondie, nettement plus grosses que des galets, dans cette localité située sur la route 132, en Gaspésie, explique le nom de cette municipalité qui s’est détachée de Sainte-Félicité, où est née la chanteuse Isabelle Boulay, il y a plusieurs années. Fondée en 1870, la paroisse des Saints-Sept-Frères est en rapport avec sainte Félicité, une Romaine du Iie siècle qui a dû assister au martyre de ses sept fils. Les gens de Grosses-Roches sont des Rochelois, à distinguer des Rochelais qui habitent La Rochelle en France.
Rocher des Fous de Bassan
Désignation d’un petit rocher de granit dénudé émergeant près du littoral du golfe du Saint-Laurent, immédiatement à l’ouest du havre de Natashquant, sur la Basse-Côte-Nord. Toute cette partie de la côte est parsemée d’îlots, de rochers, de hauts-fonds qui rendent la navigation difficile et dangereuse, même pour les embarcations légères. Une colonie de fous de Bassan (Sula Bassanus) niche sur le rocher, d’où son appellation. Cet oiseau de mer, blanc, de la taille d’une oie, avec les ailes noires à l’extérieur, vole au-dessus de la mer et pêche en plongeant la tête première. Les cartes marines, en langue anglaise, indiquent Gannet Rock ou Ganner Rock pour désigner ce rocher. La forma française a été approuvée en 1969.
Rocher à l’Oiseau
Du haut de ses 150 m, ce rocher domine la rive nord de la rivière des Outaouais, dans la municipalité des cantons unis de Sheen-Esher-Aberdeen-et-Malakoff, à environ 18 km en amont de l’île aux Allumettes. La partie inférieure de cet escarpement rocheux est recouverte de peintures rupestres amérindiennes qu’on croit pouvoir dater du XVIIe siècle et exécutées à l’ocre rouge, en groupes dispersés. Ces peintures représentent, notamment, des hommes et des animaux schéatisés, des poissons, des canots montés de personnages, un archer et un oiseau. Le site n’est accessible que par bateau. Au XIXe siècle, alors que s’effectuait la liaison par navire à vapeur entre Pembroke, en Ontario, et Rapides-des-Joachims, au Québec, le rocher à l’Oiseau piquait la curiosité des excursionnistes qui venaient y graver leur nom. La « Relation » que le chevalier de Troyes fit en 1686 de son expédition à la baie d’Hudson depuis Montréal, la même année, contient un passage sur le rocher à l’Oiseau : « Le cinquième jour de mai, nous partimes après la messe pour nous rendre au portage du bout de la rivière creuse (c’est-à-dire cette partie de la rivière des Outaouais comprise entre les anciens rapides des Joachims et l’île aux Allumettes. On voit de coté du nord suivant la route une haute montagne dont la roche est droite et fort escarpée, le milieu en parois noir. Cela provient peut être de ce que les sauvages y font leurs sacrifices jetant des flèches par-dessus, au bout desquelles ils attachent un petit bout de tabac. Nos français ont coutume de baptiser en cet endroit ceux qui n’y ont point encore passé. Cette roche est nommée l’oiseau par les sauvages et quelques uns de nos gens ne voulant perdre l’ancienne coutume se jetèrent de l’eauÉ. On formule deux hypothèses quant à l’origine du toponyme : la première tient à la figure ailée peinte sur la surface du rocher, tandis que la seconde se rapporte à la légende algonquine voulant qu’un bébé tombé de la falaise fut aussitôt rattrapé par un aigle. Il s’agit ici d’un thème traditionnel de la mythologie de ce peuple amérindien. Le nom Rocher à l’Oiseau a paru dans la deuxième édition des « Noms géographiques de la province de Québec » publiée par la Commission de géographie en 1921.
Rocher aux Oiseaux
En plein cœur du golfe du Saint-Laurent, à une trentaine de kilomètres au nord-est des îles de la Madeleine, émergent les rochers aux Oiseaux que Jacques Cartier a dénommés Isles de Margaulx, le 25 juin 1534, en raison des myriades de fous de bassans – margaulx -, de pingouins communs et de grands pingouins – godes et apponats aujourd’hui disparus – qui s’y trouvaient. Ils comprennent le rocher aux Oiseaux et le rocher aux Margaulx. Le premier, de 300 m de longueur sur 150 mètres de largeur et haut de 30 mètres, forme une espèce de citadelle de grès rouge pratiquement inaccessible mais habité par des milliers d’oiseaux et un phare désormais automatisé. Le second, reprenant l’appellation de Cartier, à 1,3 km au nord-ouest, identifie en fait trois petites cayes. On ne sait pas trop à quel moment le spécifique Oiseaux a pris le pas sur l’appellation de Cartier, mais déjà, en 1919, le frère Marie-Victorin utilise ce nom lors de son passage aux rochers. Par ailleurs une carte topographique récente (1955) les désigne par Bird Rocks. Depuis 1974, le Service canadien de la faune en a fait un refuge d’oiseaux migrateurs.

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