La forêt : Régions habitées par les essences

Régions de la forêt canadienne habitées par les essences

Les groupes. — Il existe une relation étroite entre les plantes et le sol: la formation des groupes est basée sur cette constatation. Nous observons d’abord que les arbres à feuilles caduques sont généralement plus exigeants: aussi les trouve-t-on surtout dans les régions propres à l’agriculture. C’est ainsi que jadis dans la vallée du St-Laurent croissaient des forêts mixtes où l’érable, l’orme, le frêne, le hêtre et le bouleau rompaient la monotonie des grands pins. Les régions du Lac St-Jean, de l’Abitibi et du Témiscamingue sont encore des terres à forêts mixtes.

Une deuxième constatation qui est une conséquence de la précédente, c’est que dans les régions proprement forestières les conifères dominent; les arbres à bois dur, assez gros pour alimenter le commerce, y sont rares.

Un examen détaillé va nous faire connaître davantage la relation entre le sol et l’arbre et nous montrer les principales régions habitées par les principales essences commerciales.

1° Le nord. — Nous pouvons distinguer trois bandes: la bande arctique, la bande subarctique et la bande nord.

La bande arctique est dépourvue de forêts: c’est la terre aride. Elle s’étend de l’extrémité nord-est du Labrador à la frontière de l’Alaska.

La bande subarctique est au sud de la précédente; elle est limitée au nord par une ligne passant au 58° parallèle, au sud-est de la baie Ungawa et allant à la Baie d’Hudson en s’incurvant légèrement vers le sud; repartant du sud de la baie James et gagnant le nord-ouest en s’élevant du 51° au 69° parallèle. Sa limite sud va du détroit de Belle-Isle au sud de la baie James pour de là gagner le nord-ouest et toucher l’Alaska au 65° parallèle. C’est en somme un ruban gigantesque étranglé par la baie James et rétréci par la baie d’Hudson.

La bande subarctique est une immense forêt clairsemée, uniquement composée de pins, d’épinettes, de mélèzes, de peupliers et de bouleaux. Les saules y sont fréquents, mais restent à l’état d’arbustes. Le pin gris, l’épinette blanche, l’épinette noire et le mélèze d’Amérique sont les plus résistants et les véritables constituants de la forêt subarctique: ils gardent leur taille arborescente jusqu’à la limite de la zone aride.

La bande nord est au sud de la précédente: elle affecte la forme d’un croissant, s’étendant, de l’est à l’ouest, du 59° au 128° de latitude et descendant, dans sa plus grande largeur, au sud des lacs Nipigon et Winnipeg. Elle constitue ce que l’on appelle communément les forêts exploitables du nord du Québec, de l’Ontario, du Manitoba, de l’Alberta et du nord-est de la Colombie Anglaise. Les quatre conifères constitutifs de la forêt subarctique y sont encore très importants; le tremble (populus tremuloides) est plus fréquent et domine même au nord des grandes plaines où il s’est établi à la suite de la destruction des autres arbres par le feu; en certains endroits il constitue presque la forêt à lui seul: il y est d’ailleurs plus robuste et plus grand que dans l’est, mesurant de 50 à 100 pieds de hauteur et de 6 à 18 pouces de diamètre.

Le peuplier baumier (populus balsamifera) atteint de plus grandes dimensions encore: des individus de 6 pieds de diamètre ne sont pas rares. Les deux espèces de peuplier ont une remarquable vitalité et vont jusqu’aux plaines de la rivière Mackenzie; mais, tandis que le premier fuit les sols humides, le second les recherche.

À partir des Rocheuses, la bande nord mêle ses arbres à ceux de la Colombie Anglaise.

2° Lest. — L’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l’est du Québec au sud du St-Laurent jusqu’à Montréal et le nord dans la région du Lac St-Jean jusqu’aux sources de l’Ottawa présentent une remarquable uniformité dans la composition et la distribution des forêts.

Presque partout les forêts sont mixtes. Cependant, le hêtre et l’érable, sensibles à l’humidité, poussent bien près de la mer dans l’Île-du-Prince-Édouard, alors qu’ils vont s’établir à l’intérieur des terres au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse.

C’est dans l’Île-du-Prince-Édouard aussi qu’on a trouvé les plus beaux types d’épinettes de tout le Canada.

En général, le vent frais du large a permis aux épinettes et aux sapins de dominer le long de la côte; les bois durs sont à quelque distance des rivières, sur les collines: ils sont composés d’érables, de hêtres, de bouleaux et de frênes mêlés d’épinettes, de pins, de mélèzes et de sapins. Les noyers, les tilleuls et les chênes sont beaucoup plus rares et n’ont pas partout la même distribution; ainsi les tilleuls et les noyers n’existent pas dans l’Île-du-Prince-Édouard. Québec est plus riche en espèces que les Provinces Maritimes; il possède une dizaine d’espèces de plus, parmi lesquelles l’orme et le noyer amer.

Les forêts mixtes de l’est s’étendent vers les grands lacs en acquérant çà et là des espèces nouvelles.

3° Le centre. — Dans cette région nous comprenons le sud-ouest de l’Ontario et les grandes plaines jusqu’aux Rocheuses.

Dans le sud-ouest de l’Ontario, le long du lac Érié et à l’ouest du lac Ontario, poussent quelques espèces qu’on ne rencontre nulle part ailleurs au Canada, notamment le châtaignier, le tulipier, le platane, le sassafras.

Les grandes plaines, sur une largeur variant de 200 à 400 milles du sud au nord, sont dépourvus d’arbres.

À peine voit-on çà et là des bosquets composés surtout de tremble, accompagné par endroits de pin gris et d’épinette blanche. La disposition de ces bosquets, près de coupe-feu naturels, tels que les collines et les rivières, fait croire que les incendies ont été une cause importante, sinon la seule, de la dénudation du sol des grandes plaines.

Au nord des prairies, faisant transition entre la région forestière et la terre cultivée, les forêts mixtes alternent avec les fermes.

4° ‘ouest. — On peut y distinguer trois régions: la Chaîne Côtière, l’Intérieur et les Rocheuses. L’île Vancouver n’a aucune espèce particulière: le sapin Douglas y domine et forme des forêts denses et sombres.

Sur la Chaîne Côtière, l’importance des espèces dépend à la fois de l’altitude, de l’humidité et de la nature du sol. Au sud, le sapin Douglas et le cèdre rouge dominent jusqu’à 2,500 pieds d’altitude; le cèdre rouge monte jusqu’à 3,000 pieds: il est alors accompagné du tsuga de l’ouest. Le tsuga de l’ouest s’étend plus au nord, en compagnie de l’épinette de Sitka; on le rencontre encore, mais alors avec le sapin baumier, sur des terrains plus humides et moins riches. Sur les hautes montagnes poussent des types alpins: le tsuga de Patton, le sapin des Alpes, le cyprès jaune. Plus à l’intérieur on retrouve le sapin Douglas, mais une variété plus petite, plus touffue, plus résistante aussi, vivant jusqu’à une altitude de 4,500 pieds, où il est accompagné ou même devancé par l’épinette d’Engelmann. En plusieurs régions dévastées par le feu, le pin de Murray a remplacé le sapin Douglas et l’épinette d’Engelmann.

L’intérieur ou centre de la Cordillère est soumis à un climat particulier, sec sur le plateau, humide près des chaînes de montagnes. Les forêts y sont surtout composées de cèdre rouge et de pruche, excepté sur les hauteurs où l’épinette d’Engelmann domine.

Dans les Rocheuses, le pin jaune, le sapin Douglas, le cèdre rouge habitent les régions dont le climat se rapproche de celui de l’Intérieur. Partout ailleurs et notamment sur les hauteurs, le sapin Doublas est le principal et parfois le seul élément des forêts. Mais ici encore, quand le feu a passé, le pin Murray prend la place des morts.

La forêt québécoise en hiver. Photo de GrandQuebec.com.
La forêt québécoise en hiver. Photo de GrandQuebec.com.

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