Promotion de la femme

Promotion de la femme

Lise Fortier

Dans son livre « Drugs, Devils and Doctors », le docteur Howard Haggard écrit: « On juge de la supériorité d’une civilisation par la considération, plus ou moins grande, accordée à la femme ».

Sans nul doute, pareille affirmation découle du fait que, dans le passé, la lutte contre les éléments et les êtres nécessitait, à chaque instant, un déploiement de force musculaire. L’homme avait la place du lion et s’en adjugeait la part. Mais à la mesure où l’effort intellectuel supplantait l’effort physique, i.e. à la mesure où l’être humain se civilise, l’homme vit diminuer ses raisons d’affirmer sa supériorité sur sa compagne.

De nos jours, l’égalité des sexes attend encore d’être universellement reconnue. La toute récente Charte des Droits de l’Homme la proclame de façon non-équivoque mais ne trouve pas, malheureusement, que des adhérents. Combien, peut-être, rêvent encore de l’âge heureux où l’homme primitif traînait, par les cheveux, ses conquêtes amoureuses jusqu’à sa caverne. Pourtant, et malgré tout, les résistances deviennent moins acharnées et les portes s’ouvrent toujours plus grandes aux diverses ambitions féminines.

Il suffit pour s’en convaincre de voir dans les archives de l’Université de Montréal la place prépondérante occupée par les femmes. Une seule faculté, Polytechnique, n’exhibe aucun nom féminin. Cela semble bizarre et je n’en peux trouver les raisons. Serait-ce inaptitude féminine pour ce genre de travail ? Improbable, si l’on songe que depuis 1942 quatre de nos compatriotes anglaises ont reçu leur diplôme d’ingénieur à McGill, deux en « Mechanical Engineering », une en « Electrical Engineering » et la dernière en « Chemical Engineering ». Bref, j’y perds le peu de latin qui me reste.

Par opposition à l’École Polytechnique, l’Institut de Diététique, fondé en 1945, n’a que des noms féminins à son affiche. Ici, les raisons de cet état de choses semblent assez évidentes. L’art de la nutrition n’est-il pas, en général, l’apanage des femmes ? Cet Institut, en pleine floraison, est sous l’habile direction de Mlle Rachelle Beaudoin, bachelière-ès-sciences en nutrition de l’Université Cornell et, de plus, maître ès-sciences de Montréal. Déjà, 21 bachelières ès sciences exercent leur art ; parmi elles, 5 possèdent des maîtrises en nutrition. La plupart se consacrent à la diététique hospitalière. En collaboration avec les médecins, elles établissent des régimes appropriés à chaque malade et particulièrement aux diabétiques. Quelques-unes, telles Fernande Durand, Cécile PouUot, Marcelle Godbout et Denise Bérard, sont à l’emploi tant de la Province, de la Ville ou de la Croix-Rouge où elles font la propagande d’un art culinaire aux données scientifiques.

D’autres communiquent leur savoir dans l’enseignement proprement dit. C’est le cas de Mariette Biais, maître es sciences en nutrition et professeur à l’Institut, aussi d’Emilienne Rousse à l’Université Laval, enfin de Claire Dalmé qui fait des recherches à l’Université de Louisiane.

Deux champs d’action, la Psychologie et les Relations Industrielles, ont virtuellement subi l’assaut de la gent féminine. Dès la fondation de l’Institut de Psychologie en 1942, Mme Ernestine Pineau-Léveillé était la première femme à y étudier. Elle obtint son baccalauréat en psychologie avec grande distinction. Bientôt après, Monique Béchard devenait la première Canadienne de langue française à obtenir un doctorat en psychologie; sa thèse « Le Chef Adolescent » est le résultat d’un travail de deux années dans les cadres du scoutisme. En plus de son bureau où elle fait de la consultation, Monique Béchard s’occupe activement au Collège St-Denis de l’orientation des enfants dans leurs études. Enfin, elle donne des cours de psychologie à l’Institut Pédagogique de Montréal. Parmi les autres professeurs de psychologie, on retrouve Huguette Massé à Laval et Thérèse Gouin-Décarie attachée à l’Université de Montréal et au Centre d’Orientation. A ce dernier endroit, on s’occupe tout spécialement des « enfants-problèmes », et c’est là, où les psychologues peuvent vraiment s’adonner soit à la consultation psychologique, soit à l’orientation professionnelle, soit à la recherche.

Parmi ces dernières, on remarque Jeannine Guindon, administratrice du Centre d’Orientation, et Mme Gabrielle Brunet, spécialiste dans l’interprétation du test de la tache d’encre de Rorschach. Pour sa part, Mme Claire Mathieu-Fortin travaille à l’interprétation des résultats de tests psychologiques en collaboration avec les psychiatres de l’hôpital Ste-Anne de Bellevue.

En Relations Industrielles, une section de la Faculté des Sciences Économiques et Politiques, 3 femmes ont obtenu leur maîtrise. Une d’elles, Thérèse Roy, diplômée avec grande distinction, avait choisi comme sujet de thèse « Les Allocations Familiales ». On y démontre combien le système est injuste pour les familles de plus de 5 enfants.

Vers le même temps, la sœur jumelle de Thérèse, je dirais plutôt « son double », car Yvonne lui ressemble à ce point, Yvonne, donc, faisait la monographie d’un quartier à taudis de la ville de Montréal et examinait dans pareil milieu les conditions économiques, la vie de famille et l’éducation des enfants. Une autre, Micheline Chevrier, fait des études en Sociologie à McGill en vue de se spécialiser en urbanisme ; c’était la suite logique à sa thèse sur « La Formation d’une Paroisse Ouvrière ». Enfin, Suzanne Manseau a reçu la médaille du Lieutenant-Gouverneur pour son travail d’évaluation des salaires dans une fabrique de produits d’optique. Avant d’occuper son emploi actuel aux magasins Greenberg, où elle veille au personnel, à l’embauchage et aux promotions, Mlle Manseau se vit confier une tâche lourde de responsabilités. Elle a agi comme expert en recherches économiques pour le compte de la compagnie Johns Mansville en vue d’enquêter sur les torts que l’on attribuait à cette compagnie au cours de la retentissante grève de l’été dernier. Les conclusions de son travail, qui sont encore secrètes, doivent être publiées sous peu.

Nous parlons à l’instant de la Faculté des Sciences Sociales, Économiques et Politiques. Elle comprend aussi l’École des Sciences Sociales, qui a la particularité de compter le plus grand nombre de femmes universitaires, soit 117. Inutile de vous dire que ces licenciées sont dispersées un peu partout et occupent les emplois les plus divers.

Trois d’entre elles, Juliette Pépin, Marie-Paule Audet et Georgette Poitras, font partie du personnel des ambassades canadiennes à Paris et à Bruxelles. Une autre, Marie Tétrault, après s’être spécialisée dans le journalisme, s’illustre dans ce domaine au journal Le Canada. Georgine Badeaux est membre consultant de la Ligue Anti-Tuberculeuse.

Mireille Fortier, médaille du lieutenant-gouverneur, secrétaire archiviste de la Société des Femmes Universitaires, est maître ès-arts en littérature française de l’Université McGUl. Jeanne Saint-Pierre est fondatrice et directrice de la bibliothèque des enfants. Yvonne Rialland, ex présidente de la Société des Traducteurs, est secrétaire de la Société Canado-Belge. Rolande Provencher est professeur à l’École des Sciences Sociales, où elle enseigne l’histoire des Femmes du Canada et fait aussi partie de l’ICAO. Telles autres se sont orientées vers la politique; ce sont Andrée Charron et Juliette Pelletier, toutes deux vice présidentes de la jeunesse libérale. Deux licenciées en sciences sociales occupent des postes importants chez les infirmières.

C’est ainsi que nous trouvons Alice Girard, surintendante générale des Infirmières Métropolitaines du Canada, et Marie Cantin, surintendante générale des Infirmières Métropolitaines de Montréal. Une autre infirmière hygiéniste, licenciée en sciences sociales, madame Rose du Tilly, est une fondatrice des Infirmières Missionnaires, une ancienne présidente des Infirmières Hygiénistes et la première femme élue à la présidence de l’Association des Licenciés en Sciences Sociales. Elle est enfin une fiduciaire à la Fondation Montpetit qui fut créée dans le but de venir en aide aux élèves désireux d’étudier les Sciences Sociales.

Encore au sein de la Faculté des Sciences Sociales se trouve l’École de Service Social où l’on s’occupe d’améliorer les relations entre humains et d’aider les gens à solutionner leurs problèmes. Pour de pareilles fins, l’assistante sociale doit étudier telles parties de la médecine, de la psychologie et du droit afin d’être à même de secourir ceux qui font appel à ses services. Autrefois, seule la Montréal School of Social Work de McGill donnait la formation voulue. C’est là que Jeanne Barabée-Langlois recevait son diplômé et devenait la première assistante sociale de langue française. Elle fut par la suite directrice du Bureau de l’Assistance Sociale aux Familles, une organisation subventionnée par la Fédération des Œuvres de Charité Canadienne-Française. Marguerite Lalonde, elle-même une diplômée de cette école de McGill, se spécialise en service social industriel. Elle est revenue d’un voyage d’études à Paris, où elle a passé deux ans à l’Institut National d’Orientation Professionnelle et d’Études du Travail.

Une compagne de travail et de voyage, Marcelle St-Martin, a fait des études d’infirmière à l’hôpital Brousset de Paris, en vue d’une spécialisation plus intensive dans le service social médical. Marthe Beaudry se consacre, elle aussi, à un travail intéressant dont l’objet est la réhabilitation des filles – mères à La Miséricorde. Françoise Marchand est directrice du Bureau d’Assistance aux Familles. Monique Lambert, diplômée en Service Social de l’Université Columbia, est attachée à l’école de Montréal où elle a charge des étudiantes durant leurs stages d’internat. Enfin, Marguerite Gauthier est chef de la section de l’enfance au Bureau de l’Assistance aux Familles.

On trouve peu de membres féminins à l’École des Hautes Études Commerciales. Tout récemment, Gisèle Vezina avait créé un précédent avec l’obtention de son baccalauréat en sciences commerciales. Bientôt après, elle épousait son professeur, M. Aurélien Noël. Sa sœur cadette, Monique, se verra décerner cette année une licence en Sciences Commerciales dans la section des affaires.

La faculté de chirurgie dentaire n’a reçu depuis 1924 que deux étudiantes et ce, tout récemment. Ces deux dentistes féminins sont Pauline Rivard, qui est maintenant au service de la commission scolaire, et Claude Béique qui fait de la pratique privée.
L’École d’Optométrie compte quatre licenciées féminines : Denyse d’AIcourt, Pauline Caron, Pauline Thibault ainsi qu’une demoiselle Bandford. Toutes pratiquent leur profession.

En Pharmacie, aucun renseignement précis sur le nombre des pharmaciennes. Pour la plupart, dit-on, elles sont mariées à des confrères et font commerce en collaboration avec leur mari. Avant ces quatre dernières années, la Faculté refusait une licence à ces dames qu’on accusait d’inégalités ; certaines, paraît-il, auraient pratiquement abandonné à des maris non-pharmaciens les privilèges de leur licence avec toute la responsabilité que cela comporte. Ah! pharmaciennes, que d’empoisonnements on a dû commettre en vos noms !

À la Faculté des Sciences, les femmes se font valoir. Depuis 1935, elles ont mérité 17 licences, 7 maîtrises et préparent deux doctorats.

Les Sciences Naturelles sont le plus en honneur. Marcelle Gauvreau fut la première femme à obtenir une maîtrise en science. Sa thèse « Les Algues Marines de Québec » lui a valu de vivre quelques moments inoubliables. Pendant 5 étés consécutifs, elle parcourait les rives du St-Laurent et descendait, de la sorte, par le côté nord jusqu’au Labrador et par le côté sud se rendait dans les Maritimes et même jusqu’aux Îles de la Madeleine. Tantôt en bateau avec les garde-côtes ou les pêcheurs, tantôt pieds nus sur les grèves et les rochers, elle chassait les algues marines. Puis revenue à la ville, seule le soir dans la vieille université, elle examinait le résultat de ses pêches pendant que les rats démolissaient murs et plafonds. Il s’en fallut de bien peu pour que sa thèse ne fut jamais écrite. Un jour, au cours d’une de ses expéditions, elle fut isolée dans la brume sur un rocher assez loin de la rive. N’osant ni avancer ni reculer de peur d’enfoncer dans un trou d’eau, elle a dû se remémorer pendant ce mauvais quart d’heure les fameuses stances :

Oh! combien de marins, combien de capitaines.
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis !
Combien ont disparu, dure et triste fortune,
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l’aveugle océan à jamais enfouis.

Par la suite, mademoiselle Gauvreau qui était l’assistante du frère Marie-Victorin, fut attachée au Jardin Botanique. Elle devant directrice de l’École de l’Éveil où elle enseigne les sciences naturelles aux enfants d’âge préscolaire, et chef du secrétariat de la Société Canadienne d’Histoire Naturelle. C’est elle encore qui sait rendre si intéressante la chronique hebdomadaire du Cercle des Jeunes Naturalistes dans le Devoir.

En 1943, Rachelle Robert, médaille du Lieutenant-Gouverneur, présentait sa thèse sur les sulfamides. Elle eut le grand honneur d’être chargée du cours de chimie à la Faculté des Sciences. Marie-Paule Charest, secrétaire – correspondante de notre société, s’est lancée sur ses traces. Maître ès sciences en 1947, chargée de cours en chimie, elle continue ses recherches sur la synthèse de la vitamine E et la distribution de cette vitamine dans les tissus vivants en vue de l’obtention d’un doctorat.

Une autre jeune scientiste, Mlle BruneUe, prépare sa thèse de doctorat en sciences naturelles par une étude sur les effets de la température et de l’humidité chez les insectes nuisibles des maisons. On peut s’attendre à ce qu’elle découvre sous peu la poudre mystérieuse aux effets définitifs.

Et voilà qu’il n’a pas encore été fait mention de deux professions capitales, celle de médecin, celle d’avocate. À vrai dire, la médecine est moins à l’honneur chez les femmes canadiennes et américaines que chez d’autres. Aux États-Unis et au Canada, elles ne forment que 5% du corps médical, alors qu’en Angleterre la proportion monte à 20%, en Chine à 35%, en Russie à 70%. Six ans d’études, voilà certes de quoi faire réfléchir. Plusieurs se laissent décourager par la prédiction qu’elles devront éventuellement sacrifier leur profession au mariage.

Pourtant, sur 25 femmes médecins de l’Université de Montréal depuis 1935, il ne s’en trouve que 5 ayant plus ou moins abandonné la profession médicale. En 1943, Madeleine Longtin recevait son doctorat avec très grande distinction et la plus haute moyenne jamais obtenue à date par un étudiant en médecine. Par le fait même, on lui décernait la médaille du Lieutenant-Gouverneur, le prix de Mgr Deschamps et le prix Hingston. Ce n’est pourtant pas à ce seul titre que le docteur Longtin nous fait honneur. Elle est de plus licenciée en philosophie et diplômée de la Sorbonne pour l’enseignement du français à l’étranger.

Elle est seule dans le Québec, avec monsieur René Guénette, à posséder ce dernier diplôme. Après s’être allée parfaire ses études au Massachussetts Hospital à Boston, le docteur Longtin est maintenant attachée à l’Hôtel-Dieu en qualité de spécialiste des maladies du métabolisme, particulièrement du diabète. Sa consœur Claire Gélinas s’est adonnée à l’anatomie pathologique et est devenue un des piliers des laboratoires de l’Hôpital Notre-Dame. Juliette Desrochers est anesthésiste, Ruth Legault, pédiatre à Ste-Justine. Enfin, parmi les plus récentes diplômées, la majorité poursuit ses études : Thérèse Levac sur les maladies du sang; Marcelle Dussault, en psychiatrie infantile ; Anna Kara en gériatrie, cette toute nouvelle spécialité des soins aux vieillards ; Colette Perras, en chirurgie plastique; Berthe Lavergne en pédiatrie ; Thérèse Deschênes, en anesthésie; Madeleine Comtois, en obstétrique et Ghislaine Gilbert, en médecine générale. Deux autres jeunes médecins, Lucien Mercille et Thérèse Rousseau travaillent l’une pour la ville, et l’autre pour la Croix-Rouge de Montréal, où elle dirige le service des donneurs de sang.

Faut-il vous donner une preuve tangible de leur succès? Il y a quelques années, le docteur Jeannine Vidal allait s’établir dans le Rhode-Island. Elle avait pour tout bagage sa science et les encouragements d’un confrère: « En tant que femme, tu peux t’attendre à gagner $25 par semaine, guère plus », lui avait-il confié. Or, l’an dernier, de tous les médecins du canton, le docteur Vidal accusait le plus gros revenu au département d’impôts. Naturellement, il y aura quelques personnes malveillantes pour insinuer qu’elle est plus honnête que la majorité de ses confrères…

Pour ce qui est des avocates, n’ayant été admises au Barreau qu’en 1942, le nombre en est forcément restreint. A l’Université de Montréal, elles sont quinze diplômées et dix étudiantes. Mais combien de lauriers sur si peu de têtes. En 1931, Juliette Gauthier était la première femme qui osait franchir le seuil de la Faculté de Droit. Deux ans plus tard, Henriette Bourque était licenciée en droit avec très grande distinction. Elle occupe depuis un poste important de conseiller juridique au ministère de la justice à Ottawa. En 1945, à son tour, Pauline Cazelais faisait honneur aux canadiennes françaises. Elle recevait avec sa licence de droit une bourse du gouvernement provincial pour parfaire ses études à l’Université Columbia, puis à titre de déléguée du ministère de Bien-Être Social et de la Jeunesse au Congrès International de la Famille et de la Population, elle s’embarquait pour Paris où elle devait préparer son doctorat en droit. La documentation nécessaire à sa thèse sur l’assistance aux jeunes délinquants devait lui faire parcourir toute l’Europe, l’Afrique du Nord et l’Amérique du Sud. Ses visites dans les prisons d’enfants l’amenèrent à la conclusion que les méthodes modernes de réhabilitation, si coûteuses qu’elles soient, apportent des résultats justifiant leur utilisation.

Une autre avocate, Suzanne Barrière, étudie présentement à l’Université Columbia en vue d’un doctorat en droit international. Il y a quelques années, elle eut le grand honneur d’être choisie parmi les étudiants en droit comme déléguée de langue française à l’ONU.

À la Sorbonne, Thérèse Cromp, licenciée en philosophie de Montréal, prépare elle aussi un doctorat en droit. Plus près de nous, Madeleine Béique est secrétaire du Comité Conjoint du Statut Légal de la Femme Mariée ; Me Marie-Paule Lorrain et Me Lilianne Balangero font partie l’une du Contentieux de l’ICAO et l’autre de celui de la Sun Life.

La philosophie, peut-être à cause de son aridité, ne semble pas avoir attiré beaucoup de personnalités féminines, mais il en est une qui domine : celle de Mlle Germaine Cromp, maître es arts, licenciée en philosophie, licenciée es sciences médiévales et diplômée de l’École de l’Action Sociale. Elle enseigne la philosophie thomiste à l’Institut Médiéval. Parmi les plus récentes licenciées en philosophie, Mme Claire Cauvier a épousé Yvon Blanchard, docteur en philosophie et tous deux revenaient récemment d’un voyage d’études à la Sorbonne.

L’intérêt que nous portons aux professions libérales et aux sciences ne doit jeter aucune ombre sur les arts, en particulier les lettres et la musique.

Depuis 1935, la Faculté des Lettres a accordé trois doctorats, dix-sept maîtrises et six licences à des femmes, ceci dans les domaines les plus divers. En 1936, Paule Dubuc obtenait une licence en histoire et géographie. Quelques années plus tard, Magdelaine Buteau, licenciée en pédagogie et en sciences sociales, recevait une maîtrise en histoire pour une étude de la Renaissance Française. En 1946, Mme Hélène Grenier écrivait sa thèse sur les précurseurs de la musique symphonique.

Elle nous révèle déjà dans ce titre un aspect de ses multiples occupations. Pendant treize ans, elle fut secrétaire de la Société des Concerts Symphoniques et les jeunes auditeurs des Matinées lisaient assidûment les biographies de compositeurs dues à sa plume. Toujours dans le domaine musical, Mme Grenier a trouvé le temps de professer au Thomas Moore Institute for Adult Education et d’écrire un livre sur la musique symphonique de Monteverdi à Beethoven. Elle collabore fréquemment au journal Notre Temps par des critiques d’art, des critiques musicales et littéraires. Croyez-le ou non, tous ces accomplissements ne sont que des violons d’Ingres. Mme Grenier est avant tout bibliothécaire à la bibliothèque des instituteurs, et professeur de l’histoire des bibliothèques à l’École des Bibliothécaires.

Parmi les autres maîtres ès sciences, Mme. Jeanne Boulizon, épouse de Guy Boulizon, professeur à Stanislas et conférencier sur la littérature moderne à Radio-Collège, étudia les troubles phonatoires en Gaulle-Romaine. Claudine Thibodeau, artiste, auteur de sketches radiophoniques, écrit en ce moment sa première pièce de théâtre. Madeleine Gariépy, licenciée ès lettres est conférencière à Radio-Collège, et Hélène Bertrand s’occupe de phonétique expérimentale. Enfin, deux doctorats ès lettres ont été accordés, l’un à Berthe Gagnon en phonétique pédagogique, l’autre à Hélène Gaubert en littérature anglaise, et un doctorat ès arts à Marguerite Michaud, professeur à l’université acadienne, qui a étudié en ce milieu la reconstruction française.

La plupart d’entre nous avons dû consacrer quelques heures de notre jeunesse à l’étude de la musique. Certaines ont persévéré dans cette voie et s’y sont taillé une place enviable après avoir obtenu des titres universitaires. Deux femmes sont docteurs en musique : Sœur Marie-Stéphane, directrice de l’École Supérieure de Musique d’Outremont, qui fit à Paris des études avancées, et Mère Cécile-des-Anges, de la Congrégation de Notre-Dame. Toutes deux sont des compositeurs estimés. D’autres ont obtenus des succès éclatants, telles Jacqueline Lavoie-Linder, maître en musique, prix d’Europe, élève de Robert Cadadessus. Mme Lavoie, épouse d’un physicien de l’Université de Princeton, poursuit sa carrière comme soliste. C’est en lui rendant visite à Princeton que sa compagne, Claire Bisonnette, bachelière en musique, devait rencontrer un autre physicien, M. Norton qui devint son époux. Où l’on voit que la musique et la physique font bon ménage. Madelyn Chfford, bachelière en musique, présentement à New-York, faisait l’an dernier ses débuts, à Town’s Hall. Jocelyne Binette, licenciée en musique, boursière du gouvernement français et de la province de Québec, poursuit ses études de compositions à Paris. Madeleine Raymond-Prévost, maître en musique, est connue de tous pour son talent d’improvisatrice. Jeanne Landry, autre prix d’Europe, nommé professeur au Conservatoire à son retour de Paris, est duettiste avec Jean Beaudet, au programme « Les Deux Pianos » transmis sur le réseau national.

Partout ailleurs, les femmes universitaires s’imposent à l’attention. Ainsi, Gilberte Côté, chef du parti créditiste, Rita Renaud, fondatrice des Recluses de Jésus-Marie, Jeannette Bertrand, fondatrice des Équipières Sociales, dont le but est de redonner une vie familiale aux enfants sans foyer. Ainsi, Judith Jasmin, artiste très appréciée et réalisatrice de grand talent à Radio-Canada, et Claire Millette, diplômée de l’École d’Éducation Physique de McGill. Mentionnons que cette dernière, alors qu’elle était en Rhétorique, trouva moyen au cours d’un vacance pascale d’enlever un trophée de natation à Winnipeg.

Peut-être aurions-nous dii aborder dès le début un sujet de controverses non encore apaisées. Il n’y a pas si longtemps, il semblait impossible qu’une femme pût mener de front avec succès mariage et profession. « Vous voulez devenir bachelière », disait une demoiselle d’un certain âge à une jeune fille. « Malheureuse ! Un triste célibat vous attend ». À titre d’amusement, un essai de statistiques nous prouve le contraire. De 1935 à 1949, sur un groupe de cent bachelières, 38 sont mariées, et sur un autre groupe de cent vingt-six, soixante soit presque la moitié ont eu le bonheur, faudrait-il dire « la chance », de se trouver un mari. Cette proportion est assez considérable étant donné qu’un grand nombre d’entre elles sont de toutes jeunes bachelières.

Et combien doivent un brillant mariage à un charme amplifié par leur culture ! Combien de médecins, d’avocates, de scientistes, de pharmaciennes ont épousé leurs confrères! N’en citons que quelques-unes : Claire Gélinas-Mackay, Me Marcelle Hémond-Lacoste, Suzanne Viau-Desjardins une chimiste qui en épouse un, Françoise Maillet, psychologue mariée à Jacques Lavigne professeur de philosophie. Parmi les bachelières ès-arts, Madeleine Aquin est devenue la femme de Jacques Rousseau, directeur du Jardin Botanique; Lucille Hébert, la femme de Gustave Prévost professeur de biologie à l’université de Montréal ; Liliane Savage à épousé M. Bongers attaché d’ambassade hollandais en Argentine ; Liliane Rinfret est maintenant Mme Guy Frégault, Jeanne Audet, Mme Adrien Robitaille, tandis que Geneviève Gagnon maître en musique épousait récemment à Paris l’Honorable Talbot, Ministre de la Voirie.

Le temps qui m’était alloué pour me documenter et pour vous communiquer les résultats de mes recherches ne me permettait pas de parler de chacune. Pour éviter une énumération fastidieuse, j’ai dû me limiter à quelques-unes des plus connues d’entre nous. Une fois de plus je profite de l’occasion pour remercier très sincèrement toutes celles qui m’ont si aimablement secondée dans ma tâche.

Si cet aperçu à vol d’oiseau a pu encourager quelques-unes à persévérer dans leurs études ou à les prolonger, mes plus chers désirs seraient exaucés. Souhaitons ensemble qu’à cette fin notre société les aide à élargir leur champ d’action et leur fournisse des occasions multipliées de faire valoir leur talent et leur compétence.

femme et poésie
« La femme est la poésie, l’homme la prose. » (Alphonse Toussenel, écrivain français, né en 1818 et décédé en 1883). Photo : © GrandQuebec.com.

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