Femmes : 1960-1969

Chronologie des femmes du Québec : 1960 – 1969

La Révolution tranquille stimule las revendications des Québécoises. En juillet 1964, l’adoption de la Loi 16 met fin à l’incapacité juridique de la femme mariée et marque une étape capitale. Désormais, les femmes ont accès à l’enseignement supérieur et au marché du travail. Deux ans plus tard, on fonde la Fédération des femmes du Québec, à l’initiative de militantes actives depuis longtemps, comme Thérèse Casgrain ou Simonne Monet-Chartrand.

1960 : La pilule contraceptive, connue comme « la petite pilule » est commercialisée au Québec. Très vite, son utilisation se répand malgré la réprobation de l’Église (mais il faudra attendre neuf années pour que son utilisation, à des fins contraceptives, soit admise par la loi. Avant cette date, officiellement, la pilule devait être prescrite uniquement pour réguler les cycles menstruels). Cette pilule permet à la femme de se réapproprier son corps et de redéfinir son rôle au sein de la société. Dès 1930, un chimiste américain, Russel Marker, parvient à extraire 2 kg de progestérone d’une plante naturelle connue pour ses vertus apaisantes, l’igname sauvage. Les laboratoires pharmaceutiques se montrent peu intéressés par la découverte non brevetable. En 1956, Gregory Pincus et John Rock prouvent l’effet inhibiteur de la progestérone sur l’ovulation. L’idée fondamentale de la pilule contraceptive est de simuler chez la patiente l’état hormonal de la femme enceinte. Avant d’être commercialisée, la pilule a été expérimentée sur des femmes. La première pilule, fortement dosée, entraînait parfois des effets indésirables sur les patientes dont la santé était précaire. Le manque de recul ne permettait pas d’évaluer les incidences éventuelles. Au Canada, les compagnies pharmaceutiques, réticentes à présenter la pilule comme un contraceptif, insistaient sur le caractère thérapeutique du médicament, apte à soulager les douleurs menstruelles.

1960 : Fondation au Canada de l’organisme la Voix des femmes qui compte des membres dans toutes les provinces canadiennes. La Voix des femmes s’oppose à la violence et à la guerre et fait la promotion de désarmement et de la paix. Plus tard, l’organisme s’affiliera au Comité canadien d’action sur le statut de la femme et au Projet Ploughshares. La Voix des femmes a une représentante au sein du Groupe consultatif sur le désarmement et le contrôle des armements, qui dépend du gouvernement fédéral.

10 mars 1960 : Le gouvernement du Canada reconnaît aux Autochtones le droit de voter lors des élections fédérales.

1961 : La parution des revues Châtelaine et Maintenant inaugure une nouvelle presse féminine au Québec. Il s’en dégage un certain concept de la condition féminine.

1961 : Thérèse Lemay est nommée la première femme juge au Québec. Elle devient juge à la cour municipale de Saint-Georges.

1961 : Au Québec, les collèges classiques pour filles sont enfin subventionnés, alors que les collèges des garçons le sont depuis 1922.

14 décembre 1961 : Marie-Claire Kirkland-Casgrain est la première femme élue à l’Assemblée nationale. Élue députée à une élection partielle dans le comté de Jacques-Cartier sous la bannière du Parti libéral elle sera la première femme à occuper le poste de ministre des Transports et des Communications du Québec (en 1964).

1962 : Défiant la loi qui condamne tout écrit sur le contrôle des naissances, Renée Rowan publie dans La Revue populaire de l’information sur le sujet.

1962 : Alice Girard (1907–1er janvier 1999) devient la première femme à assurer un poste de doyen à l’Université de Montréal. Fondatrice et première doyenne de la faculté des sciences infirmières de cette université, elle en a assurera la direction de 1962 à 1973. Docteure honoris causa de l’Université de Toronto et de l’Université de Montréal, elle fut la première Canadienne à présider le Conseil international des infirmières à Genève.

1963-1964 : Parution du Rapport Parent, publié en cinq tomes. La parution du Rapport Parent, produit par la Commission Parent, formée le 21 avril 1961 et nommée du nom d’Alphonse-Marie Parent, son président, signifie le début de la réforme du système d’éducation québécois. Cette réforme permet aux femmes un véritable accès aux études post-secondaires et une diversification des choix de carrière. Le rapport recommande la gratuité scolaire et les classes mixtes.

16 octobre 1963 : Grève des infirmières affiliées à la Confédération des syndicats nationaux (CSN) à l’hôpital Sainte-Justine de Montréal. Il s’agit d’un des premiers arrêts de travail dans le milieu hospitalier au Québec. Les 235 grévistes sont exclusivement des femmes qui réclament un rôle accru dans l’organisation des soins de santé. Cette grève illégale durera 30 jours et aura un impact considérable sur l’organisation du mouvement syndical dans le réseau de la santé. Les infirmières réclament la retenue à la source des cotisations syndicales, de meilleures conditions de travail, un droit de regard sur l’organisation des soins de santé. À cette époque, au Québec, les hôpitaux sont dirigés par les communautés religieuses. Avec la modernisation du rôle de l’État, le gouvernement prendra en charge la gestion du réseau de la santé.

1er juillet 1964 : L`Assemblée législative adopte la Loi 16 qui met fin à l’incapacité juridique de la femme mariée. Présentée par Marie-Claire Kirkland-Casgrain, cette loi met fin à la soumission légale de la femme mariée. Cette législature abolit notamment le devoir d’obéissance de la femme à son mari. Cette loi est la première loi à amorcer la révision des assises légales du mariage et de la famille, basés sur la puissance maritale et paternelle et sur la soumission et la dépendance de l’épouse. Bref, les femmes n’ont plus besoin de la signature de leur mari pour ouvrir un compte de banque. Les femmes peuvent désormais exercer une profession, conclure et signer des contrats, gérer leurs propres biens.

24 avril 1966 : Fondation de la Fédération des femmes du Québec. À l’occasion du 25e anniversaire du droit de vote des femmes québécoises, Thérèse Casgrain et ses collaboratrices organisent un colloque « La femme du Québec. Hier et aujourd’hui » pour établir un bilan de la condition féminine au Québec. Au cours de la séance de clôture, on vote à l’unanimité la fondation de la Fédération des femmes du Québec, un organisme non confessionnel et multiethnique.

22 septembre 1966 : Fondation de l’Association féminine d’éducation et d’action sociale (AFÉAS). Les principaux regroupements de femmes en milieu rural, l’Union catholique des fermières, fondée en 1944, le Cercle d’économie domestique qui a vu le jour en 1952 et l’Union catholique des femmes rurales, fondée en 1957, décident d’unir leurs forces pour fonder cette association qui dénoncera le peu de visibilité accordé au travail des femmes et permettra aux femmes des régions rurales de revendiquer la reconnaissance du travail en milieu agricole. La création de l’AFEAS représente une forme d’écho à la critique des évêques face au caractère non-confessionnel du Cercle des fermières fondé en 1925.

1967 : Le gouvernement du Québec crée son programme d’allocations familiales pour les enfants de moins de 16 ans.

3 février 1967 : Le gouvernement du Canada dirigé par Lester B. Pearson institue la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada. Cette commission est connue sous le nom de Commission Bird du nom de sa présidente, Florence Bird, une journaliste torontoise. Pendant trois ans, la commission « va traquer le sexisme dans des secteurs nouveaux ». Elle réalisera 34 études commandées sur des points particuliers dont au moins sept sont effectuées par des québécoises. La commission recevra d’ailleurs 469 mémoires, plus de mille lettres et tiendra des audiences publiques durant 37 jours dans 14 villes où plus de 890 personnes viendront exposer leurs griefs. Cette commission révèle d’inquiétantes données sur la discrimination dont sont victimes les femmes canadiennes ainsi que sur leur pauvreté. La commission remettra son rapport en 1970, réclamant l’égalité de droits et de fait.

1968 : Création de l’Association Droits égaux pour Femmes indiennes (Equal Rights for Native Women) avec à sa tête Mary Two-Axe Early, Mohawk de Kahnawake.

1er juillet 1968 : Le gouvernement fédéral de Pierre Elliott Trudeau fait adopter par la Chambre des communes la Loi légalisant le divorce au Canada. Cette loi permet de demander le divorce et reconnaît le droit des femmes à un domicile séparé. Conformément à cette loi, ce n’est pas uniquement le mari qui peut demander la séparation de corps pour cause d’adultère de sa femme. (Auparavant la loi considérait que l’infidélité de la femme était plus grave que l’infidélité de l’homme et la faute de la femme était plus grave.

Juillet 1968 : L`Assemblée nationale institue le mariage civil au Québec. Avant l’adoption de cette loi, le mariage était presque indissoluble. La Loi sur le divorce reconnaît que la cruauté physique et mentale est un motif de divorce. À la suite de l’adoption de la loi sur le divorce fédéral, le nombre de divorces connaît une montée fulgurante. Entre le 1er juillet 1968 et le 9 septembre 1970, plus de 11 030 dossiers de divorce sont soumis aux autorités à Montréal seulement. En 1969, on comptait 8,7 divorces pour 100 mariages, et en 1987, 44,8 divorces pour 100 mariages.

25 juillet 1968 : Le pape Paul VI publie l’encyclique Humanæ Vitæ condamnant l’usage des anovulants par les femmes. Cependant, signe de la perte de contrôle de l’Église, bien peu de catholiques obéissent aux prescriptions pontificales.

1969 : La Société d’acquêts remplace le régime légal de la communauté de biens. Désormais, les femmes qui se marient sans contrat seront associées à la vie économique de la famille. Au moment de la dissolution du régime, tout ce qu’un couple a acquis au cours d’une union est partagé entre les époux. Chacun conserve cependant les biens propres possédés avant le mariage ou reçus par don, legs ou successions. Les femmes mariées résidant avec un mari propriétaire ou locataire peuvent voter et se présenter à des postes électifs lors d’élections municipales.

1969 : Le gouvernement unioniste du Québec dirigé par Jean-Jacques Bertrand reconnaît aux Autochtones du Québec le droit de voter lors des élections provinciales.

1969 : Le Parlement fédéral du Canada amende le Code criminel, notamment son article 251 afin de rendre légal l’avortement lorsqu’il est pratiqué dans un milieu hospitalier et autorisé par un comité thérapeutique démontrant que la santé physique ou mentale de la mère est en danger. Autrement, l’avortement demeure un crime, mais la promotion des produits contraceptif n’est plus illégale.

26 août 1969 : Le gouvernement fédéral de Pierre Elliott Trudeau fait adopter par la Chambre des communes un amendement modifiant le Code criminel canadien. Il décriminalise notamment l’homosexualité entre adultes consentants majeurs de 21 ans et plus ainsi que l’avortement thérapeutique. Avant l’amendement du Code criminel, un adulte reconnu «coupable» d’homosexualité était passible d’une peine allant jusqu’à 14 ans de prison. L’avortement devient possible lorsque effectué dans un hôpital par un médecin et prescrit au préalable par un comité qui doit démontrer le danger pour la mère de poursuivre la grossesse. Le médecin qui le pratiquera bénéficiera désormais de l’immunité. Avant cet amendement, la pratique de l’avortement menait, conformément à la loi, à une peine allant de deux ans de prison à l’emprisonnement à perpétuité.

Octobre 1969 : Le Front de libération des femmes du Québec (FLF ou Women’s Liberation Mouvement) est fondé à Montréal. Le groupe est reconnu comme le premier groupe autonome de femmes militant du second souffle du féminisme québécois (le premier souffle remonte aux suffragettes des années 1900-1930). D’inspiration marxiste, le FLF a agit (parfois spectaculairement) pour sensibiliser par ses actions un nombre considérable de Québécoises à leur condition d’opprimées. Il vivra de très près la plus grande partie des événements et conflits qui ont secoué le Québec à l’époque : manifestations, campagne électorale de 1970, Crise d’octobre, emprisonnements, appui à des grévistes, appuie l’ouverture de la première clinique d’avortement du Dr Henry Morgentaler et beaucoup plus. Le FLF disparaîtra en décembre 1971 (v. cette date).

12 décembre 1969 : Adoption de la Loi sur l’aide sociale, qui fait suite aux recommandations du rapport Boucher. Cette loi définit la notion de famille, de chef de famille et d’enfant à charge, ce qui aura une incidence importante sur les femmes monoparentales. Cette loi prendra effet à partir du 1er novembre 1970. Toutes les mesures d’aide financière aux personnes nécessiteuses, implantées au Québec, ont été intégrées par la nouvelle Loi sur l’aide sociale. Cette loi établit le droit à l’assistance pour tout individu dans le besoin, quelle que soit la cause de sa situation. Les femmes cheffes de famille monoparentale peuvent toucher des prestations sans avoir à se soumettre aux humiliations de l’ancienne loi des mères nécessiteuses. Cependant, les jeunes de moins de 30 ans qui sont aptes au travail reçoivent une allocation nettement inférieure à celle de leurs aînés (en 1974, la Loi sur l’aide sociale sera amendée pour tenir compte de l’augmentation des allocations familiales accordées par le gouvernement fédéral).

Femme
La femme est le seul cadeau qui vous choisit. (Auteur inconnu). Image: © Megan Jorgensen.

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