Femmes du Quebec

La femme et l’étude du droit

La femme et l’étude du droit

La femme et l’étude du droit au Québec

Vingt et un ans se sont passés depuis que, pour la première fois, une femme obtenait un diplôme en droit dans la province de Québec.

C’était Mrs. Langstaff, qui recevait, en 1914, le titre de bachelier en droit de l’Université McGill. Comme aucun règlement du Barreau n’exclut la femme de l’étude et de la pratique du droit, Mrs. Langstaff se présenta devant le bureau des examinateurs. Mais on ne lui permit pas de subir les examens. Pour obtenir justice, elle poursuivit le Barreau devant le tribunaux. Ce fut malheureusement sans succès.

« Ce n’est donc pas aux tribunaux, déclare sir Horace Archambault, juge en chef, que l’appelante doit s’adresser pour obtenir le droit qu’elle réclame. C’est à la législature de Québec. Seule cette législature peut lui permettre d’être admise à l’étude et à la profession d’avocat, soit par une loi privée concernant exclusivement l’appelante, soit par une loi publique déclarant que les membres des deux sexes peuvent exercer la profession d’avocat. » (1916, C.B.R. p.11).

Malgré cet échec, les femmes ont continué de s’inscrire aux cours de droit. Comme ses camarades, la future bachelière trouve dans l’étude du droit ancien, des législations contemporaines, du droit international, etc. un moyen précieux d’élargir sa culture. De plus, elle découvre des problèmes et des misères que sa jeunesse paisible n’avait pas soupçonnés, qui lui font voir le côté réaliste de la vie, tout en lui donnant une plus grande compréhension de ses semblables.

Il faut avouer qu’un esprit féminin ne s’explique pas toujours les raisons des lois qui restreignent les libertés de la femme mariée, et que les articles du code, où cette incapacité va de pair avec celle des mineurs, des interdits et des aliénés, lui inspirent une juste indignation.

Actuellement, quinze femmes sont diplômées en droit dans la province de Québec : treize de l’Université McGill et deux de l’Université de Montréal. Quant à l’Université Laval, elle ne les a pas admises à l’étude.

Plusieurs d’entre elles font partie d’une étude, où elles font preuve des meilleures qualités juridiques. Quelques-unes se sont même fait recevoir au Barreau d’une autre province.

Le refus d’admettre les femmes au Barreau, en limitant leur activité professionnelle, limite aussi l’exercice de leur dévouement. Le temps est passé, je crois, de voir dans nos revendications, un moyen d’imiter l’homme. Les femmes veulent apporter dans leur profession leurs dons propres, et pourquoi ceux-ci auraient-ils moins de valeur que d’autres ? Qui ne voit le rôle magnifique de la femme auprès de l’enfance coupable, plus nombreuse que jamais de nos jours ? La cause de l’enfant plaidée par une voie féminine, ne symbolise-t-elle pas une merveilleuse alliance de la justice et de la charité, pour décider le plus humainement possible, du sort d’un être plus souvent pitoyable (car pourrait-on dire que lui seul est responsable ?) que méchant ?

Sans compter les services de toutes sortes qu’elle pourrait rendre aux familles de ces victimes, soit en les conseillant, soit en les recommandant aux multiples œuvres de bienfaisance qui pourraient s’y intéresser.

Et ce ne sont là que quelques-unes des tâches, aujourd’hui trop souvent négligées, auxquelles la femme avocate pourrait, si on le lui permettait, se livrer pour le bien général.

Et puis, il y a la question de justice. Mlle Marie-Thérèse Moreau, avocate à la Cour de Paris, écrivait récemment : « La loi n’épargne pas les femmes. La justice les atteint, aussi l’injustice. C’est pourquoi la femme trouve un aliment pour son activité, dans cette grave enceinte où tous les intérêts familiaux, moraux, autant que matériels, sont discutés. »

Ces raisons et combien d’autres, militent en faveur des femmes de la province de Québec, comme de leurs sœurs des autres provinces du Canada qui pratiquent le droit, ainsi que, d’ailleurs, beaucoup le font dans la plupart des pays d’Europe, aux États-Unis et même en Orient.

Pour ne citer que la France, puisque c’est le pays avec lequel nous avons le plus d’affinités, je mentionnerai qu’il y a non seulement des femmes avocates, – on en compte trois cents inscrites au Barreau de Paris, – mais aussi des femmes qui professent dans les Facultés et il y a même eu une femme bâtonnier.

J’ose espérer qu’on ne refusera pas plus longtemps à nos bachelières, l’admission au Barreau du Québec. Et je m’excuse d’avoir ainsi parlé pro domo, mais c’est encore, hélas ! la seule cause que je puisse plaider!

Martine Hebert-Duguay.

uqam

« Il n’est pas nécessaire d’être avocat ou magistrat pour savoir que la légalité et la justice sont loin d’être synonymes. » Adolphe-Basile Routhier (1839-1920), écrivain québécois, l’auteur des paroles de l’hymne national du Canada. Extrait du Le Centurion. Photo © : GrandQuebec.com.

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