La discrimination d’après-guerre

La discrimination des femmes d’après-guerre

L’après-guerre immédiat ne diffère guère des périodes précédents quant à la discrimination de la femme au travail.

La discrimination exercée à l’endroit de la femme est indéniable, mais son aspect le plus visible, c‘est-à-dire, l’inégalité ses salaires, n’en est pas la seule manifestation. Il y aura aussi inégalité dans les chances d’avancement et dans l’accès à la formation professionnelle.

Dans l’industrie de l’alimentation, en 1947, un commis de bureau pouvait gagner jusqu’à $27 par semaine, si c’est un homme. Son salaire plafonne à $19, si c’est une femme. Le salaire égal à travail égal n’existe pas non plus dans l’industrie de la robe. En effet, en 1946, un presseur est payé $23,60 par semaine, tandis qu’une presseuse ne touche que $14.00.

Ce ne sont là que deux exemples d’une disparité que l’on retrouve dans tous les domaines. À la faveur de la guerre, les femmes ont fait une entrée massive dans le secteur bancaire, mais un caissier a beaucoup plus de chances qu’une caissière de devenir éventuellement chef comptable ou gérant de succursale.
À maintes reprises on a invoqué divers motifs pour expliquer, voir justifier, l’infériorité des salaires féminins, entre autres : la carrière de la femme au travail est plus courte que celle de l’homme; l’homme est le principal gagne-pain et le salaire de la femme est un revenu d’appoint destiné à offrir du superflu à la famille ; l’absentéisme féminin est plus élevé ; la femme est physiquement moins forte ; la femme a plus peur des responsabilités que l’homme, etc…

Au fil des ans, cette discrimination patente contre les femmes sera de plus en plus contestée. La ligue Ouvrière Catholique et la CTCC, entre autres, appuieront, dans leurs publications et leurs mémoires au gouvernement, le principe du salaire égal à travail égal. Pour indiquer à quel point ce principe met du temps à être reconnu, un projet de loi le sanctionnant est soumis au parlement fédéral en 1954 ; il est défait. Un projet de loi analogue, présenté deux ans plus tard, est adopté, mais il ne s’applique qu’aux employés du gouvernement fédéral et des sociétés de la Couronne. Ce n’est qu’en 1961 qu’une commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada posera les jalons de la législation ultérieure du gouvernement fédéral et des provinces.

On n’affirme pas que toute discrimination a complètement disparu dans le monde du travail. Il n’est que de comparer deux secteurs différents pour s’en rendre compte : alors que l’occupation massive du travail du bureau par la main-d’œuvre féminine y a fait baisser les salaires et en a diminué le prestige, la forte masculinisation de l’enseignement a eu exactement l’effet contraire.

Néanmoins, les mentalités changent. Le travail féminin n’est plus perçu comme quelque chose de peu importance ni comme un danger social. L’accession de femmes à des postes de commande fait des progrès lents mais constants. Surtout, les femmes elles-mêmes ont changé d’attitude : effectivement, alors que les sociologues qui ont étudié la décennie d’après-guerre pouvaient faire état de la passivité des femmes, de leur traditionalisme, de leur peur du patron, de leur désintéressement vis-à-vis de leurs propres associations syndicales, ce genre d’attitude n’a plus cours. Ce qui paraît le plus certain, c’est qui, loin de régresser, le taux de participation des femmes à la main-d’œuvre totale s’aligne sur celui de la main-d’œuvre masculine. La femme moderne est en train de récrire un certain slogan, pour en faire « d’égale à égal »!

(D’après Le Mémorial du Québec, tome VI, 1939-1952, Éditions du Mémorial Inc., Montréal, 1979, pages 160-161).

famille québécoise moyenne
Famille québécoise de la classe moyenne dans les années 1970. Source : Greenhem, Flickr. Licence : Creative Commons (by-nc-nd).

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