Visions de l’ours
Chez les Amérindiens, dans la relation rituelle entre le monde humain et le monde animal, l’ours jouait un rôle capital. L’ours était en effet l’animal qui jouissait de la plus grande considération chez les Indiens. Voyant en lui la force, le courage, l’énergie et la rage, les guerriers l’imitaient dans les comportement et leur mode vestimentaire, pour assimiler son essence. Certains guerriers assiniboins, par exemple, se rasaient le crâne au milieu et enroulaient leur cheveux sur les côtés de manière à former deux nœuds qui ressemblaient à des oreilles d’ours; ils portaient un collier de griffes d’ours et une tunique en peau d’ours. À la guerre, ils se peignaient en outre le visage en dessinant deux cercles noirs autour des yeux, et se munissaient d’une arme spéciale, le fameux « couteau de l’ours ». Ces guerriers étaient réputés pour leur courage et leur férocité. Quand ils attaquaient leur ennemis, ils poussaient un cri imitant celui de l’ours en furie.
La vision de l’ours a été décrite en détail par George Sword, un chaman lakota. Le visionnaire se trouve devant une gigantesque tente, qui se dresse « jusqu’aux nuages ». À l’intérieur, des hommes au corps peint en rouge lui montrent un homme blessé, lui offrent des médicaments et lui indiquent comment les utiliser pour guérir le malade. Le visionnaire installe alors une tente semblable à celle de la vision, se peint le corps en rouge et se vêt d’une peau d’ours. Il entonne ensuite des chants qui relatent l’expérience de la vision et, tout en chantant, le visionnaire est possédé par l’esprit de l’ours : il grince des crocs saillants comme ceux d’une bête féroce et commence à gronder comme un ours en furie; il se lance à la poursuite des présents, s’arrêtant par moments pour creuser le sol et extraire des racines de navet sauvage. Puis il se calme et rentre dans la tente, où on lui donne à fumer la pipe sacrée, et le rite se termine ainsi.
Dans la vision et dans le rite, homme et animal s’identifient : ils deviennent les manifestations d’une seule et même force mystérieuse et s’unissent à un niveau de réalité qui n’est pas accessible à la perception normale. Pour les Amérindiens, néanmoins, l’ours est non seulement l’expression d’une férocité sauvage et d’une rage furieuse, mais aussi le gardien d’une sagesse spécifique : c’est en effet le seul animal qui connaisse parfaitement les vertus thérapeutiques des plantes et des herbes. Les Lakotas pensent que quand un homme rêve de l’ours, il acquerra la maîtrise totale de l’utilisation des plantes pour soigner les maladies.
Joseph E. Brown résume ainsi la vision de l’ours selon les Lakotas :
La nature globale de l’ours semble se composer de qualités contraires ou variables, comme en témoigne son caractère agressif opposé à son état passif et inactif au cours de la léthargie. L’habitude qu’il a de se dresser sur ses pattes arrière a confirmé les croyances dans la réalité de la métamorphose. Face à un ours, l’Indien ne put pas avoir la certitude qu’il s’agit d’un homme sous une forme animale, ou vice versa. On ne s’étonnera donc pas de savoir que l’âme de l’ours est elle aussi considérée comme quelques chose de spécial par rapport aux autres animaux.
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