Histoire illustrée du monarque de la chenille au papillon
Une série de photographies qui illustrent la métamorphose du Monarque. Mentionnons tout de suite que c’est l’un des rares papillons qui effectue des migrations rappelant celles d’un grand nombre d’oiseaux.
Rien d’artificiel dans ses images; aucun montage pour imiter la réalité. Ces photographies ont simplement fixé les étapes d’un phénomène naturel sur la pellicule… et avec quel art ! C’est le même insecte qui est ici montré successivement sous ses divers états.
Suivons maintenant le développement du Monarque au moyen de ces neuf photographies, placées dans l’ordre chronologique. Elles présentent le même insecte observé en laboratoire à des moments précis s’échelonnant entre le 1er et le 15 du mois de septembre.
1er septembre pm. Vous reconnaissez peut-être la chenille du Monarque, désignée parfois « ver à soie » à cause de l’absence de poils. Sa taille n’est pas tout à fait celle illustrée ici, mais tous les autres caractères sont bien les siens. L’alternance de lignes verdâtres (blanches sur la photo) et noires la caractérise suffisamment bien.
On remarquera surtout ses trois paires de fines pattes articulées à l’avant et les cinq paires de fausses pattes griffues qui lui permettent de se cramponner aux larges feuilles de l’Asclépiade. Ces fausses pattes se rattachent aux 3e, 4e, 5e, 6e et 9e anneaux de l’abdomen. Il en est ainsi chez la majorité des chenilles.
La chenille du Monarque vit principalement sur las feuilles de l’Asclépiade qu’elle dévore à longueur de jours. Cette plante laiteuse de grande taille est commune dans les champs incultes, le long des routes et surtout des voies ferrées. Quiconque observe soigneusement cette plante, plus particulièrement en juillet et août, découvre l’une de ces grosses chenilles qu’il peut observer en captivité par la suite.
Les sortes de cornes qui ornent l’avant et l’arrière de son dos sont parfois considérées comme des organes de défense. La chenille peut les rentrer et les sortir à son gré. Ainsi, elle effraie peut-être quelques-uns de ses ennemis ou les éloigne par des odeurs nauséabondes.
2 septembre, 4.00 hres pm. Attitude curieuse pensez-vous ? Corps en demi-cercle, retenu à de simples fils, tête tournée vers le sol.
Des forces intimes ont poussé la chenille à agir d’une façon toute différente de l’accoutumé. En ce premier jour de septembre, au lieu de dévorer paisiblement force feuilles, elle a utilisé sa salive pour fabriquer ce suspensoir fait de fils ténus bien rivés à la feuille.
Et maintenant elle s’y suspend.
3 septembre, 10.00 hres a.m. La réalité est surprenante. Hier c était la chenille, aujourd’hui c’est cette sorte de ballonnet ou plutôt cette CHRYSALIDE dans la langue des naturalistes. Que s’est-il passé ? La chenille a tout simplement mué, c’est-à-dire renouvelé la partie extérieure de sa peau. Un afflux du sang vers l’avant du corps a fendu sa peau, d’abord sur le front puis sur les deux anneaux suivants. Par l’ouverture la forme chrysalide est apparue graduellement en refoulant à l’arrière la peau de la chenille.
La chrysalide a la tête orientée au sol, comme la chenille avant sa transformation. De teinte blanche au début, elle s’orne progressivement de points dorés du plus bel effet. L’emplacement des ailes, des pattes, des antennes, de l’abdomen est tout indiqué; mais I uniformité de la coloration rend difficile leur repérage.
12 septembre, pm. Neuf jours se sont écoulés depuis la formation de la chrysalide. Durant ce temps elle n’a guère bougé. La teinte n’a changé que durant les dernières heures. Cependant, sous cette mort apparente, la chrysalide a continué de respirer, son sang de circuler. Des tissus se sont désagrégés et d’autres se sont reformés grâce aux matériaux véhiculés par le sang. L’activité interne a été plus que jamais intense.
Déjà la coloration du futur papillon apparaît à travers la chrysalide : il va bientôt se libérer. Remarquez qu’il a toujours la tête en bas. La masse elliptique que l’on discerne au bas, à droite, représente un œil à facettes.
13 septembre, 9.26 hres am. La chrysalide s’est fendue sur le long à trois endroits, au centre et de chaque côté. Les pattes repoussent les lanières ainsi découpées. L’avant du corps fait saillie à l’extérieur. C’est le moment où le papillon avale de l’air et gonfle son corps pour se libérer plus facilement de la chrysalide.
13 septembre, 9.28 hres am. En deux minutes, voyez quel travail le papillon a accompli. Il a réussi à sortir son corps tout entier, à étaler une partie de ses ailes et à s’agripper sur les lambeaux de la chrysalide devenue maintenant tout à fait transparente. La chrysalide a mué et a libéré, non pas une autre chrysalide, mais une forme différente du même insecte, le papillon adulte.
13 septembre, 9.30 hres am. Le Monarque s’est agrippé plus solidement à la chrysalide et met tous ses efforts à donner à ses ailes leur déploiement maximum. C’est grâce à un afflux de sang le long des nervures que l’étalement se produit si régulièrement.
Par la suite, le travail va être concentré dans l’abdomen pour que cette partie du corps prenne sa forme normale. Les ailes ont acquis leur taille définitive. L’abdomen, caché par les ailes, a laissé échapper quelques gouttes d’un liquide verdâtre contenant les déchets accumulés pendant les neuf jours qu’a duré la chrysalidation (temps passé sous la forme chrysalide).
13 septembre, 9.50 hres am. Le Monarque rabat ses grandes ailes; il est prêt à s’envoler. Au début, son vol sera lent, gauche, indécis, mais bientôt il jouira de tout son pouvoir et se baladera au soleil, fuyant prestement l’amateur de papillons comme l’oiseau vorace, ses ennemis jurés.
Le Monarque est célèbre par la beauté de son coloris, sa grande taille, mais surtout — comme nous le disions au début — par des habitudes plutôt insolites dans le monde des insectes, c’est-à-dire par des déplacements annuels quasi extraordinaires.
En effet, plusieurs savants ont observé le Monarque en groupes denses, soit sur les arbres, soit sur les plantes des champs. Ces rassemblements témoignent d’instincts migratoires installés chez cette espèce.
Régulièrement, dit-on, le Monarque va hiverner sous des climats plus chauds, un peu comme les citadins richissimes qui s’exilent en Floride en hiver et reviennent au pays quand les neiges ont disparu. Certains individus ne participent pas aux migrations, soit qu’ils ne se réunissent pas en groupes assez denses, soit qu’ils ne ressentent pas cet attrait.
Chez la plupart des animaux, la migration est un phénomène social. Elle ne se réalise qu’après un rassemblement de nombreux individus d’une même espèce ou d’espèces voisines. Un individu isolé ne migre pas; il périt plutôt.
Au Québec, le Monarque n’est jamais très abondant; aussi personne n’a observé d’agrégats d’individus essentiels pour déclencher l’instinct migratoire. En Ontario et dans le nord des Etats-Unis, le phénomène a déjà été observé.
Originaire d’Amérique, le Monarque a été vu dans les îles de l’Atlantique et du Pacifique, même en Europe et en Asie. Comment réussit-il à franchir de si grandes distances, lui pourtant si frêle ? On semble encore se perdre dans les hypothèses.
Le Monarque décrit ici porte le nom scientifique Danaus plexippus L.
(Revue Le Jeune scientifique, novembre 1962).
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