Quand la ouananiche nage en eaux troubles
La ouananiche (Salmo salar ounaniche) correspond à la forme dulcicole du saumon atlantique anadrome. On peut supposer que des saumons piégés dans les terres après l’époque glaciaire ont dû s’adapter à un nouvel environnement et ont connu une transformation, leur cycle vital se déroulant désormais entièrement en eau douce. Ouananiche signifie « le petit égaré » en montagnais. Aujourd’hui, ce poisson constitue à lui seul une espèce, tant par son habitat que par certains traits physiques qui le distinguent du saumon. Il est plus petit (entre 20 et 60 centimètres) et pèse rarement plus de 6 kilogrammes.
Bien adapté aux eaux vives, ce saumon possède des nageoires plus longues et plus fortes, une queue plus puissante, de plus gros yeux et de plus fortes dents que son ancêtre. Son dos noir est marqué de taches rapprochées et bien définies, ses flancs sont gris bleuâtre et son ventre est argenté. Son régime alimentaire se compose principalement d’éperlans et d’insectes aquatiques.
On pêche la ouananiche sur la côte est de l’Amérique du Nord, ainsi qu’en Scandinavie. La présence de ce poisson est particulièrement évidente dans le bassin du lac Saint-Jean dont il a fait la renommée. En retour, on l’a choisi pour emblème animalier du Saguenay-Lac-Saint-Jean, en 1988. Malgré leur bonne santé, les populations du lac Saint-Jean ont connu des heures difficiles au cours des dernières décennies du XXe siècle, probablement à cause de la convergence de facteurs négatifs comme la surpêche, le braconnage, la perte d’habitats et la pollution. On a noté des baisses inquiétantes du nombre de géniteurs dans les passes migratoires des rivières témoins, dont la Mistassini et l’Ashuapmushuan. La pêche sportive à la ouananiche a été interdite, au grand dam des pêcheurs de la région et d’ailleurs.
Depuis 1995, les chercheurs tentent d’établir les facteurs qui font fluctuer les populations locales de ouananiche. D’après les études récentes, la qualité et le nombre des sites de reproduction et des aires d’élevage en rivière ne seraient pas en cause. Rappelons que ce salmonidé quitte la rivière où il est né vers l’âge de 2 à 4 ans, gagne les aires d’alimentation plus riches du lac où il restera jusqu’à l’âge de 4 à 8 ans, avant de reprendre le chemin de sa rivière natale où il se reproduira.
Tout indique que le poisson connu comme l’éperlan arc-en-ciel, sa principale proie, est à l’origine de ses problèmes de croissance et de survie. La quantité d’éperlans ne serait vraisemblablement pas suffisante pour maintenir les stocks aux niveaux historiques les plus élevés. Les travaux se poursuivent afin de mieux circonscrire les facteurs qui influencent le cycle vital de l’éperlan et, par conséquent, l’avenir de la ouananiche.
Des passes migratoires pour la ouananiche ont été aménagées aux différents endroits au Québec, dont la passe migratoire aux chutes à Michel et plusieurs autres.
(Source : Rivières du Québec, Découverte d’une richesse patrimoniale et naturelle. Par Annie Mercier et Jean-François Hamel. Les éditions de l’Homme, une division du groupe Sogides).
À lire également :
