Mésange à tête noire

La mésange à tête noire, acrobate de nos forêts

Par Vincent Létourneau

Omniprésente et peu farouche, vive et attachante, largement répandue en Amérique du Nord, la mésange à tête noire se rencontre dans tout le Québec méridional. S’adaptant facilement, elle niche dans tous les bois de Montréal. C’est en hiver qu’on l’observe le plus fréquemment, aussi bien en forêt que dans les parcs, ainsi que dans bon nombre de quartiers résidentiels.

Par un froid matin d’hiver, au Jardin botanique de Montréal. Posté près d’une talle de cèdres, j’observe les allées et venues rapides des mésanges aux mangeoires du jardin alpin. Il vente et il fait bien -30 degrés, mais ces petites boules de plumes ont survécu à la nuit glaciale et s’activent à refaire le plein d’énergie.

Insatiables, elles passent tour à tour chercher une graine, repartant aussitôt vers une branche pour la casser à coups de bec.

L’une d’elles a alors l’idée de venir casser la croûte dans un cèdre, tout près. La graine au bec, elle vole lentement vers moi. J’entends encore son battement d’ailes lorsque…

« Sît – Sît -Sît – Sît ! » En lançant son cri d’alarme, l’oiseau échappe son trésor et fait demi-tour en plein vol.

En un instant, tous les convives disparaissent.

Le festin de graines reste là, au milieu de la place. Je suis à l’affût, car je me doute de ce qui vient. Quelques secondes plus tard, un gros épervier sort du cèdre, condamné à chercher ailleurs son petit déjeuner.

J’étais content d’avoir vu un rapace, mais c’est de cette mésange complice et complètement affolée que je me souviendrai toute ma vie.

L’acrobate de nos forêts

La mésange se nourrit surtout en milieu forestier feuillu ou mixte, inspectant chaque recoin des arbres pour en déloger des insectes (œufs, larves et adultes). L’hiver, son régime comprend une bonne part de graines, d’où son intérêt pour les mangeoires.

Elle est dotée d’un bec court, robuste et pointu. Elle niche et dort dans des cavités et peut gonfler son plumage dense et épais pour mieux affronter l’hiver.

Ses ailes courtes et arrondies facilitent ses déplacements en forêt. Très habile de ses pattes, elle se comporte en acrobate lorsque vient le temps de fouiller un arbre à la recherche de proies.

Comme pour le chardonneret et le merle, les pattes de la mésange possèdent un tendon qui bloque automatiquement et sans effort ses doigts en position fermée lorsqu’elle se perche, une caractéristique qui lui permet d’importantes économies d’énergie.

Par la taille et le plumage, mâle et femelle sont absolument identiques. Cela va de pair avec un partage équitable des tâches liées à la reproduction. Bien que la femelle reste encore la seule à pouvoir pondre, le couple partage la construction du nid, l’incubation des œufs et l’élevage des jeunes. La mésange à tête noire fait partie des paridés, une famille qui compte un peu plus de 50 espèces dans le monde, dont trois au Québec.

Grégaire en saison, territoriale à l’année

En hiver, la mésange est très grégaire et forme de petits groupes territoriaux qui réagissent à la moindre intrusion. C’est aussi un oiseau très hiérarchisé. Sur une petite mangeoire, les mésanges viennent une à une, respectant scrupuleusement leur rang.

Dès janvier, le mâle fait entendre son chant joyeux : « Ti-uu ». En mars, la troupe se dissout progressivement à mesure que le couple dominant s’impose sur le territoire.

Comme les pics, la mésange à tête noire fait son nid en forant un trou dans un arbre, souvent un bouleau ou un peuplier. Elle pond entre six et huit œufs (parfois jusqu’à 10). Les petits quittent le nid à 16 jours, mais accompagnent leurs parents pour une période de deux à quatre semaines.

À la dissolution du groupe familial, les jeunes (surtout les femelles) se déplacent de quelques centaines de mètres à plusieurs kilomètres du lieu de leur naissance. Après ce brassage de gènes, de nouveaux groupes se forment en vue de l’hiver.

Curieuse et complice

Si vous installez des mangeoires (remplies de graines de tournesol, de préférence) et que votre quartier comporte sa part de végétation, les mésanges finiront bien par vous trouver. D’arbre en buisson, de la haie au bosquet, elles se font des chemins partout dans l’île, surtout en hiver. Et si leurs visites s’espacent en été, vous les verrez bientôt revenir avec leur nichée.

La mésange accepte parfois un nichoir, surtout si on a pris soin de le remplir de copeaux jusqu’au toit. Travailleuse, elle préfère excaver elle-même sa cavité.

En forêt, surtout l’hiver, pour peu qu’on les appelle (en faisant des « pchch, pchch, pchch »), les mésanges nous accueillent joyeusement aux portes de leurs terres, comme de la parenté qu’on vient visiter. Curieuses de voir qui est là, elles nous jasent un brin, puis repartent aux cuisines ou nous accompagnent au salon.

Prêtez-vous au jeu. Soyez patients. Les mésanges viendront vous égayer. Soyez attentifs et à l’écoute. Souvent accompagnées, entre autres, de pics et de sittelles, elles viennent rarement seules et peuvent nous renseigner sur la présence de prédateurs.

Joyeuse et amicale

Pierre Verville est connu pour son humour. Ses amis le surnomment le polyglotte (en l’honneur de l’oiseau imitateur). Outre son métier d’humoriste, Verville s’intéresse passionnément aux oiseaux.

De la mésange, il dira que « c’est un des premiers oiseaux un peu exotiques qu’on découvre (après les moineaux et les pigeons) quand on s’intéresse à l’ornithologie ». Il se souvient de la première fois qu’une mésange a mangé dans sa main, du vrombissement de ses ailes, de son chant printanier…

(Texte paru dans le journal « La Presse« , le 9 avril 2000).

« La mésange est vraiment attachante, vive, facile à observer. C’est un oiseau amical (autant que le maire !) et un emblème idéal pour Montréal », conclut Verville, à sa manière.
« La mésange est vraiment attachante, vive, facile à observer. C’est un oiseau amical (autant que le maire !) et un emblème idéal pour Montréal », conclut Verville, à sa manière. Image libre de droits.

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