Maringouins

Une contrée qui a du piquant

Moustiques ou maringouins, peu importe le nom qu’on leur donne, ils piquent de toute façon ! Le Québec en possède un remarquable assortiment. Les statistiques révèlent qu’un peu plus de 50 espèces de moustiques vivent chez nous. Un maringouin double ou triple son poids corporel en pompant du sang. Une douzaine de millions de ces insectes par hectare hantent certaines zones subarctiques canadiennes, à la hauteur de Churchill (58e parallèle Nord), par exemple. Par étonnant de constater qu’ils affectent la santé des caribous et d’autres grand mammifères du Nord québécois en les importunant et en se délectant de leur sang.

Faisons un calcul rapide : si chacun de ces millions de moustiques a la capacité d’extraire 0,05 ml de sang par jour, la récolte représente environ 550 litres de sang par hectare. Puisque seules les femelles se nourrissent de sang, disons 275 litres. Bref, si le corps humain contient environ 5 litres de sang, l’armada des piqueurs de la toundra peut, en théorie bien entendu, saigner à blanc 55 personnes par hectare (0,01 km2). Fait-il effectuer le calcul pour l’ensemble du Nunavik ?

En réalité, nous connaissons le moustique par les désagréments qu’il nous cause dès le printemps. Qu’est-il au juste, sinon un minuscule insecte volant, au corps élancé, dont le bourdonnement et la piqûre nous agacent souverainement? Le moustique s’intègre à la famille des culicides; la plupart des espèces québécoises appartiennent aux genres Aedes et Culex. Les femelles ont besoin d’une ration de sang pour le développement des œufs et au moment de la ponte. Le mâle, quant à lui, se nourrit exclusivement de nectar, de fruits mûrs ou d’eau. L’accouplement des moustiques a lieu en vol ou à travers la végétation. Les femelles conservent la semence du mâle dans une petite poche placée dans l’abdomen. Une fois fécondées, elles entreprennent la quête de sang et la recherche d’un site de ponte.

L’un des aspects les moins connus de maringouin est le rôle de l’eau dans un cycle de vie. De 50 à 300 œufs sont pondus séparément ou en nacelles dans toute sorte de milieux humides, selon les espèces : les mares et les flaques d’eau, les fossés, les étangs. À peine quelques litres d’eau stagnante dans les pneus, des tonneaux, de la ferraille, des citernes abandonnées et dans d’autres contenants artificiels suffisent à certains pour proliférer. L’éclosion a lieu quelques heures plus tard; les œufs de certaines espèces passent l’hiver sous la neige et n’éclosent qu’au printemps suivant. La larve aquatique se tient juste sous la surface de l’eau où elle aspire l’air atmosphérique à l’aide d’un siphon dorsal. Elle se nourrit d’algues et de micro-organismes et passe par plusieurs stades avant de se transformer en nymphe.

De 2 à 4 semaines peuvent s’écouler entre l’éclosion de l’œuf et l’émergence de l’insecte adulte qui se déroule à la surface de l’eau : la nymphe s’étire, causant la rupture du régiment dorsal, puis le moustique s’extirpe de sa cage. Certaines espèces produisent plusieurs générations chaque été; d’autres n’en assurent qu’une. La durée de vie des adultes varie d’une semaine à plus d’un mois.

Les formes larvaire et adulte du moustique constituent des éléments clés de plusieurs chaînes alimentaires. Dans l’eau, les larves sont les proies d’espèces prédatrices du zooplancton, larves de libellules, dytiques et poissons. Les adultes sont consommés par d’autres insectes, par des amphibiens, des oiseaux et des chauves-souris. Des études menées dans la région des îles de Sorel montrent que ces insectes peuvent fournir entre 5 et 45 kg/hectare de matière organique par année. À l’échelle du continent, ces valeurs mettent des millions de tonnes de matière vivante à la disposition de divers processus écologiques.

Différents insectes piqueurs de l’ordre des diptères appartiennent à des familles apparentées à celle du moustique : les simulides (mouches noires), les tabanides (taons, mouches à chevreuil, mouches à cheval et mouches à orignal) et les cératopogonides (brûlots). Tous aussi entreprenants les uns que les autres.

Ce que les sauvages pensent des Canadiens

Un jour un sauvage du Nord-Ouest disait à un Canadien : « Vous autres, vous êtes nos amis, parce que vous ne nous trompez pas, et que vous vivez avec nous comme des frères. Les autres nations viennent à nous comme des maringouins : un maringouin arrive, suce le sang, puis s’en va ; voilà ce que font les étrangers qui viennent dans notre pays ; ils nous arrachent ce que nous avons, et ensuite ils s’en vont.

(Alliance Nationale, 1904. Abbé G. Dugas).

Moustique monstre
Moustique monstre. Un maringouins tel que vu par une personne que essaie de dormir un jour chaud d’été. Illustration de Megan Jorgensen.

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