La disparition des pigeons voyageurs
Une catégorie particulièrement sympathique de bons serviteurs de l’homme est en train de disparaitre. Nous voulons parler des pigeons voyageurs.
Avant l’invention du télégraphe, ces bonnes bêtes faisaient merveille pour la transmission des nouvelles. En certains pays, où leur dressage était très développé et perfectionné, on arrivait à obtenir des pigeons d’étonnantes performances. Ils bravaient fatigue et périls pour accomplir leur mission, arrivant exténués mais contents. Après l’invention du télégraphe, on eut moins besoin d’avoir recours aux pigeons voyageurs. Il y eut cependant des cas où leurs services furent précieux: les cas de guerre, les cas de siège surtout, quand les fils du télégraphe étaient coupés.
Tout le monde à entendu raconter où à lu. des traits de dévouement des pigeons voyageurs pendant le siège de Paris en 1870. En effet, la capitale française n’avait que ce moyen, et quelques envolées en ballon hardis et rares, pour communiquer avec le reste du pays. Et des pigeons arrivèrent à leur destination – à Orléans, à Tours, ou ailleurs – blessés, mourant peu après avoir accompli leur devoir.
Ces temps derniers, les pigeons rendaient des services dans certaines provinces du Canada, dans des cas particuliers. Des aéroplanes surveillant par exemple les feux de forêt se servaient d’eux pour transmettre leurs observations sans interrompre leur envolée. Mais la civilisation reculant de plus en plus les lisières de la forêt, il faut aujourd’hui emmener les pigeons trop loin de leur base et leur imposer, dans notre vaste pays, de trop longues randonnées. Et d’ailleurs, la TSF rend superflu le recours aux pigeons voyageurs.
Aussi cesse-t-on peu à peu d’en élever. Un à un les établissements qui se consacraient à ce délicat et fort intéressant dressage ferment leurs portes. Avant qu’ils ne disparaissent tout à fait, victimes eux aussi du progrès, ayons une pensée reconnaissante pour ces joyaux serviteurs.
(Texte paru dans le Petit Journal, le 15 juin 1935).