Instinct
L’Instinct (instinctus = aiguillon) désigne, chez l’animal, l’impulsion naturelle qui dirige son comportement. Force de finalité biologique, innée, relativement aveugle ou automatique (activité défensive, industrieuse, etc.) et limitée dans sa complexité et sa portée par la loi de l’espèce.
Chez l’homme, le terme désigne un système de tendances, attractives ou répulsives, révélant son existence dynamique à l’occasion des circonstances relatives aux buts vitaux de l’individu : fuite devant la menace et la douleur, recherche de plaisir, conservation et protection de soi et de la progéniture, sexualité et procréation, puissance sociale, inclinations familiales, élargies au groupe et au milieu social…
Les philosophes ont surtout étudié l’Instinct en le comparant à l’Intelligence.
« L’Intelligence, a dit H. Bergson, est caractérisée par une incompréhension naturelle de la vie. C’est sur la forme même de la vie, au contraire, qu’est moulé l’instinct ». En psychologie, la notion d’instinct est restée vague et équivoque. Ses limites varient avec chaque auteur, allant du plan des besoins relatifs aux objets extérieurs à l’individu jusqu’à celui des exigences culturelles ou désintéressées (instinct de jeu, de liberté, instinct religieux, même instinct moral ou esthétique). Les psychiatres, s’inspirant surtout des psychologues d’éducation biologique, comme Th. Ribot, ont cherché l’origine des troubles psychiques dans la perturbation et notamment l’inassouvissement de la vie instinctive, considérée comme le « psychisme primitif (Guiraud). La plupart en ont réduit le nombre (instinct de conservation, instinct sexuel, instinct de puissance).
Freud en a distingué deux essentiels : d’abord l’instinct sexuel et l’instinct personnel, puis l’instinct sexuel (Eros) et l’instinct de mort, force biologique tendant à la destruction et au retour à l’inertie inorganique.
Les psychologues et les psychologistes contemporains ont dénoncé l’abus de la notion d’instinct : Force mentale, comme insérée sur l’organisme; donc notion abstraite et métaphorique aboutissant à nier l’unité et la totalité fondamentales de l’individu, organisme singulier et concret, d’ailleurs intégré dans le milieu social. Les divers instincts ne sont, pour eux, que des secteurs du comportement individuel ou des conduits relatives à telle situation concrète (alimentaire, sexuelle, de groupe, etc.). L’individu et son instinct coïncident objectivement, le découpage en instincts partiels résultant d’une illusion subjective dans la perspective interne, déformante et partielle du comportement

Instinctivo-affectif
On qualifie ainsi tout fait psychique qui, prenant naissance dans la vie instinctive profonde, se manifeste non par le jeu libre et naturel de l’Instinct (acte instinctif), mais par ses répercussions affectives dans la conscience de l’individu. Celles-ci sont d’autant plus frappantes, malgré leur signification souvent obscure, que les tendances instinctives dont elles émanent sont moins spontanées.
En effet, les instincts, lorsqu’ils sont contrariés ou rentrés, tendent à se réaliser intérieurement, sous la forme instinctivo-affective de l’imagination émotionnelle : « L’homme sent en lui des besoins, des désirs, des problèmes auxquels la raison pure n’apporte ni satisfaction, ni réponse, ni remède : le sentiment et l’imagination prennent sa place » (Th. Ribot).
Ainsi l’instinct sexuel, parvenu à son stade achevé (qui permet la recherche de l’objet et du but sexuel normaux) et satisfait, reste silencieux, ne se révélant occasionnellement que par ses expressions instinctivo-affectives normales, comme le désir amoureux et la jouissance apaisante qui suit sa satisfaction. Chez le malade, ce même instinct, indéveloppé ou contrarié et par suite insatisfait, trouble en permanence l’équilibre psychique, en faisant irruption dans la vie affective consciente : D’où phénomènes affectivo-instinctifs anormaux tels que les sentiments de culpabilité et d’infériorité, les émotions dérivées de l’angoisse, etc.
Ainsi, la Psychogenèse des névroses et des psychoses relie-t-elle le Symptôme à la vie organique des besoins et des appétits par l’intermédiaire de la vie instinctivo-affective, dont les créations de la pensée morbide sont des expressions cliniques.
A. Hesnard.