Histoire des chats et des hommes

Histoire des chats et des hommes (présentée par Bernard Werber)

Les premiers contacts entre l’homme et les chats remontent à 10 mil ans, au néolithique. À cette époque, les humains cultivaient leurs premières récoltes, ce qui attira naturellement des souris et des rats désireux de les consommer. Humains et chats s’allièrent donc instinctivement par intérêt commun.

Pour autant, l’installation du chat sauvage africain (dont les traces les plus anciennes proviennent d’Éthiopie) dans les maisons humaines date d’il y a 5 000 ans, en Égypte.

Pour les Égyptiens, les chats (qu’ils appelaient « Miou » en référence à leur miaulement) étaient considérés comme les incarnations de Bastet, la déesse au corps de femme et à tête de chat. À leurs yeux, les félins étaient sacrés : tuer un chat relevait du crime puni de la peine capitale. Et quand un chat mourait, son corps était momifié puis enterré dans des cimetières spéciaux.

Lorsque en -525 avant Jésus-Christ, le roi perse Cambyse II voulut envahir l’Égypte, il découvrit la vénération de cette civilisation pour les chats et eut alors l’idée d’attacher des chats vivants sur les boucliers de ses guerriers. De ce fait, les soldats égyptiens n’osèrent pas décocher leurs flèches contre les félins et se laissèrent vaincre à la bataille de Péluse (actuelle Sidi Bou Saïd). À la suite de cette catastrophe, les Perses tuèrent les membres de l’aristocratie égyptienne, détruisirent les temples et massacrèrent les chats.

Les chats rescapés furent ensuite disséminés dans le monde par les navires des commerçants phéniciens et hébreux qui recouraient à leurs qualités de chasseurs de rats pour protéger les provisions qu’ils avaient à leur bord ainsi que les cordages.

Les chatons nés de ces voyages étaient vendus par les marins aux populations des ports. Ils servaient de cadeaux pour séduire les femmes grecques, au même titre que des friandises ou des fleurs. Ils étaient estimés par les paysans car ils les protégeaient contre les rongeurs qui sévissaient dans les silos à grains, et ils furent aussi utilisés pour se prémunir contre les scorpions et les serpents (ils remplacèrent dans cette tâche les putois, que leur mauvais odeur mit de fait en chômage).

Passagers des caravanes de commerce, les chats furent introduits en Inde, où ils furent vénérés à travers la déesse Sati, femme à tête de chat, puis en Chine, avec la déesse Li-Shou. L’empereur de Corée en offrit aussi un à son homologue japonais l’empereur Ichijo pour ses treize ans, ouvrant ce pays aux félidés où ils devinrent rapidement à la mode.

Bien avant, les chats étaient arrivés en Gaule, en Germanie et en Angleterre avec les troupes des envahisseurs romains, car ils étaient très appréciés des légionnaires de César (qui, pour sa part, en avait la phobie.)

Comme le nombre de chats domestiques dans chaque contrée était réduit, leur consanguinité inévitable entraîna des mutations génétiques. Les hommes sélectionnèrent les particularités qui les intéressaient – la forme ou la couleur du poil ou des yeux, par exemple – et inventèrent des espèces locales : le persan en Perse, l’angora en Turquie, le siamois en Thaïlande.

Ainsi commença la première vague de dissémination féline sur la planète.

Une fille et son chat
Une fille et son chat. Image : Bing.

C’est à partir de l’Antiquité que la vie des chats, jusque-là plutôt confortable, devient difficile.

En 392 après Jésus-Christ, l’empereur chrétien Théodose, à la demande du pape, interdit aux citoyens de posséder des chats. Parce qu’ils vivaient la nuit et avaient une sexualité bruyante, ces félins étaient associés à la dépravation et à la sorcellerie, donc systématiquement massacrés lors de fêtes dédiées à leur mise à mort : ainsi, à la Saint-Jean, les bons chrétiens devaient capturer les chats et les jeter vivants dans un grand bûcher installé sur la place centrale.

Lors de l’épidémie de peste noire qui ravagea la moitié de l’Europe en 1347-1352, les communautés juives (qui, logiquement, étaient les seules à posséder encore des chats puisque cela ne leur était pas interdit) furent proportionnellement beaucoup plus épargnées. Et pour cause, les félins faisaient fuir les rats qui diffusaient l’épidémie. Comme personne n’avait encore fait le lien entre ces derniers et la peste, cela parut suspect et des groupes de fanatiques à la recherche de boucs émissaires massacrèrent les juifs.

En 1484, le pape Innocent VIII promulgua un édit enjoignant de tuer un maximum de chats, car ils étaient censés être la forme que prenait le diable pour se camoufler sur terre.

En Angleterre, sous le règne de Marie Tudor, les chats, considérés comme le symbole de l’hérésie protestante, étaient sacrifiés sur de grands bûchers, tandis que, à l’époque de la reine Élisabeth, ils subirent le même sort en tant que symboles de l’hérésie catholique.

Au Moyen Âge, le chat était un bien de consommation : en Espagne, le rôti de chat était un plat très raffiné et, en Europe du Nord, on confectionnait des couvertures, des coussins et des manteaux en peau de chat.

En 1665, se répandit la deuxième grande épidémie de peste qui allait ravager l’Europe. Elle survint après une grande campagne d’élimination des chats lancée à Londres.

La dédiabolisation officielle des chats par le Vatican se produisit cent ans plus tard. Les Chrétiens furent enfin autorisés à posséder des félins sans risquer d’être excommuniés. Et ce ne fut qu’en 1894 que le bactériologiste Alexandre Yersin découvrit que la peste avait pour origine un bacille transmis par les puces des rats, qu’on nomma plus tard Yersinia pestis.

En 2019, le chat se trouve être l’animal de compagnie préféré des Français (on en compte plus de 10 millions, soit un tiers plus que de chiens). Les maires de certaines grandes villes comme Rome ou Jérusalem ont laissé les chats non domestiqués errer et se reproduire sans le moindre contrôle dans les rues et les jardins, afin qu’ils empêchent la prolifération des rats. Ces deux cités ont ainsi atteint 2 000 chats en liberté au kilomètre carré, contre une très faible présence de rats.

(Encyclopédie su Savoir Relatif et Absolu. Volume XII. Par Bernard Werber, Sa majesté des chats).

Voir aussi :

Un fille et son maître. Image : Bing.
Une fille et son maître. Image : Bing.

Laisser un commentaire