Le nom de « castor » au Québec, son utilisation et ses origines
Au moment de la colonisation en Nouvelle-France, le commerce de sa fourrure fait du castor la première ressource naturelle du pays. Sa réputation d’ingénieur de la nature, en raison de la complexité des travaux de construction de sa hutte et des barrages qu’il érige, l’élève au titre d’emblème national et lui vaut d’apparaître sur les pièces canadiennes de cinq cents. Réparti abondamment sur tout le territoire, il est normal que son nom se soit propagé à travers la toponymie de nombreux lieux géographiques.
Déjà au XVIIe siècle, on retrouve l’île aux Castors dans les îles de Berthier. Dans son « Lexique de la langue iroquoise (1883), Jean-André Cuoq écrit que Hochelaga vient du mot « hochalayé » qui signifie « chaussée des castors ».
Aujourd’hui, on dénombre près de 500 entités dont le nom officiel évoque le castor. De ce nombre 325 sont des lacs et des étangs que l’on nomme indifféremment Castor(s), à Castor, au(x) Castor(s), du Castor, de (des) Castor (s), Beaver, du Beaver, Amisk, Amisku ou Amiskw, selon que l’on parle le français, l’anglais ou une langue amérindienne. Pour contrer la banalité, on a cependant cru bon de particulariser son nom en fonction de sa couleur (Castor Blanc, Noir), de sa taille (Grand, Gros, Petit Castor, Castor Gras, Maigre), de son aspect (Castor Solitaire, Makamik, Macamik – castor informe ou malade -, Patamisk – castor d’environ deux ans -, de ses membres (Queue de Castor, Amiskw Amistaywat – castor à la queue coupée – , Rognon de Castor, Tête de Castor), de nom nombre Amichetich Amiskuch ou Amiskumatawaw – là où il y a beaucoup de castors -, Castor Disparu, Trois Castors, Cinq Castors), de ses activités (Amiskw Kamatrakaskote – où un castor se promène sur la plage -, Barrage de Castor, Écluse de Castor, Huttes de Castor) ou encor de son environnement (Herbe à Castor, Île au Castor, Pré aux Castors). On dénombre également 309 lacs ayant pour déterminant Castor, mais qui constituent des variantes toponymiques d’autres appellations.
Lac Castor et ses environs
Le lac Castor, d’une superficie de 0,5 kilomètres carrés, se trouve dans le secteur de Marchand de la ville de Rivière-Rouge, à 5 kilomètres au sud de L’Annonciation dans la région des Laurentides. Région fréquentée depuis depuis longtemps par les villégiateurs, on y retrouve sous l’appellation de Lac-Castor dès 1909, un bureau de poste d’été pour desservir les résidents. Ce dernier fermera toutefois ses portes en 1956, mais le nom demeurera pour y désigner le regroupement de maisons. Depuis le début du siècle, le lac a été dénommé de différentes façons. En 1911, une carte régionale indique le nom « Lac aux Castors ». En 1920, la carte du canton de Marchand donne la forme « Petit Lac aux Castors ». À partir de 1930, les cartes utiliseront le nom qu’on lui connaît aujourd’hui. Il tient son appellation de la présence sur ce lac de ce mammifère rongeur, remarquable par sa queue plate et son pelage recherché des fourreurs.
Mont le Chapeau de Castor
Le Chapeau de Castor est un mont qui s’élève à une hauteur de 350 mètres dans la municipalité de Saint-Christine-D’Auvergne et qui est situé à 20 kilomètres au sud-ouest de Saint-Raymond, dans la région de Portneuf. Adopté en 1981 par la Commission de toponymie, à la suite d’une enquête toponymique effectuée localement, le nom de cette entité orographique est vraisemblablement de nature métaphorique. Il fait allusion à ce chapeau en feutre comportant du poil de castor, appelé aussi tuyau de castor, très à la mode en Europe au XVIIe siècle, ce qui a constitué l’élément déclencheur de la grande aventure de la traite des fourrures en Nouvelle-France. En France, on disait simplement castor en parlant de ce chapeau.
Lieu-dit la Chaussée-de-Castors
Sur le parcours de la Petite rivière Noire qui arrose la partie nord-est du territoire de la municipalité de la paroisse de Saint-Fabien-de-Panet, à une cinquantaine de kilomètres au sud-est de Montmagny, se situe le lieu-dit de la Chaussée-de-Castors. Utilisé surtout par les pêcheurs, ce nom de lieu, officiel depuis 1978, révèle la présence d’un habitat de castors.
Lorsqu’une colonie de castors entreprend de s’installer quelque part, elle construit d’abord un barrage, ou une chaussée, constitué de perches, de blocs de pierre, de racines, de mottes gazonnées et de boue, à travers un étranglement de cours d’eau. Les castors choisissent les lieux où le courant est plus rapide et où la nappe d’eau qui se formera, en amont, donnera accès d’abondantes provisions. Un barrage de castors peut mesurer jusqu’à 45 mètres de longueur, 2 mètres de hauteur et 2,8 mètres d’épaisseur à la base. Reposant sur une assise de perches et de branches submergées, la hutte se situe en bordure de l’eau profonde. Les castors mettent un mois, en automne, à construire un abri qu’ils habitent souvent plusieurs années. Il faut croire que cette chaussée de castors fut assez importante pour qu’un endroit, fût-ce un lieu-dit, soit désigné par cette expression.
Hameau de Ruisseau-Castor
Ruisseau-Castor est un hameau gaspésien situé à 13 kilomètres à l’est – nord – est de Sainte-Anne-des-Monts dans la municipalité de Tourelle. Aujourd’hui habité par une quarantaine de personnes, son économie a périclité depuis que le moulin à scie a cessé ses activités en 1945 et que la pêche ne s’y fait plus depuis 1963. Un bureau de poste sous ce nom fut ouvert de 1903 à 1917 et de 1930 à 1967. Le cours d’eau, identifié par Ruisseau-Castor sur la carte d’Eugène Taché (1870), prend sa source à une douzaine de kilomètres au sud dans le petit lac du Curé, à plus de 410 mètres d’altitude. Dans les cascades coupant son parcours, des castors construisent suffisamment de barrages et y viennent assez nombreux pour influer sur le débit du cours d’eau. D’où le nom attribué au ruisseau, puis au hameau.
Macamic
Le mot « macamic » signifie « castor infirme ou malade » en langues amérindiennes. La ville de Macamic, presque contemporaine de la municipalité de paroisse qui la circonscrit de toutes parts, a vu le jour en 1919 à titre de municipalité de village, statut qui devait être modifié en 1955. Cette localité forestière et agricole du nord de la région abitibienne demeure un carrefour routier important vers La Sarre, au nord – ouest, Rouyn-Noranda, au Sud, et Val-d’Or, au sud-est, dont elle est distante de 146 kilomètres. Les Macamicois tirent leur subsistance principalement de l’industrie laitière et œuvrent surtout dans le domaine du bois (scierie).
Lac Patamisk
Le mot Patamisk signifie « castor d’environ deux ans d’âge). Le lac Patamisk fait partie du territoire de la région de la baie James. L’explorateur Albert Peter Low indiquait en 1895 qu’il s’agissait de la plus grande nappe d’eau traversée entre la rivière Eastmain et le poste de Nichicun (Ntchequon). Il s’étale en effet sur 40 kilomètres carrés, qui se répartissent dans de grandes baies profondes. La nappe principale est parsemée de grandes îles et presqu’îles, qui cachent les véritables formes du lac. Des rangées de collines dominent le paysage environnant d’une centaine de mètres ; elles sont ceinturées de vallées irrégulières, où s’insèrent de nombreux petits lacs. Les eaux limpides du lac Patamisk se déversent dans le ruisseau du Grand Portage, tributaire de la rivière Eastmain. Ce toponyme d’origine crie est, selon le père Joseph-Étienne Guinard, le nom que l’on donne à une jeune castor âgé d’environ deux ans.
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