La baudroie, piège vivant des eaux canadiennes : Une immense gueule surmontée d’une ligne et d’un appât
La Lune brille sur le golfe Saint-Laurent. Et la baudroie, tout doucement, s’approche d’une mouette endormie sur la surface de l’eau. Vous devinez le drame qui va se jouer ?
La baudroie est si flasque que, déposée sur le fond de l’eau, elle s’étale ou point d’être à peine plus épaisse qu’une raie. On peut la voir attirant un canard sauvage grâce à l’appât naturel qu’elle possède au-dessus de son immense gueule. Quand l’oiseau sera assez près, elle l’enfournera.
L’oiseau connu sous le nom de plongeon à collier (huard des Canadiens) nageait tout doucement sur l’eau du golfe… Mais voici qu’issue des profondeurs marines, la baudroie monstrueuse, qui peut avaler des proies aussi grosses qu’elle, l’a brusquement attaqué. L’issue de la bataille n’est pas douteuse…
Voici, et de beaucoup, l’un des poissons les plus bizarres de nos eaux canadiennes. Il s’agit de la baudroie, monstre marin que l’on peut trouver dans le golfe Saint-Laurent. Citons ici M Claude Melançon, qui en parle dans son beau livre, « Les poissons de nos eaux » (Granger frères, éditeurs).
« À première vue, c’est une immense gueule au bout d’un corps qui s’amenuise vers la queue et portait hors de proportion avec la tête, énorme. Mais ce corps est très logeable: on a trouvé dans un seul individu sept canards sauvages. L’imagination populaire a surtout été frappée par une lanière chaireuse mobile que possède cet étrange poisson : la ligne et l’appât du poisson pêcheur.
Enfoncée dans la vase, cachée par les algues ou une pierre, elle ne laisse dépasser que sa ligne appâtée, c’est-à-dire le filament chaireux, qu’elle fait osciller doucement tout en surveillant les environs. Immobile, son corpos mimétique confondu avec le milieu, elle guette les allées et venues des poissons en maraude dans son domaine. Lorsqu’une victime saisit l’appât ou en approche trop près, elle ouvre la gueule et l’entourne.
En Europe la Baudroie est considérée comme un poisson excellent, à chair blanche et savoureuse, sans arêtes. Il s’en vend chaque année plusieurs centaines de mille livres à un prix très inférieur à celui commandé par la Morue.
Mas la Baudroie est surtout une curiosité naturelle, un de ces objets d’émerveillement que le Créateur a multipliés en témoignage de Sa puissance infinie et peut-être de Son humour exquis. »
(Publié dans le Petit Journal, octobre 1937) .
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