
Repousser un ours polaire à mains nues
En 2006, une femme québécoise fit preuve d’une bravoure inégalée lorsqu’elle s’interposa entre un ours polaire et trois jeunes garçons, dont son fils. Le 8 février 2006, à Ivujuvik, un village situé sur la pointe nord de la province, Lydia Angiyou marchait, accompagnée de son fils âgé de sept ans et de deux de ses neveux. Le groupe passait tranquillement devant la maison de ceux-ci, en direction du domicile de la mère de Lydia. Celle-ci marchait légèrement en tête, laissant les jeunes garçons s’amuser entre eux derrière elle. Tout à coup, l’un de ses neveux attira son attention. Il lui dit qu’un loup les suivait de près.
Lydia se retourna promptement, et ce qu’elle vit l’horrifia : ce n’était pas un loup, mais plutôt un ours polaire massif, d’environ 320 kg qui les suivait. Pire encore : il ne se trouvait qu’à quelques mètres de distance de son fils. La femme, âgée de 41 ans et mesurant à peine 1,55 m, était terrorisée. L’un des plus grands carnivores terrestres se trouvait à proximité de son fils et pouvait l’abattre d’un simple coup de patte, à tout moment. « Mon fils, mon fils va se faire tuer, et je ne peux rien y faire », se disait-elle, dévastée. Il y avait cependant bel et bien quelque chose qu’elle pouvait faire, ce qu’elle comprit rapidement : s’interposer entre le garçon et la bête. Lydia se mit alors à hurler de toutes ses forces, dans l’espoir d’effrayer l’ours. Malheureusement, l’animal ne broncha pas.
Il n’y avait plus qu’une chose à faire : se servir de son corps comme rempart entre l’ours et les enfants. Lydia se précipita donc au-devant des garçons, tout en criant et en gesticulant. L’ours, qui était probablement affamé et avait pris les jeunes comme proies, vit en elle une adversaire.
Se sentant attaqué, il se leva sur ses pattes arrière, en position de combat. Il dominait, en hauteur et en largeur, le petit bout de femme qui s’en était pris à lui. Lydia se retourna brièvement et vit que son fils et ses neveux avaient pu se mettre en sécurité. Elle réalisa alors le danger qui la guettait. Elle tenta de reculer, de se mettre hors d’atteinte de l’ours. Voyant que celle qui lui avait volé son dîner tentait de fuir, la bête décida alors d’attaquer. Lydia fut propulsée au sol, sur le dos, après avoir reçu un lord coup de patte au visage et à l’épaule. Assommée, elle n’eut pas le temps de se protéger le visage que l’ours le frappait à nouveau, cette fois sous le nez. Elle devait réagir avant qu’il ne réussisse à lui infliger de graves blessures à la tête. Elle profita de sa position au sol pour marteler la poitrine et la tête de l’animal de coups de pied. Celui-ci fut légèrement déconcerté de la contre-attaque de sa victime, mais revint vite à la charge. À cet instant, Lydia croyait que son heure était venue, que l’ours polaire la déchiquetterait comme une simple poupée de chiffon. Terrorisée, elle perdit connaissance.
Lorsqu’elle revint à elle, la tête blanche de l’ours polaire se trouvait toujours au-dessus de la sienne. Il n’en avait pas fini avec elle. Pendant ce temps, l’un de ses neveux avait alerté un villageois, Siqualuk Ainalik, l’avertissant qu’un lors polaire s’était aventuré dans le village d’Ivujuvik et qu’il menaçait maintenant sa tante. Siqualuk courut à la maison de son frère, non loin, et s’empara d’un fusil de calibre .303. De son point de vue, il ne pouvait apercevoir qu’une silhouette humaine en train de lutter au sol avec l’ours. Il n’osa donc pas tirer en direction de la bête, de peur de blesser accidentellement la victime. Il tira donc un coup de feu en l’air. Puis deux, puis trois, Lydia vit alors enfin la bête s’éloigner d’elle. Or, l’ours n’avait pas été effrayé par les coups de feu, contrairement à ce qu’espérait Siqualuk ; il avait simplement changé de cible et se dirigeait de façon menaçante vers l’homme.
Lydia profita du fait que l’attention de l’ours n’était plus portée sur elle pour s’enfouir. Voyant que la femme était hors de danger, Siqualuk n’hésita pas plus longtemps à faire feu sur l’animal. Il tira quatre balles dans le corps de l’ours, qui finit par s’effondrer. L’homme se rendit prudemment auprès de la bête pour vérifier si elle était toujours en vie. Un sentiment de soulagement l’envahit lorsqu’il vit qu’elle était bel et bien morte. Il s’assura alors de l’état de Lydia. Cette dernière était couverte de sang et visiblement en état de choc mais, heureusement pour elle, elle ne ressortit de son affrontement avec l’ours qu’avec des blessures mineurs au visage.
(Extrait du livre Les héros du Québec, par Thomas-Charles Vachon et Éloïse Trinel. Les éditions Caractère Inc. 2014).
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