Être infirmière au Québec

Être infirmière au Québec

La formation en sciences infirmières évolue constamment pour mieux répondre aux besoins de plus en plus complexes des patients.

Il fut un temps pas si lointain où les apprenties infirmières apprenaient à border convenablement un lit. Ce temps-là est bel et bien révolu, n’en doutez pas un instant. À l’ère du virage ambulatoire, du développement des technologies de pointe en santé, de la multiplication des maladies chroniques et de l’importance des problèmes de santé mentale, l’infirmière est confrontée quotidiennement à des situations complexes et inédites.

« L’infirmière est souvent la première à évaluer la santé globale du patient. Et elle est souvent seule », souligne Johanne Goudreau (sciences infirmières 1974), vice-doyenne aux études de premier cycle et à la formation continue à la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal. Le chirurgien se trouve rarement au bout du corridor, comme c’est le cas dans la série télévisée Trauma.

Mme Goudreau se rappelle cette femme de 37 ans qui avait subi l’ablation d’un sein à la suite d’un cancer. De retour à la maison après 48 heures, elle avait reçu la visite de l’infirmière chargée de vérifier l’évolution de la plaie et de changer le pansement. Au détour de la conversation, l’infirmière a appris que la patiente et son mari n’avaient pas échangé un seul mot sur l’impact de cette chirurgie sur leur vie et sur celle de leurs deux jeunes enfants. De fait, la patiente avait l’air passablement déprimée.

Votre consigne officielle, c’est de refaire le pansement. Mais il y a possiblement des choses tout aussi importantes à surveiller.

On l’a compris, l’infirmière ne se contente pas de prendre les signes vitaux et de les transcrire sur une feuille. La profession évolue et les nouvelles infirmières doivent être bien outillées pour relever les défis d’aujourd’hui. Ce n’est pas un hasard si, en décembre 2011, l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec adoptait des nouvelles normes de formation continue obligatoire en fixant un seuil de 20 heures par année.

D’ailleurs, le patient a lui aussi évolué et il est de mieux en mieux informé. Il navigue sur Internet et pose volontiers ses questions au personnel soignant.

Pour sa part, dès 2004, la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal  a procédé à une révision majeure de son programme de baccalauréat. S’appuyant jusque-là sur des cours de type magistral et reléguant les laboratoires et les stages en fin de parcours, le programme privilégie désormais l’intégration systématique des laboratoires, des stages et de la formation théorique, et cela, dès le début du baccalauréat. Les étudiantes mettent ainsi rapidement en pratique les notions apprises en classe ; de plus, celles qui ne sont pas à leur place s’en rendent compte rapidement.

« On le sait à présent, l’apprentissage se construit autour de connaissances déjà acquises, rappelle Mme Goudreau. Ainsi, à la rentrée, les nouvelles étudiantes se penchent sur un cas d’hypertension, problème dont la grande majorité a entendu parler dans son entourage. Les étudiantes se familiarisent ensuite avec le système cardiorespiratoire, les signes vitaux, l’auscultation. Vidéos et simulations avec d’autres étudiantes sont au menu, mais c’est lorsqu’elles manipuleront un des mannequins “haute fidélité” de la faculté qu’elles seront plongées dans le réel. »

Introduits à la faculté en 2006, ces mannequins simulateurs de patients parlent, pleurent, ronflent, réagissent à une mauvaise médication, font des bruits de gorge ou d’estomac s’ils ont faim. Ils peuvent aussi être réanimés.

Installés dans un décor reproduisant une chambre d’établissement hospitalier, ces mannequins, contrôlés par ordinateur, font, avec raison, la fierté de la faculté.

« Ils sont tellement vrais qu’il arrive que des étudiantes ayant commis des erreurs pleurent après leur cours », observe Haj Mohammed Abdad, responsable de la formation professionnelle. Les futures infirmières sont ainsi placées devant une variété de situations que le stage en milieu hospitalier ne leur aurait pas nécessairement permis.

Elles savent qu’elles exécuteront un nombre croissant de tâches. C’est le cas dans certaines urgences, où l’infirmière affectée au triage qui reçoit un patient avec une cheville « grosse comme ça » peut organiser une prise de radiographies sans que le blessé attende trois heures et demie avant de rencontrer le médecin qui l’enverra… à la radiographie.

Les infirmières peuvent aussi, dans quelques régions, renouveler des ordonnances. Est-il nécessaire par exemple que la jeune fille qui veut renouveler son ordonnance de pilule anticonceptionnelle patiente pour voir un médecin trop occupé ? s’interroge Johanne Goudreau.

Engouement pour la profession

Le projet de loi no 90 encadrant la profession d’infirmière prévoit 14 actes réservés, en commençant par l’évaluation de la santé du patient. À cette mission générale s’ajoutent des tâches particulières ainsi que certains actes médicaux – diagnostics et ordonnances – pour les infirmières praticiennes spécialisées. Quelque 130 infirmières portent ce titre au Québec.

La province compte actuellement 72 000 infirmières… et elles seront des milliers à prendre leur retraite dans les années qui viennent. Les besoins en personnel infirmier sont immenses. La faculté fait largement sa part, puisque le nombre de nouvelles étudiantes est passé de 145 en 2004 à plus de 300 aujourd’hui. De plus, 94 étudiantes ont commencé un programme de baccalauréat au campus de l’UdeM à Laval en septembre dernier, suivies de 86 autres en janvier. Et un nombre significatif de ces étudiantes s’initieront à la recherche, en pleine effervescence à la faculté.

Tout ce mouvement autour d’une profession qui redéfinit sa place dans le réseau a toujours un seul objectif, mieux soigner le patient et sa famille. Et l’infirmière est souvent au centre de cet engagement de connaître.

Paule de Rivières. (Publié dans la revue Les Diplômés, printemps 2012. Toute reproduction est autorisée à condition de mentionner la source et les auteurs).

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Lorsqu’elles rencontrent les vrais patients, les infirmières de la faculté sont prêtes à faire face à toute la gamme des situations. Source de la photographie : Les Diplômés.

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