Voleurs d’autos et fraudeurs au Québec

L’inefficacité du B.V.A.Q. laisse le champ presque libre aux fraudeurs et voleurs d’autos au Québec

Fraudeurs et voleurs d’autos : Le Bureau des véhicules automobiles du Québec a perdu le contrôle de son administration. Cette situation a grandement facilité la tâche des malfaiteurs. L’an dernier, ils ont fraudé les assureurs pour une somme évaluée à quelque $50 millions. Ce montant ne tient pas compte des sommes qui l’on n’a pas versées au trésor public en raison du laisser-aller général du B.V.A.Q.

Cet organisme gouvernemental, malgré un budget d’opérations de près de $10 millions, n’était pas en mesure l’an dernier d’identifier correctement tous les véhicules qui circulaient sur le territoire québécois. Un document confidentiel, rédigé à la demande du Conseil du trésor par une firme spécialisée (CGI inc.), démontre clairement l’état dans lequel se trouve l’administration du B.V.A.Q. Selon ce rapport, on ne pourra redresser la situation complètement avant l’année 1981.

LA PRESSE a pu, par le biais d’une source gouvernementale, consulter ce document.

Le journal signale, entre autres, les anomalies suivantes :

  • L’immatriculation de 1979 a entraîné le traitement de 3,900,000 transactions. Dont 874,000 ont été jugées invalides par le système informatique.
  • Au 1er septembre 1979, cinq mois après l’opération d’immatriculation, 671,231 transactions n’étaient toujours pas corrigées. Donc inaccessibles à la police pour les vérifications.
  • Au total, 20 pour cent des dossiers du fichier erronés.
  • Le B.V.A.Q. n’avait pas effectué plus de 100,000 remboursements au public.
  • On n’a pas traité trois millions des transactions financières. On n’a pas fait la comptabilisation des $550 millions encaissés à cette date. Même on n’a pas déterminé la provenance des fonds.
  • On n’avait pas fait les recouvrements pour un montant d’environ $5 millions consécutifs à des erreurs de facturation.
  • On n’avait donc logé aucune demande de retrait auprès de la Sûreté du Québec au sujet d’immatriculations payées à l’aide d’effets bancaires sans provisions.
  • On n’a pas étanché le contrôle effectué sur l’inventaire des quelque deux millions de plaques d’immatriculation distribuées dans les Caisses populaires.

Selon les informations recueillies au ministère des Transports, il appert que c’est le ministre des Finances lui-même qui avait commandé ce rapport. Il s’inquiétait alors du rendement financier de son organisme.

La firme d’experts a signalé que l’on ne pouvait redresser cette situation avant 1981. Par ailleurs, on ne peut préciser les sommes englouties par ce laisser-aller. En fait, on doit complètement tout le système informatique du B.V.A.Q. Cette réorganisation, en plus de permettre au trésor public de récupérer des sommes considérables, permettrait de plus une réduction du budget au B.V.A.Q. de l’ordre de $6 millions de dollars, tout en le rendant de beaucoup plus efficace.

Le redressement

Le rapport commandé par le Conseil du trésor conclut que la situation au B.V.A.Q. est à ce point lamentable que des changements radicaux s’imposent. Tout est à refaire : « Certaines déficiences sont si fondamentales qu’il est difficile de développer des recommandations au niveau des opérations», précise le document.

Depuis la rédaction de ce rapport, le ministère des Transports a procédé à de premiers changements. D’abord, le directeur du service a été changé. M. Guy Laberge a succédé à M. Ghislain-K. Laflamme. Interrogé par La Presse , M. Laberge a déclaré: « La réévaluation d’un système ne se fait pas en quelques mois; mais nous croyons être en mesure d’annoncer d’importantes nouvelles au cours du mois d’octobre.»

Le nouveau directeur du B.V.A.Q. a refusé de commenter davantage les informations parues dans le rapport commandé par le Conseil du trésor, se contentant d’affirmer qu’une conférence de presse serait bientôt donnée par son bureau.

Les fraudeurs et voleurs d’autos

Dans cette confusion, les fraudeurs pouvaient donc — et peuvent toujours — immatriculer n’importe quel véhicule. Accidenté ou pas, volé ou pas, avec la complicité de n’importe qui. Sans que le B.V.A.Q. ne soit en mesure de réagir immédiatement. Les documents de transactions offerts par le B.V.A.Q. accessibles à tous dans les bureaux et les concessionnaires.

La Sûreté du Québec a récemment mis à jour un réseau de fraudeurs. Celui-ci avait utilisé plus d’une cinquantaine de formulaires d’immatriculation volés chez un concessionnaire. Ce réseau avait facilement trompé la vigilance du B.V.A.Q. En fait, le B.V.A.Q. enregistre les transactions plusieurs mois après leur réalisation.

L’an dernier, on avait signalé 27,000 vols d’automobiles. Près du tiers de ces délits n’étaient que des vols simulés par les propriétaires. En effet, ils trompaient leurs assureurs. Des voitures neuves et usagées disparaissaient chez les ferrailleurs malhonnêtes par les procédés les plus variés. – Voitures volées avec fausses immatriculations, propriétaires complices, accidents simulés, etc.

Au total, on n’avait pas retrouvé quelque 10.000 véhicules, évalués à quelque $50 millions. Les assureurs — assurés aussi payaient donc la note.

Les fraudeurs, qu’il s’agisse de propriétaires malhonnêtes où de voleurs professionnels, ont tout le temps d’agir. Assurant peu de surveillance au niveau des transactions effectuées chez les concessionnaires ou chez les ferrailleurs, le ministère des Transports ajouté à l’inertie du B.V.A.Q. face au crime, le rendant plus facile à commettre.

Les policiers des différents corps agissant au Québec ne peuvent pas recourir facilement, dans de brefs délais, aux informations que devrait normalement leur fournir le B.V.A.Q.

PERTES DE $50 MILLIONS L’AN DERNIER : Un fléau qui ne cesse de grandir

«Les vols simulés d’automobiles et l’utilisation de fausses immatriculations constituent un véritable fléau. Les assureurs paient la note et le phénomène grandit.»

Le responsable de la section des vols d’autos à la Sûreté du Québec à Montréal, le sergent Marcel Comtois, a fait cette déclaration à La Presse au cours d’une entrevue. Il a précisé que son escouade entreprenait immédiatement une vaste opération. Cela dans le but d’identifier les fraudes commises à l’aide de fausses représentations auprès des assureurs et de l’utilisation de fausses immatriculations. Au cours des prochaines semaines, on scrutera minutieusement soixante plaintes de vols enregistrées à Montréal. On interrogera les plaignants, de même que leur entourage. On utilisera le polygraphe, etc.

Les méthodes des voleurs d’autos

Il est beaucoup trop facile d’immatriculer un véhicule au Québec. Les formulaires utilisés (SVIT) sont disponibles et non contrôlés. En fait, on peut enregistrer à peu près n’importe quoi sous de fausses représentations, même un véhicule volé.

Le policier donne un exemple: «On vient de porter des accusations contre un jeune homme qui avait immatriculé un véhicule précédemment volé par un autre. II avait payé sa «Trans Am » 1980 la modique somme $4,000. Trois semaines plus tard, il l’a déclaré volée et toucha près de $10,000 de son assureur. Ce n’est que par le biais d’une perquisition chez un ferrailleur que nous avons pu identifier la voiture. Le jeune homme s’en était tout simplement débarrassée.»

Le ferrailleur, ou encore le concessionnaire de voitures usagées, ne font pas l’objet d’une surveillance soutenue de la part du ministère des Transports: peu ou pas de comptabilité, pas de compte bancaire, pas de pièces justificatives donnant les détails d’une vente.

Depuis le début de l’année, la SQ a procédé, dans la région de Montréal, à quatre perquisitions importantes qui leur a permis de retracer 300 véhicules impliqués dans ce genre de fraude.

La refonte du code de la route, que l’on doit proposer à l’Assemblée nationale cet automne, prévoit une législation plus sévère pour les ferrailleurs. Ils devront tenir un fichier complet de toutes leurs transactions. Ce fichier est obligatoire. Le B.V.A.Q ou les agents de la paix pourront le consulter.

La question se pose : le B.V.A.Q. est-il en mesure d’administrer une telle législation ?

(Cet article date du 4 octobre 1980).

Voir aussi :

Voleurs d'autos Les vols d'autos non résolus représentent, selon les analyses policières qui s'appuient sur les études des groupes d'assureurs, le tiers de tous les vols rapportés.
Les vols d’autos non résolus représentent, selon les analyses policières qui s’appuient sur les études des groupes d’assureurs, le tiers de tous les vols rapportés.

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