
Hydro-Québec a 50 ans
Un grand colloque à l’Université du Québec à Montréal s’est tenu pour marquer le cinquantième anniversaire d’Hydro-Québec. S’agit-il de la naissance de la multinationale de l’électricité ou d’un symbole de l’identité québécoise?
La confusion des deux chapeaux d’Hydro-Québec n’est pas nouvelle, ni ne remonte à l’historique nationalisation de 1962, orchestrée par René Lévesque sur un air de « Maîtres chez nous! ».
Électrification rurale de Duplessis – Électeur, électrice, électricité!, aimait il lancer à ses auditoires – nationalisation de Lévesque, mort de Daniel Johnson père sur les lieux de chantier de Manic 5, projet du siècle de Bourassa… c’est toute l’histoire politique contemporaine du Québec qui s’est écrite sur les pylônes d’Hydro-Québec.
Claude Bellavance, historien de Trois-Rivières, fait même remonter l’affaire au tout début de notre siècle. « Hydro-Québec, dit-il, est associée à un mouvement de réappropriation progressive d’un important pan du patrimoine collectif. On oublie trop facilement que la nationalisation de 1962 fut précédée de celle de 1944, alors que le Québec expropriait la Montreal Light and Power et autres compagnies privées de la région métropolitaine. Le tout à la faveur d’un mouvement nationaliste économique remontant aux années 1920, avec Mainville et Montpetit, les ténors des Hautes Études Commerciales. »
« Tout au long du processus, la volonté des élites locales d’occuper le champ économique est inscrite au cœur même de l’aventure électrique du Québec. Ce statut de symbole national devait connaître son âge d’or dans les années 1970, quand on chantait La Manic avec Georges Dor. Hydro-Québec sera-t-elle encore longtemps le symbole de l’identité collective? Tout dépend de ce qu’on en fera mais aussi des contraintes extérieures, surtout du chambardement radical de la situation économique mondiale. Force motrice à l’heure de l’industrialisation, l’électricité peut-elle jouer un rôle aussi primordial dans une société post-industrielle? » se demande M. Bellavance, en précisant que l’historien redevient ici simple citoyen.
Le sociologue Jean-Jacques Simard, participant aussi au supercolloque de l’UQAM, invite à distinguer entre image et symbole.
« L’image s’est la perception que les autres ont de nous. On peut améliorer ou corriger son image, comme l’a fait Hydro-Québec, bien mieux vue aujourd’hui qu’à l’heure de l’épidémie de pannes des années 1980.
« Si l’image dépend de la conjoncture, le symbole est plus profond, inscrit dans la structure même de son identité, individuelle ou collective. De par sa nature, le symbole rend visible ce qui ne l’est pas, compréhensible ce qui ne l’était pas. Ce n’est pas Hydro-Québec qui a choisi de devenir un symbole, mais les Québécois qui lui ont conféré ce statut.
« Deux raisons ont amené les Québécois à faire d’Hydro-Québec un symbole national. Tout d’abord, la nature même de l’électricité, qui relevait de la magie et du mystère. En plus d’être mystérieuse et magique, l’électricité était aux mains des Anglais, plus particulièrement de compagnies dénommées Powers, symbole donc de l’aliénation et de l’exploitation des francophones.
« En maintenant l’électricité, surtout à partir de la Manic, conçue et réalisée par les leurs, des ouvriers aux ingénieurs, les Québécois entraient dans la modernité et devenaient même les Américains du Canada, lorsqu’ils construisaient la centrale du Churchill Falls pour le compte des Terre-Neuviens.
L’avenir
C’est le 14 avril 1944 qu’était sanctionnée la loi expropriant les compagnies privées de Montréal et les remplaçant par la Commission hydroélectrique de Québec, en abrégé, Hudro-Québec.
Hydro a démontré qu’elle savait faire et distribuer l’électricité. Faut-il produire plus ou consommer moins, favoriser le méga ou le mégawatt? La création d’emplois et les secteurs de pointe se sont-ils déplacés de la production à la conservation de l’énergie?
Comment s’approprier les ressources du Nord sans heurter les premiers habitants de ce territoire? Comment éviter de laver notre linge sale chez les étrangers comme Québécois et autochtones le font depuis une décennie?
Comment produire et distribuer de l’électricité au meilleur coût, tel que stipulé dans le mandat d’Hydro-Québec, quand le gouvernement du Québec siphonne, directement ou par le biais de taxes perverses, sa compagnie d’électricité? Le compte à rebours de la privatisation a-t-il sonné?
Posée ou pas posée, cette question nous hantera jusqu’à la fin du siècle électrique. Un destin inscrit dans l’insigne arboré par Hydro-Québec depuis 50 ans : d’un cercle évoquant le soleil jaillit un éclair d’énergie électrique, le tout formant la lettre Q du peuple québécois.
(Texte publié le 19 mars 1994)

Identité visuelle d’Hydro-Québec. Image libre de droits.
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