Les Québécois ont-ils la bosse des affaires ?
Les Québécois francophones n’ont pas la bosse des affaires, a-t-on longtemps répété. Pendant que les Anglais s’occupaient de commerce, de finance et d’industrie, les Canadiens français s’engouffraient dans l’entonnoir des professions libérales.
La réalité d’aujourd’hui est plus complexe. Dans les universités, les étudiantes et les étudiants québécois s’inscrivent en masse dans les programmes d’administration.
Bombardier-M.L.W., la Société d’investissements Desjardins, Québec-Lait et bien d’autres témoignent de la capacité des milieux d’affaires québécois de tirer leur épingle du jeu. Chaque mois, la revue Commerce souligne les multiples réussites de la P.M.E. québécoise.
Qu’en est-il en particulier de l’activité entrepreneuriale ?
Au Québec, rapporte Jean-Marie Toulouse dans son livre L’entrepreneurship au Québec, le nombre absolu d’entreprises fondées a triplé environ tous les 10 ans pendant la période allant de 1915 à 1975. En 1982, en pleine récession, il s’est créé 19 629 nouvelles entreprises, soit 3 entreprises par 1000 habitants !
L’esprit pionnier
« Le désir et l’aptitude d’entreprendre sont des caractéristiques fondamentales de ce qu’on appelle « l’esprit pionnier ». Cet esprit d’entreprise n’a certes pas manqué dans l’histoire des Canadiens français depuis leur installations sur ce continent », écrit le professeur Toulouse.
« Pourtant, poursuit-il, le groupe canadien français n’a pas montré par la suite le même dynamisme économique que la collectivité des anglophones, qui furent des artisans plus efficaces du développement industriel et commercial du pays et de sa participation à la révolution économique du XIXe siècle. »
Pourquoi ? La fameuse bosse des affaires ? Jean-Marie Toulouse attaque vigoureusement la thèse qui prétend que cette absence d’entrepreneurship économique tient aux caractéristiques culturelles du groupe québécois.
Premièrement, constate-t-il, l’entrepreneurship québécois s’est manifesté par la création d’entreprises socio-culturelles importantes pour la collectivité, beaucoup plus souvent que par des réalisations appartenant au domaine économique proprement dit.
La Conquête
D’autre part, la Conquête a entraîné l’isolement économique des francophones. Le bouleversement des circuits commerciaux suite au changement de régime, le manque de relations avec la finance internationale de même qu’un incontestable favoritisme administratif au profit des anglophones ont confiné les Canadiens français dans une sorte de ghetto économique. Dès lors, l’engrenage était enclenché. Isolés économiquement, les francophones développent des valeurs qui tendent à minimiser l’importance du fait économique. Le système d’enseignement, reflétant la société, produit des prêtres, des médecins et des avocats.
L’entrepreneurship se manifeste dans la fondation de paroisses, de communautés religieuses, de collèges classiques, d’hospices et d’hôpitaux. Et tout le poids de la structure sociale vient sanctionner l’activité économique et persuader l’entrepreneur qu’il est un être asocial.
« Dans ces conditions, affirme Jean-Marie Toulouse, ce n’est pas le faible nombre d’entrepreneurs qu’il faut souligner, mais, au contraire, il faut s’émerveiller que le groupe canadien-français en ait produit autant. »