C’est l’équinoxe qui déclenche la symphonie des couleurs automnales
L’équinoxe : Connaissez-vous ces dispositifs d’éclairage munis d’une cellule photo-électrique qui, à la tombée du jour, commande l’allumage de lampes et les fait s’éteindre l’aube venue? Eh bien, c’est à un stimulus un
peu semblable que répondent un grand nombre d’arbres de nos forêts. En hâte, et avant le strip-tease final, ils métamorphosent alors leur uniforme vert en une parure tissée non plus de feuilles mais de couleurs, la fête impressionniste commence, mais qui en a donné le signal?
Experts en physiologie végétale expliquent: « Contrairement à ce que beaucoup de gens croient, ce ne sont pas les gelées qui provoquent la coloration des feuilles.
Ce phénomène est plutôt lié à l’équinoxe d’automne, c’est-à-dire cette période de l’année où la durée de la nuit devient plus grande que celle du jour. Or, les arbres à feuilles caduques possèdent un pigment spécial capable de déceler ce changement dans la longueur du jour. Réagissant à ce signal, le pigment « photoélectrique », si l’on peut dire, se met à fabriquer des hormones qui vont déclencher le processus de coloration. »
* L’équinoxe
Lorsqu’elles entrent en action, ces hormones dites abscissines (abscisser signifie couper) agissent sur la synthèse d’auxines, ces autres hormones qui régissent la croissance d’une plante. Cette activité hormonale soudaine, qui résulte en un déséquilibre, se produit plus précisément dans le pétiole, c’est-à-dire ce «bout» de tige qui soude la feuille à la branche et qui sera le lieu de brisure au moment de la chute de la feuille.
Dans le pétiole donc, il y a une zone d’abscission, de coupure, qui reste dormante tout l’été, aussi longtemps en fait que les abscissines sont inactives. Mais quand celles-ci s’éveillent, elles provoquent alors la mort de certaines cellules d’une part, et la division d’un autre type de cellules d’autre part. Cette division cellulaire a pour résultat de bloquer les vaisseaux qui transportent la sève nourricière, mais n’empêche pas cependant le transport de l’eau, ce qui fait que les feuilles ne se fanent pas sur la branche.
Pénurie de métaux, abondance de couleurs
Voilà ! La porte est fermée, la sève ne peut plus passer, les sucres produits par la photosynthèse ne trouvent plus le chemin de la tige, ils s’accumulent dans la feuille, la production de couleurs commence. Mais pour que la polychromie puisse avoir lieu, il faut d’abord que le vert produit par la chlorophylle des feuilles disparaisse du décor. Cela se fait effectivement par l’action de la zone d’abscission évoquée plus haut qui prive les feuilles de fer, de phosphore, de magnésium, etc. Or, le fer et le magnésium venant des racines sont absolument nécessaires à la survie et à la synthèse de la chlorophylle.
Une fois la chlorophylle éliminée, les autres pigments peuvent alors apparaître. Parmi ceux-ci, on trouve l’anthocyane dont la couleur varie du rouge au bleu, en passant par le violet, selon que les cellules qui l’emprisonnent sont acides (on a alors le rouge) ou basiques (dans ce cas, la coloration est plutôt bleue).
L’anthocyane est notamment en évidence dans les feuilles de l’érable rouge, qui porte bien son nom et qu’on trouve en grande quantité dans les Laurentides.
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Chez d’autres essences de feuillus, d’autres types de pigments sont prédominants, soit les xanthophylles, de couleur jaune, et les carotènes, qui peuvent être jaunes ou rouges. La gamme des jaunes dus à la présence de ces pigments va des tons de cuivre chez les feuilles de chêne aux ors éclatants des bouleaux, tous les demis-tons intermédiaires «s’arpégeant» sur les portées des peupliers, des trembles, des érables argentés, etc.
Comme on peut le remarquer chaque année, le processus de coloration des forêts se fait selon une gradation et un rythme relativement constants. Mais il arrive que certains individus du peuple des arbres prennent les devants et annoncent leurs couleurs avant tout le monde, comme pour être certains d’attirer l’attention. Pourquoi cette précocité? Selon les experts, cela tient au fait que ces arbres sont tout simplement victimes de mauvaises conditions de croissance.
* L’équinoxe
Chaque année aussi, il y a de grands oubliés dans cette course aux couleurs: les conifères.
Quelques mots sur eux en terminant, histoire de rétablir certains faits: d’abord, tous les conifères perdent leurs feuilles qui sont en forme d’aiguilles chez la plupart d’entre eux, à l’exception de celles du thuya notamment.
Seulement, cela ne se fait pas à chaque année comme chez les feuillus, c a r i e s feuilles des conifères ont une durée de vie qui varie entre deux et cinq ans et elles ne sont que partiellement renouvelées chaque année. Mais ici encore, le «mouton noir» de la famille fait mentir la règle, car le mélèze se teinte d’un beau jaune tous les ans avant de répandre ses aiguilles au pied de ses rameaux.