Les hivers qu’on avait

Les hivers qu’on avait au Québec – Par Louis-Guy Lemieux

Dans la vallée su Saint-Laurent, l’hiver dure entre 120 et 160 jours. Aussi bien s’y faire.

Chaque hiver nous apporte en moyenne sept pieds de neige (plus de deux mètres). Aussi bien aimer ça. Le nord immédiat de la région de Québec peut se vanter d’être l endroit le plus neigeux au monde (avec le Kamchatka, en Sibérie orientale) : 13 pieds et demi par année (quatre mètres). Aussi bien en profiter.

Les régions de Québec et de Charlevoix sont celles où la neige fond le plus lentement. Ici, la neige demeure de 16 à 18 semaines. Cinq ou six semaines de plus que dans la région de Montréal, selon les années. Pour une fois que Québec surpasse Montréal…

L’hiver de la grande neige

Dans son livre épatant Les quatre saisons dans la vallée du Saint-Laurent (on le trouve encore en librairie et c’est toujours le beau cadeau de Noël), l’historien Jean Provencher raconte « l’hiver de la grande neige ». Nous sommes en 1828-1829. Cette année-là, la neige commença à tomber à la Toussaint et elle ne s’arrêta pas avant les premiers jours du printemps. De la neige tous les jours, sans farce, toutes les régions du Québec furent touchées. Les villes comme es campagnes. Les routes furent bloquées pendant des semaines.

Les chantiers navals, paralysés, les villages, isolés. Les bûcherons en foret n’avaient plus le temps de couper les arbres, tout occupés qu’ils étaient a se frayer un passage dans la neige. On n’avait jamais vu ça. On le reverra peut-être un jour, qui sait ? Pas cette année, en tout cas : la neige vient à peine d’arriver. Et ce sera fini dans quatre petits mois. On n’a plus les hivers qu’on avait.

La plus importante chute de neige rapportée par les documents d’époque serait celle des 17 et 18 janvier 1827. Ce fut paradoxalement dans la région de Montréal, l’une des moins froides au Québec. Il tomba six pieds de neige en 48 heures. Sous l’effet de la tempête, les bancs de neige atteignirent les 15 pieds de hauteur.

À ce sujet, le journaliste Hector Berthelot écrit dans son livre Le bon vieux temps (1924) : « Les villages disparurent littéralement de la surface de la terre, quand les cultivateurs virent la neige, poussée par le vent, s’amonceler jusqu’à la toiture de leurs demeures. Pour faire leur « train », les braves terriens se virent forcés de pratiquer des tunnels depuis leurs maisons jusqu’à la grange. Les bêtes à cornes et les chevaux y allaient et venaient ensuite pour élargir le passage.»

Dans son Bref aperçu climatique du Québec méridional, G.-O. Villeneuve explique pourquoi il neige tant chez nous. C’est que la vallée du Saint-Laurent est le lieu de passage de fréquentes dépressions atmosphériques allant d’ouest en est, des Grands Lacs à l’Atlantique, ou du sud au nord, de la côte est américaine au Labrador.

«Les précipitations hivernales, écrit-il, se produisent quand les cyclones développés dans la partie sud du continent montent vers le Nord-Est à la rencontre des masses d’air polaire venant de l’Ouest. La fréquence de ces cyclones dans la partie nord-est du continent est plus grande que partout ailleurs.»

Des mots pour le nommer

Si le surouét, vent du sud-ouest, marque un réchauffement du temps, le « nordet », lui, annonce les vraies belles tempêtes de neige de janvier et février. Il vient du golfe et des eaux glacées de l’Atlantique. Pour les uns, c’est un fléau, pour d’autres, les sportifs, une bénédiction.

Après la tempête, souffle le noroît (on dit aussi le noroua). C est le vent dominant en hiver. Il est froid et sec. Il est revigorant. C’est la santé. Ceux qui savent le respirer vivent centenaires et plus. Mais pour ça, il faut sortir dehors. L’hiver est la saison pour aller jouer dehors.

L’hiver est aussi la saison des amours chez les mammifères à deux pattes. Et l’un n’empêche par l’autre.

(Texte publié le 22 décembre 1993).

Voir aussi :

Le fleuve gelé en hiver. Photo par Élise Thierry.
Région de Matane en hiver. Photo d’Élise Thierry.

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