Abrupts au Québec

Abrupt, Escarpement, Falaise

(D’après Norman Cazelais, Dictionnaire géographique du Québec, Fides, 2018, pages 19 – 20).

Abrupt ou escarpement sont des mots du vocabulaire usuel. Ces termes désignent une pente raide d’un versant. Dans son roman Maria Chapdelaine, paru en 1913, l’écrivain Louis Hémon a donné cette description des abrupts :

Pour éviter les rochers ou les souches, il grimpa une montée, serpenta sur un plateau au milieu du bois brûlé, laissant un aperçu sur la descente du flanc abrupt, les masses de pierre du rapide, le versant opposé qui devenait plus haut et plus escarpé au-dessus de la route, puis rentrant dans la désolation des arbres couchés à terre et des chicots noircis.

On retrouve de multiples abrupts et escarpements de toutes tailles, de toutes dimensions, dans toutes les régions. À Montréal, par exemple, il y l’abrupt très visible au pied de la rue Saint-Jacques de part et d’autre, notamment, de l’échangeur Turcot.

À Québec, le parc de l’Escarpement se situe en zone résidentielle de chaque côté de l’autoroute Robert-Bourassa. Une aire de jeu pour enfants et une glissade y ont été aménagées. Randonneurs, joggeurs, amateurs de ski de fond et amateurs de vélo de montagne empruntent ces sentiers sur plus de six kilomètres à l’abri des arbres. Nombre d’oiseaux y résident en hiver. La vue sur la ville vaut le déplacement.

L’un des escarpements les plus spectaculaires est certes celui de la chute Montmorency, aisément visible de la route 138 sur la Côte-de-Beaupré et de l’île d’Orléans (sur la route 368). Samuel de Champlain a nommé l’endroit Sault de Montmorency, qui a été l’un des premiers établissements de la vallée du Saint-Laurent. La chute, très impressionnante, dévale 84 mètres avant de rejoindre le fleuve.

D’une superficie d’un kilomètres carré, le parc de la Chute-Montmorency comprend le manoir Montmorency et ses dépendances, des vestiges de moulins et des premières installations hydroélectriques au Québec, des maisons datant du XVIIIe siècle, une redoute britannique reconstituée, une cédrière et, bien sûr, un impressionnant escarpement de schiste partiellement boisé. Une passerelle au sommet de la chute et des belvédères offrent des points de vue sur les environs. Un téléphérique relie le haut et la base de l’escarpement. Le site historique de la Chute-Montmorency a été classé patrimoine du Québec en 1994.

Dans le parc de la Gatineau, l’escarpement d’Eardly domine de 300 mètres la vallée de l’Outaouais ; il constitue la ligne de démarcation géologique entre le Bouclier canadien et les Basses-Terres du Saint-Laurent. S’étirant d’est en ouest sur plus de 30 kilomètres, ce parc abrite un écosystème à la fois riche et fragile, en raison de son microclimat chaud et sec. C’est sur cet escarpement que l’on dénombre le plus d’espace en péril au Québec, une cinquantaine au total. Elles sont essentiellement composées de plantes herbacées et d’arbres tels que le cèdre rouge (ou genévrier de Virginie), le chêne blanc et le noyer cendré. Très rage ailleurs au Québec, le cèdre rouge vit fort longtemps: on y a recensé un individu de quelque 500 ans.

L’hiver, la plupart des cerfs de Virginie du parc se réfugient sur l’escarpement pour se protéger des vents froids.

En algonquin, Kiamika (sur la route 309), dans les Hautes-Laurentides, voudrait dire « abrupt au-dessus de l’eau ».

Une falaise est un abrupt particulièrement prononcé, près de la verticale, où la paroi rocheuse est visible à l’œil nu. En Gaspésie, entre Saint-Yvon et L’Anse-à-Valleau (sur la route 132), se dresse une falaise nommée Le Grand Écorchis. Une autre, les Échorchis, existe près de Mont-Louis (sur la route 132), également en Gaspésie.

À la Malbaie, dans Charlevoix, sur la route 138, une auberge porte le nom des Falaises.

Escarpement d’Eardley

Ce talus à pente raide délimite le Bouclier canadien et les basses-terres de l’Outaouais sur une trentaine de kilomètres, entre deux points situés chacun à 6 km au nord de Quyon et d’Aylmer, suivant un arc parallèle au cours de l’Outaouais. La limite sud du parc de la Gatineau suit le tracé de l’escarpement, en raison de l’intérêt de ses caractéristiques géologiques et écologiques, on a inclus cet accident topographique dans la zone de conservation qui comprend le parc.

C’est dans le canton d’Eardley qui l’escarpement connaît son développement maximal, soit une altitude de 411 m et une dénivellation de 290 m par rapport aux basses-terres. Il se compose notamment de syénite porphyrique, une variété de roche précambirenne. Le nom Escarpement d’Eardley figure dans La géologie de Québec, un rapport publié par le ministère des Mines du Québec en 1946. Cet ouvrage mentionne que le nom local de cet accident géographique est Montagne d’Eardley. On connaît aussi les formes Montagnes d’Eardley, Eardley Mountains et Eardley Escarpment. Officialisé en 1971 par la Commission de géographie, le nom Escarpement d’Eardley provient de celui du canton où il se trouve.

Escarpement Les Écores

De plus de 20 mètres de hauteur, cet escarpement rocheux calcaire longe la côte sud de l’Île Jésus environ 4 km de longueur à l’est de l’île de la Visitation. Vu son importance dans le paysage, il a servi à désigner la paroisse de Saint-Vincent-de-Paul, depuis le début de son peuplement vers 1740 jusqu’aux environs de 1860. Joseph Bouchette le note dans son ouvrage de 1831. Le mot qui s’écrit également écors, écore, eccore est employé au Québec et en Acadie surtout comme substantif, désignant alors une côte, une berge à pic ou la rive escarpée d’un cours d’eau, d’un lac. Il connaît aussi un certain emploi comme adjectif.

Falaise Grand Écorchis

Le Grand Écorchis désigne officiellement depuis 1986 une falaise d’une centaine de mètres de hauteur située sur la côte nord de la Gaspésie, à l’est de l’Anse-à-Valleau. Selon le frère dominicain E. – B. Deschênes (1944), il y a écorchis lorsque la montagne ou la falaise est dépouillée de toute verdure et que le tuf (schiste) et dégrade et s’effrite en longues coulées rougeâtres. Par ailleurs, Pierre Rastoul précise, dans la Gaspésie de Grosses-Roches à Gaspé, que les écorchis sont une formation rocheuse riveraine disposée à fleur d’eau, taillée en terrasse par l’érosion marine (terrasse d’abrasion); ils se présentent aussi en strates de schistes dressées à la verticale.

Le mot « écorchis » est absent dans les dictionnaires de la langue française usuelle, de même que dans ceux des parlers régionaux du Québec, sauf dans le Glossaire du parler français au Canada (1930) qui donne comme définition « vestiges d’empiétement d’un fleuve sur les rives; rive escarpée rongée par l’eau d’une rivière », définition assez différente de celle précédemment énoncée. Étant absent sur la carte du canton de Fox, en 1936, où se situe la toponymie, il semble que la première attestation du nom soit celle du frère E.-B. Deschênes.

Carmen Roy (1953), note L’Écorchis, dans Littérature orale en Gaspésie, et, près de Mont-Saint-Pierre, Les Écorchis de Rivière-à-Pierre. Au Saguenay comme en Gaspésie, on trouve la variante écorchais qui milite en faveur de l’usage du pluriel, probablement, lorsqu’il s’agit de strates relevées à la verticale, alors que le singulier semble plutôt s’employer dans le cas d’une falaise de schiste dénudée. Le qualificatif Grand qui caractérise le spécifique provient de l’attestation même du frère Deschênes.

Abrupt de La Palette du Diable

La Palette du Diable, abrupt de la municipalité de la paroisse de Saint-Damien, près de Saint-Gabriel, demeure encore difficile d’accès. Situé à 5 km au nord-ouest du lac Maskinongé, on peut y arriver laborieusement à pied ou encore en motoneige, durant la saison hivernale. Le choix de la désignation découle d’abord d’une forme de terrain étonnante.

Le mot Palette désigne la bande de terre formant replat qui s’avance au-dessus de ce versant rocheux dont la paroi, presque verticale, mesure plus de 50 mètres. De là-haut, on ne peut manquer d’éprouver d’abord une sensation de grand vide alors que tout en bas on aperçoit un large trou béant que les gens qualifiaient autrefois de Trou du Diable. Rempli d’eau et parsemé de barrages de castor, on craignant d’y tomber et même de s’en approcher. Par association d’images, l’endroit s’est finalement appelé La Palette du Diable.

Voir aussi :

escalier chute montmorency
Escalier de la chute de Montmorency. Photographie de Megan Jorgensen.

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