Rivière Eastmain

Rivière Eastmain

Cet important cours d’eau du bassin de la baie James représente depuis plusieurs siècles un enjeu économique non négligeable. La rivière Eastmain prend naissance dans les monts Otish et coule d’est en ouest sur plus de 700 kilomètres ; elle draine un bassin de 46 000 kilomètres carrés et son débit moyen est de 895 mille mètres cubes par seconde. À son embouchure, cette rivière mesure 2,5 km de largeur et la marée la remonte jusqu’à 27 km à l’intérieur des terres.

En 1672, par suite de la découverte de mica à son embouchure, elle fut appelée Slude ou Slood, mot ancien pour désigner le mica. Un petit poste de traite fut établi en 1684 qui a pris les noms de Slude River Poste ou East Main Post. Le nom East Main s’est graduellement étendu à toute la rive orientale de la baie James.

La carte de Louis Jolliet (1679) nommait le cours d’eau Rivière des Pachibourouniou ; il s’agissait d’une tribu amérindienne que la Relation des Jésuites de 1660 avait identifiée comme les Pitchibourenik. La carte de Delisle (1703) écrit le nom Rivière des Pitchibourouni et celle de Bellin (1744) indique « Rivière Pichibourini auj. R. Slude ». Si l’appellation East Main en deux mots fut rapidement adoptée pour le poste de traite, le cours d’eau conserva celle de Slude River jusqu’au XIXe siècle. Albert Peter Low fait l’une des premières descriptions de ce cours d’eau en 1895 et il utilise le nom East Main River.

Bien qu’Eugène Rouillard écrive East Main (rivière) en 1914, la forme Eastmain River, en un seul mot se rencontre dans l’Atlas of Canada (1806). On lui connaît aussi à cette époque le nom de Grande rivière de l’Est.

Au XXe siècle, le potentiel hydroélectrique des nombreuses ruptures de pente de son tracé est partiellement exploité et intégré à un gigantesque complexe énergétique.

À une centaine de kilomètres en amont de la confluence avec son principal affluent, la rivière Opinaca, une série de digues détournent une partie de son cours vers le nord, en direction de la Grande Rivière, pour alimenter la centrale LG-Deux. Hydro-Québec prévoit à plus long terme d’autres barrages et centrales hydroélectriques, en amont des digues actuelles. En 1983, une enquête menée auprès de la communauté crie relevait la forme Eastmainu Siipii.

Le nom d’Eastmain, village cri établi près de l’embouchure de la rivière du même nom, évoque sa situation géographique sur la côte est de la baie James.

Gorge Clouston

À 70 kilomètres de son embouchure dans la baie James, la rivière Eastmain se rétrécit et forme la gorge Clouston. Cette étroite vallée aux versants rocheux donne naissance aux rapides Misinichikamiw. C’est en souvenir de James Clouston, originaire de l’archipel des Orcades (Orkney Islands) dans le nord de l’Écosse, qu’a été attribuée cette appellation. En 1808, alors âgé d’environ 21 ans, Clouston entre au service de la Compagnie de la Baie d’Hudson comme instituteur à Eastmain Factory. Entre 1811 et 1821, désireux de poursuivre une carrière plus aventureuse, il accepte de diriger d’abord le poste de traite de Neoskweskau, plus à l’est sur Eastmain, puis ceux de Patagoosh et de Old Mistassinnie Houses sur le lac Mistassini. Durant cette période il explore systématiquement la région, y compris le lac Albanel, et en dresse une grande carte en quatre feuillets. Il regagnera son pays d’origine en 1827.

Lac Manet

Entre les lacs Pluto et Jules-Léger, à 25 km au nord-ouest des monts Otish, dans la municipalité de Baie-James, s’étend le lac Manet, une des principales sources de la rivière Saffray, tributaire de la rivière Eastmain. Cette nappe d’eau occupe une superficie de 3,8 km2. Son nom, attribué par la Commission de géographie, a paru sur une carte topographique de 1958, il évoque Jean Manet, qui, arrivé en Nouvelle-France dès 1617, devint interprète de Champlain. Un document le présente, en 1626 -1627, comme “interprète des Népissingues”. Les Cris dénomment cette nappe d’eau Kaanameuskuukasich Saakahiikan, “lac aux truites”.

Lac Hecla

Point d’arrivée du ruisseau Léran, ce lac, formé de plusieurs baies étroites et contenant quelques îles, représente en fait un élargissement de la rivière Eastmain. Il se situe dans une région assez marécageuse du Nord québécois, à environ 35 km au nord du lac Barou, source principale de la rivière du même nom, et à un peu plus de 10 km au-sud-est de l’endroit où les rivières Misask et Vive se jettent dans l’Eastmain. Son nom, paru depuis 1945 sur divers documents cartographiques, rappelle la présence à quatre reprises du « Hecla », galiote à bombes – bateau navigant à voiles, à la coque de bois renforcée et armé d’un mortier et de canons – et de son commandant, l’officier de la marine britannique William Edward Parry (1790-1855), dans les eaux de l’océan Arctique pendant le premier tiers du XIXe siècle. Lors de son voyage initial dans le Nord avec le « Hecla » et un autre navire (mai 1819 – octobre 1820), Parry traverse la baie de Baffin et poursuit sa route vers l’ouest afin d’atteindre le détroit de Béring. Il n’y arrive pas mais dirige tout de même les premiers bâtiments européens à travers l’archipel arctique. Ce voyage d’exploration, considéré comme l’une des plus importantes expéditions navales dans l’Arctique, démontra notamment que le détroit de Lancaster ouvre un passage vers l’ouest et que l’on pouvait hiverner, avec la préparation nécessaire, à l’intérieur du cercle polaire sans problèmes majeurs. Parry revient, avec le même navire, dans ces eaux nordiques en 1821-1823, en 1824-1825 et en 1827. S’il ne réussit pas à découvrir le passage du Nord-Ouest, il aide cependant à connaître – par ses explorations, la publication de ses récits de voyage et la réalisation de cartes de l’Arctique et met au point la technique permettant de passer l’hiver dans cette région pour le moins inhospitalière.

Île Le Veneur

Cette île est située dans le cours moyen de la rivière Eastmain, dans la municipalité de Baie-James. Longue de 22 km, sa largeur varie de 2,5 à 7 km, elle est couverte de petits lacs et de collines ainsi que de nombreux marécages. À quelques kilomètres au sud-ouest on trouve, près du lac de la Marée, un ancien poste de la Compagnie de la Baie d’Hudson connu sous le nom de Neoskweskau. Dénommée ainsi en 1945, l’île portait depuis au moins le début du XXe siècle le nom d’Île Grande.

En mettant fin à une situation d’homonyme, on a éliminé ce toponyme banal pour rappeler le nom de celui qui aurait permis à Jacques Cartier d’obtenir, en 1534, le mandat royal de chercher un passage vers la Chine en explorant le Nouveau-Monde. Jean Le Veneur de Tillières, évêque et comte de Lisieux, était abbé commendataire de l’abbaye du Mont-Saint-Michel lorsque le procureur fiscal de l’abbaye lui vanta les talents de navigateur de son neveu Jacques Cartier. Passionné des choses de la mer, l’évêque en parla au roi de France qui accomplissait un pèlerinage au Mont-Saint-Michel, en 1532.

Par un habile jeu diplomatique relié au mariage du fils du roi à la nièce du pape, l’évêque obtint de ce dernier une déclaration qui ouvrait l’horizon aux ambitions françaises, en limitant le partage du Nouveau Monde de 1493 en faveur de l’Espagne et du Portugal aux seules terres connues à cette date. Du coup, l’abbé Le Veneur fut nommé cardinal et son protégé fut chargé de l’expédition par François Ier.

Lac René-Richard

Ce lac du Nord québécois est situé près de l’une des sources de la rivière Eatmain, dans la partie sud du territoire de la municipalité de Baie-James. Il draine des marécages par un petit émissaire qui se dirige vers le lac Conflans. Le lac René-Richard a une configuration allongée, mesurant 5 km de longueur. C’est un an après la mort du peintre René Richard (1895-1982) que ce plan d’eau a été officiellement dénommé par la Commission de toponymie. Né en Suisse, le jeune Richard suit sa famille dans le nord de l’Alberta en 1909. Il développe très tôt un grand amour de la nature sauvage, ce qui l’amène à se faire trappeur. En 1927, il réalise son grand rêve, celui d’aller étudier la peinture à Paris. Il y rencontre Clarence Gagnon qui devient son professeur et ami. Il parcourt les forêts du Nord et de la Gaspésie vers 1830, pour ensuite accepter l’invitation de Gagnon à le rejoindre à Baie-Saint-Paul, en 1942. Il s’y installe définitivement pour y produire de nombreux tableaux, dessins, fusains. Plusieurs de ses œuvres font maintenant partie des collections du musée du Québec et de l’Université Laval notamment. Ce peintre adoptif de Charlevoix, qui s’est lié d’amitié avec Félix-Antoine Savard et surtout avec Gabrielle Roy, illustra leurs romans respectifs « Menaud, maître-draveur » et « La Montagne secrète ». Ce dernier lui a été dédié par l’auteure, inspirée par le récit de ses expéditins solitaires. Le lac désigné pour honorer ce peintre avoisine une montagne qui le surplombe de plus de 200 m, ce qui pourrait évoquer la thématique du roman de Gabrielle Roy. Variante : Lac Sous-Marin.

Rivière Eastmain vue de la route de Baie-James en décembre 2005. Source de la photo : P199.
Rivière Eastmain vue de la route de Baie-James en décembre 2005. Source de la photo : P199.

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