Rivière Richelieu ménacée

Rivière Richelieu : Un patrimoine naturel menacé

En tant que principal affluent au sud du Saint-Laurent, le Richelieu retient forcément l’attention. Source d’approvisionnement en eau potable d’une vaste région, on l’utilise à des fins récréatives sur l’ensemble de son parcours. Des plantes et des animaux continuent apparemment de s’y plaire, mais pour combien de temps encore ? La rivière, avouons-le, a connu de meilleurs jours. L’urbanisation, l’industrialisation, les activités agricoles, qui ont lourdement hypothéqué l’environnement aquatique sur l’ensemble du territoire québécois, l’ont fait de façon flagrante dans le secteur du Richelieu.

La vallée du Richelieu englobe une cinquantaine de municipalités où vivent un peu plus de 300 mille habitants. Les activités industrielles y gravitent autour de quelque 500 petites et moyennes entreprises manufacturières appartenant, entre autres, aux secteurs de l’agroalimentaire, de la chimie, de la transformation de métaux et du textile. Près d’une cinquantaine d’entre elles, réputées potentiellement polluantes, ont effectué ou se préparent à réaliser des travaux d’assainissement.

La culture du maïs, qui nécessite l’emploi de grandes quantités de pesticides et d’engrais, domine nettement la production végétale, un choix qui augmente les risques de contamination des cours d’eau par le ruissellement et l’érosion des sols. L’élevage et la production de bœuf continuent de dominer le cheptel porcin, lequel a néanmoins connue une hausse spectaculaire de plus de 120 pourcent depuis le début du XXIe siècle. La qualité de l’eau est jugée inacceptable dans les secteurs agricoles des sous-bassins des rivières du Sud, L’Acadie et des Hurons. On y observe, entre autres, de fortes concentrations de substances nutritives, de matières en suspension et de matière organique. La disparition des organismes des communautés benthiques de la rivière Richelieu les plus sensibles à la pollution témoigne de l’état lamentable de ces secteurs.

À leur façon, les marécages qui cernent la tête du bassin du Richelieu, atténuent en partie les pressions sur l’environnement, celles qui proviennent des États-Unis aussi bien que d’autres associés à la gestion déficiente des eaux usées ou des apports de la rivière du Sud. Tout compte fait, la qualité de l’eau dans les 20 premières kilomètres de la section québécoise est étiquetée satisfaisante. Grâce à l’apport des milieux humides, l’indice d’intégrité basé sur le benthos y jouit d’une excellente cote.

En aval de Saint-Jean-sur-Richelieu, la rivière se démarque moins heureusement; plus d’une quarantaine de substances toxiques ont été décelées par les dispositifs de mesure de la qualité de l’eau : HAP, BPC, acides gras, plomb, cuivre, pesticides, composés organiques semi-volatils, phtalates et acides résiniques. Le secteur enregistre une hausse marquée de la concentration des polluants, un bond de 50 pour cent dans le cas du plomb et des BPC, de presque 70 pour cent pour le cuivre, davantage pour les HAP. La proportion de poissons tolérants à la présence de contaminants grime à environ 40 pour cent près de Saint-Jean-sur-Richelieu; c’est l’indice d’une communauté fortement perturbée par la pollution, diagnostic confirmé par la domination des oligochètes dans les communautés benthiques.

La pression accrue sur le milieu aquatique a provoqué l’apparition de nombreuses anomalies chez les poissons. Les communautés ichtyologiques de la rivière Richelieu se révèlent en ce sens parmi les plus dramatiquement touchées au Québec. La proportion de poissons souffrant d’anomalies dépasse régulièrement les 13 pour cent et s’élève à plus de 25 pour cent près des rapides Fryers. Des poissons tels que le doré jaune, l’achigan à petite bouche et le grand brochet, investis par le mercure dans certains tronçons, incitent les pêcheurs à en restreindre la consommation. Le fait que le meunier noir soit contaminé par le mercure, les BPC et le plomb se répercute sur la santé des animaux terrestres qui s’en nourrissent.

Plus en aval, entre le bassin de Chambly et la localité De Saint-Charles, la qualité des eaux ne s’améliore guère, en raison du panache de la rivière L’Acadie et des rejets domestiques et industriels non traités de plusieurs municipalités riveraines. On a noté que par un curieux hasard le taux d’anomalies chez les poissons diminue alors que les cyprinidés insectivores (ménés) sensibles à la pollution y sont plus nombreux. L’indice d’intégrité de la communauté benthique se mantient donc, sans soute en partie grâce au phénomène qui produit dans le bassin de Chambly la sédimentation des particules chargées de contaminants. C’est autrement que cette communauté s’en trouve affectée; la sensibilité de certains organismes à la pollution fait que les éphémères et les coléoptères sont presque disparus du milieu.

L’une des sources inquiétantes de pollution dans ce tronçon émane de la rivière L’Acadie dont le sous-bassin renferme à lui seul près de 50 pour cent des terres cultivées et 40 pour cent du cheptel d’élevage du Bas-Richelieu. Les eaux de très médiocre qualité présentent de fortes teneurs en phosphore, du dichloroberizène, des HAP et des pesticides : l’atrazine et le métolachlore. La diversité du benthos en aval de Beloil est la moins favorable dans ce bassin à la communauté ichtyologique qui en est visiblement déstabilisée. Les espèces plus vulnérables disparaissent au profit d’espèces tolérantes ou moyennement tolérantes à la pollution, par exemple la chatte de l’est, le crapet-soleil, le ventre-pourri. La dégradation de l’écosystème amorcée en aval de McMasterville, à peine 2 kilomètres au sud, montre un secteur affecté par la présence de polluants que l’on ne mesure nulle part ailleurs, possiblement déversés par une entreprise d’explosifs.

La piètre qualité des eaux de la rivière Richelieu entre Saint-Charles et l’embouchure de la rivière est causée par une pollution agricole diffuse et par les rejets des petites municipalités environnantes. La proportion des poissons omnivores tolérantes à la pollution y atteint des niveaux jamais égalés alors que le taux d’anomalies dépasse 10%.

(Rivières du Québec, Découverte d’une richesse patrimoniale et naturelle. Par Annie Mercier et Jean-François Hamel. Les éditions de l’Homme, une division du groupe Sogides).

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deux loutres
Deux loutres, l’un des animaux qui peuplent la rivière et ses affluents. Photo : GrandQuebec.com.

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