Le gaspillage de l’eau

Chacun sa part – paierons-nous un jour le prix de notre consommation abusive d’eau ?

Le gaspillage fait scandale au XXIe siècle. Comment exiger une gestion saine de la part des dirigeants et rincer le pavage à grande eau, laver la voiture toutes les semaines, banaliser l’usage, voire l’abus quotidien de l’eau? Une consommation abusive commande le traitement d’un volume exponentiel d’eaux usées avec les coûts et les conséquences que tout le monde connaît.

Selon les compilations récentes, le Québec se classe bon deuxième au palmarès mondial avec une consommation individuelle moyenne de 400 litres par jour, un pas derrière les Américains (425 litres par jour). Au Canada, nous sommes de véritables champions car la moyenne canadienne se situe à 350 l/j. Celle du Royaume-Uni à 200 l/j et celle de la France à 150 l/j nous mettent carrément au rang des gaspilleurs. En gros, les résidences québécoises requièrent la production annuelle de 1,7 milliard de mètres cubes d’eau traitée, dont plus de 80% proviennent des eaux de surface, essentiellement du Saint-Laurent et de ses affluents (ces chiffres comprennent les pertes d’eau occasionnées par les aqueducs défectueux). Moins de 5% de cette manne liquide sert à notre consommation.

Un pensez-y bien : l’arrosage de la pelouse consomme jusqu’à 1100 litres d’eau à l’heure, l’équivalent des besoins quotidiens d’une famille de quatre personnes.

L’agriculture : Les pratiques agricoles se modernisent et se diversifient au détriment de l’environnement.

Dans la sphère agricole, les mesures correctives tardent à s’imposer en regard du stockage et de l’utilisation des fumiers et des lisiers, bien que l’on sache pertinemment que l’apport en azote et en phosphore contribue dangereusement à l’eutrophisation des plans d’eau. Aujourd’hui, plus de 30 millions de mètres cubes de déjections animales sont générées chaque années par plus de 20 000 exploitations agricoles directement concernées par le Règlement sur la réduction de la pollution d’origine agricole.

Une partie d’entre elles n’ont toujours pas étanché les structures d’entreposage des matières fécales. Hormis le programme de gestion des fumiers, l’ensemble des pratiques agricoles devra sans doute être revu pour être applicable au mode extensif des cultures. Par exemple, les méthodes et les périodes d’panage peuvent moduler efficacement leurs effets sur les cours d’eau. L’enfouissement du lisier semble préférable à l’épandage superficiel; il conviendrait de limiter les taux d’engraissage aux quantités requises par les cultures et d’interrompre cette pratique quand il pleut. Le dossier chaud de l’industrie porcine et de ses inconvénients est actuellement au cœur de débats orageux dans ce domaine.

En haussant leurs exigences et la vigilance à apporter aux suivis environnementaux, des citoyens mettent eux-mêmes la main à la pâte, soutenus en cela par des associations bénévoles qui bénéficient de subventions gouvernementales et privées.

Certaines cultures accaparent les berges des rivières. Rendre les berges aux végétaux en zone urbanisée ou agricole, assurer la protection de « bouts » de rivières, de marais ou de tourbières, effectuer le nettoyage de rivages et de cours d’eau en les débarrassant de dizaines de tonnes de déchets, poser des nichoirs et ménager des abris qui compensent la disparition d’habitats végétaux riverains, revitaliser des frayères à poissons; autant d’heureuses initiatives qui ne rebutent pas ces organismes.

Leur rôle se double du devoir de sensibiliser la population aux répercussions de certains agissements à proscrire tels que l’emploi d’herbicides et d’engrais et la suppression des plantes aquatiques. Trop de riverains et de vacanciers exagèrent en forçant la vitesse des embarcations qu’ils utilisent, provoquant la vague qui accélère l’érosion. Un peu partout, le fonctionnement défectueux des installations septiques et d’autres dégâts sévissent, plus ou moins tolérés ou acceptables.

Alertés par les erreurs du passé et par le coût associé à la restauration d’habitats détruits ou endommagés, les gouvernements et les fondations pour la nature visent plus que jamais la prévention. La création d’aires protégées (parcs nationaux, réserves écologiques et aquatiques, etc.) a pour but d’assurer la sauvegarde d’échantillons représentatifs de la biodiversité dans différentes régions de la province. La portion de territoire consacrée au Québec à ces aires particulières fait encore piètre figure, confinée en deçà de la moyenne mondiale établie à près de 10%.

Le gouvernement du Québec ait adopté, en 2000, des orientations stratégiques visant à étendre la superficie des zones protégées. À cette époque le Québec affichait moins d’un 1% d’aires protégées et figurait en queue de classement des régions de l’Amérique du Nord. La situation se redresse graduellement. Plusieurs territoires ont été mis en réserve, totalisant des milliers de kilomètres carrés de forêt boréale, ont a délimité un certain nombre de parcs nordiques, sans oublier des réserves aquatiques des rivières Moisie, Ashuapmushaun et autres. Ces superficies sont désormais à l’abri de l’exploitation forestière, minière et énergétique.

Cependant, certains groupes écologistes continuent de douter de la bonne foi du gouvernement, qui déclare les étendues protégées bien que la définition qu’il en donne ne soit pas conforme à la définition internationale d’une aire protégée; en effet, des activités industrielles d’exploitation des ressources seraient maintenues dans les limites de ces terres et de ces eaux. Entre les gestes authentiques et une volonté de façade, si nous souhaitons que se réalisent les prédictions sur le futur brillant. Ferons-nous le bon, l’incontournable choix que méritent les rivières et les eaux du Québec?

(Rivières du Québec, Découverte d’une richesse patrimoniale et naturelle. Par Annie Mercier et Jean-François Hamel. Les éditions de l’Homme, une division du groupe Sogides).

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Saint-Laurent et pont Jacques-Cartier. Photo de GrandQuebec.com.

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