Baie d’Hudson

Baie d’Hudson et Détroit d’Hudson

Vaste mer intérieure, la baie d’Hudson s’étale sur environ 1 000 000 de kilomètres carrés. La juridiction québécoise s’exerce sur plus de 1 200 kilomètres de rivage oriental. Plusieurs grands cours d’eau de l’hinterland viennent s’y jeter, dont la Grande rivière de la Baleine et les rivières Natapoka, Kogalik et de Povungnituk.

Le Nord-du-Québec étend ses territoires rocheux jusqu’au littoral de la baie d’Hudson, parfois rectiligne mais aussi souvent fortement découpé par de profondes échancrures.

La végétation côtière passe graduellement de la taïga à la toundra arctique. Du sud au nord, des villages cris et inuits sont disséminés sur la côte : Whapmagoostuo, Kuujjuarapik, Umiujag, Iukjuak, Povungnituk, Akulivik et Ivujivik, ce dernier étant le plus septentrional du Québec.

Bien que le climat extrêmement rude limite la navigation à quelques mois de l’année, la présence des glaces n’a pas découragé les marins du XVIIe siècle à s’aventurer dans la baie d’Hudson. Après avoir mené des expéditions pour la Compagnie des Indes orientales, laquelle cherchait à installer des colonies hollandaises à New York et au Delaware, le navigateur anglais Henry Hudson (vers 1550-1611) se voit confier en 1610 – par son pays, cette fois – l’exploration d’un passage au nord-ouest de l’Atlantique.

Après la traversée du détroit, auquel on a donné son nom, le capitaine du Discovery est convaincu d’avoir trouvé le passage et met le cap au sud, où il atteint ce qu’il appelle un « labyrinthe sans fin ». Cherchant vainement une sortie, il se voit contraint d’hiverner dans cet environnement hostile. Le manque de nourriture et le scorbut affectent durement l’équipage. Sur le chemin de retour, en 1611, à la suite d’une mutinerie, il est jeté avec son fils John et cinq marins dans une chaloupe. Abandonné, Hudson et ses compagnons d’infortune disparaissent sans laisser de traces ; ils auraient péri en mer, sans provisions, dans la baie James. D’autres navigateurs (Button, Fox et James) viendront dans les années suivantes. Un demi-siècle plus tard, la région attire à nouveau plusieurs Européens. Vers 1665, les explorateurs Radisson et Des Groseilliers projettent d’ouvrir des postes de traite sur le littoral de la baie d’Hudson.

Ne recevant aucun appui de la France, ils se tournent vers les Anglais, qui créent, en 1670, la Compagnie de la Baie d’Hudson. La vive concurrence de ses comptoirs avec le commerce de la Nouvelle-France déclenche des offensives militaires, à partir de 1686, visant à chasser les Anglais de la baie d’Hudson. Ainsi naît l’épopée de Pierre Le Moyne d’Iberville, qui dure plus de six ans.

Malgré les succès remportés par ce grand homme de guerre, la France doit renoncer, par le traité d’Utrecht (1713), à ses prétentions sur la baie d’Hudson. Bien avant qu’Henry Hudson effectue son dernier voyage d’exploration, l’existence d’une mer du Nord était connue des grands cartographes d’outre-Atlantique. En effet, sur des cartes dressées par les Hollandais de Jode (1593), Mercator (1595) et Wyfliet (1597), on peut lire le même nom, Lago de Conibas ; ce dernier document cartographique se révèle d’une importance considérable, puisqu’il représente précisément la région environnante de ce prétendu lac, dont la localisation et la configuration correspondent assez bien à celles de la baie d’Hudson. C’est vraisemblablement cette même entité hydrographique qui est désignée sous l’appellation Mare dulcium aquarum, sur une autre carte de Mercator, publiée elle aussi en 1595. Toutefois, dans le cas de cette « mer d’eaux douces » comme dans celui du Lago de Conibas, certains considèrent qu’il s’agirait plutôt des Grands Lacs.

En Nouvelle-France, Champlain entend parler, par des Amérindiens, d’un vaste bassin maritime, qu’il identifie dans ses écrits comme comme étant la mer Salét (1608) ou la mer du Nort (1609). En 1612, une gravure d’Hessel Gerritsz, sans doute d’après un dessin originel d’Hudson, est imprimée à Amsterdam. Le nom Mare Magnum, qui se traduit par grande mer, est inscrit juste au nord de l’entrée de la baie d’Hudson ; la carte indique aussi le lieu où le capitaine du Discovery a hiverné, dans la baie James. Cette dénomination latine est reprise – mais toute en minuscules – par Champlain sur deux cartes, l’une probablement de 1612 et l’autre de 1613, où le nom paraît un peu plus au sud, à l’entrée même de la mer intérieure. L’explorateur Jens Munk, dans le récit de son voyage de 1619-1620, publié en 1624, utilise dans son texte les appellations Hudson’s Sea et Mare Novum, cette dernière signifiant « nouvelle mer », alors que sur la carte d’accompagnement paraît le nom de Cristian’s Sea.

En 1625, une carte de Henry Briggs est publiée dans un ouvrage de Samuel Purchas, sur laquelle est inscrite la désignation de « Hudsons bay », le « s » final indiquant l’attribution. Sur une carte de 1634, Jean Guérard emploie la dénomination Baie de Hudson. Le navigateur Luke Fox consigne, sur une carte de 1635, le toponyme « hudsons bays », qui identifie les deux baies (James et Hudson), considérées comme des entités distinctes, alors qu’en réalité la première fait partie de la seconde. La carte de Melchior Tavernier, dressée en 1643, montre le nom Mer de Hudson. La carte que Champlain a produite en 1616 a été rééditée en 1653, avec corrections et ajouts, par Pierre du Val, géographe du roi, lequel écrit Mer de Hudson ou Christiane.

Sanson d’Abbeville, sur sa célèbre carte de 1656, indique Mer Christiane dans la partie nord de cette importante entité et Golfe de Hudson ou Hudson Bay dans sa partie centrale. Dans les relations des Jésuites, en 1660, l’on désigne la baie d’Hudson sous trois noms différents : Mer du Nord, Grande baye du Nord et baye de Hudson. Nicolas de Fer consigne, sur une carte de 1669, la forme Golfe de Hudson. Les Relations de 1672, quant à elles, mentionnent l’utilisation de la variante Baye de Hutson. L’explorateur Louis Jolliet inscrit en 1673 l’appellation Baye d’Hudson. En 1686, Jacques de Brisay, marquis de Denonville, donne des instructions au chevalier de Troyes – chargé de mener une expédition visant à déloger les Anglais de la baie d’Hudson – dans lesquelles il est question de la baie du Nord. Sur une carte de 1690, dont on ne connaît pas l’auteur, paraissent les dénominations de Golfe du Nort et devant Baye de Hudsom (sic!). Une autre carte anonyme de 1697 comporte les noms Mer de Hudson et Golfe de Hudson ou Hudson Bay. Parfois d’autres appellations ont utilisées ; par exemple, dans sa Relation de 1720, Nicolas-Jérémie Lamontagne donne à cette mer le nom de Baye de l’Assomption.

Comme on peut le constater, les XVIe et XVIIe siècles ont été marquées par un flottement tant dans le choix du générique que du spécifique pour désigner cette vaste entité hydrographique. Depuis ce temps, on notera toutefois une stabilité quant à la forme que l’on connaît maintenant.

Détroit d’Hudson

Le détroit d’Hudson est un large bras de mer qui relie l’océan Atlantique et la baie d’Hudson. Limité au nord par l’île de Baffin et au sud par la baie et la péninsule d’Ungava, sa longueur totale est d’environ 720 km en direction nord-ouest et sa largeur varie de 100 à plus de 160 km.

Du côté québécois, les rives sont généralement hautes (jusqu’à 450 m), rocheuses et dénudées. C’est certaines baies qu’on retrouve les villages les plus nordiques du Québec : Ivujivik, Salluit, Kangiqsujuaq et Quaqtaq.

Certains historiens prétendent que l’Italien Jean Cabot aurait exploré le détroit d’Hudson, ce qui n’est toutefois pas démontré. Il est certain cependant qu’il était connu de navigateurs anglais et que Martin Frobisher a été le premier à en décrire l’entrée en 1578 ; il a été aussi mentionné par John Davis (1587) et George Waymouth (1602). C’est toutefois Henry Hudson (vers 1550-1611) qui fut le premier explorateur à s’y aventurer, en 1610. Navigateur expérimenté et renommé, il est chargé par un groupe de promoteurs anglais de chercher une route vers la Chine par le nord. Initialement e décidé à s’engager dans le détroit de Davis, au nord de l’Île de Baffin, Hudson se trouve aux prises avec une forte marée qui entraîne le Discovery au sud de cette île, dans des eaux encombrées de glace. N’osant rebrousser chemin à cause des tensions au sein de l’équipage, on navigue pendant six semaines, notant des points de repère de part et d’autre du détroit, pour entrer dans ce qui est devenu la baie d’Hudson.

Franquelin ne distingue par le détroit et la baie sur sa carte de 1684 : Golfe de Hudson ; Nicolas Bellin inscrit Détroit de Hudson sur sa Carte de la Baye de Hudson de 1744.

Lac Chamberlaine

À une soixantaine de kilomètres au nord-ouest du lac Couture, cette étendue d’eau d’environ 19 km2 de superficie, se trouve sur le parcours de la Pvungnituk, rivière qui se jette, une centaine de kilomètres plus au sud-ouest, dans la baie d’Hudson. Adopté en 1949, cet hydronyme évoque Thomas Chamberlaine, gentilhomme anglais qui accompagna Martin Frobisher lors de ses deuxième et troisième voyages (1577, 1578) dans les îles de l’Arctique.

Passage de Manitounuk

Chenal situé entre le littoral de la baie d’Hudson et l’archipel Manitounuk, constitué principalement des îles Merry et Castle, au nord-est du village de Kuujjuarapik, dans le Nord-du-Québec. Le passage peut atteindre 5 km de largeur et se prolonge vers le nord sur une distance de 40 km pour aboutir à une impasse formée par la langue de terre Chiaskaw, à l’extrémité nord de l’archipel. Seules quelques passes étroites permettent des ouvertures sur la baie. D’après une légende amérindienne, des manitous (esprits) auraient habité dans l’archipel. De là vient le nom donné au chenal. Le terme Manitounuk est une forme hybride provenant du cri « manito » pour Grand Esprit et du suffix inuit « nuk » qui indique le pluriel.

Lac Gobillot

Cette étendue d’eau relativement petite et aux contours très capricieux ne mesure que 2,7 km de longueur et moins de 1,8 km de largeur. Tout près de la source de la rivière Gladel, dans un milieu extrêmement arrosé, elle prend place à 90 km environ au sud-est d’Inukjuak en territoire inuit et à 122 m au-dessus du niveau de la mer. Ce toponyme, déclaré officiel en 1972, a été attribué en l’honneur de René Gobillot, auteur d’un article paru en 1927 dans « Nova Francia » sur l’émigration percheronne au Canada dont une brochure fut tirée au début des années 1930.

Lac Guillaume-Delisle

Le nom de Guillaume Delisle (1675-1726), auteur de cartes relativement précises pour l’époque – dont l’une sur la mer de l’Ouest, où apparaît le toponyme Baie d’Hudson – ce qui lui a valu d’occuper, à partir de 1718, le poste de premier géographe du roi, sert depuis 1962 à désigner un important lac du Nord québécois. De forme triangulaire, cette nappe d’eau saumâtre occupe une superficie de 712 km carrés. Le lac Guillaume-Delisle, long de 61 km et large de 22 km, est séparé de la baie d’Hudson par une arête étroite et haute de roches cambriennes. La communication entre les deux entités hydrographiques s’effectue par un chenal de près de 5 km de long appelé Le Goulet. Par ce passage pénètre l’eau des marées, ce qui provoque de forts courants et des oscillations du niveau de l’eau de l’ordre d’une cinquantaine de centimètres. Thomas Mitchell, capitaine d’un petit navire de la Compagnie de la Baie d’Hudson, pénètre dans ce lac en 1744, qu’il nomme Sir Atwell’s Lake, vraisemblablement en l’honneur du gouverneur adjoint de cette société, sir Atwell Lake. Ce patronyme Lake devait être source de confusion par la suite. Mitchell a sussi consigné, la même année, le nom cri Winipeq, « grande étendue d’eau » pour cette entité. La carte de William Coats (1749) identifie ce plan d’eau à la fois sous les noms cris Artiwinipeck et anglais Sir Atwell’s Lake. À cette date, la Compagnie de la Baie d’Hudson ouvre un poste de traite sur une île, appelée alors Factory Island, au large de la rive sud du lac. Le peu de rentabilité de l’établissement entraîne sa fermeture en 1759. Plus tard, le lac se verra attribuer plus plusieurs autres dénominations ; en particulier Baie Winipeke, Golfe de Hazard, Hazard ou Golfe de Richmond, Baie de Richmond jusqu’à ce que la Commission de géographie du Canada accepte Richmond Gulf en 1905. Le motif d’attribution est inconnu. Cependant, selon Keith Fraser, il peut évoquer le duc de Richmond ou le nom du petit navire de Thomas Mitchell appartenant à la Compagnie de la Baie d’Hudson. De nos jours, les populations locales utilisent les appellations en inuktitut Tasiujaq, « qui ressemble à un lac » ou en cri Iyaatiwinapaakw, « endroit où de chaque côté est la mer ».

Lac Parry

Localisé dans une région très nordique où l’on retrouve plus d’eau que de terre, le lac Parry est dans le bassin de la rivière de Puvirnituq, à quelque 50 km au nord-ouest du lac Payne. Mesurant plus de 20 km de long, il est séparé en deux parties jumelles, dont la largeur maximale est de 3,7 km. Ce toponyme est mentionné sur une carte de 1945. Il évoque un explorateur anglais qui a été le premier Européen à pénétrer dans l’archipel arctique. Sir William Edward Parry (1790-1855) a contribué à augmenter considérablement les connaissances scientifiques, géographiques et ethnologiques des terres arctiques. D’autres lieux portent également son nom : le détroit de Parry, les îles Parry, dans l’Arctique canadien, Parry Sound (ville d’Ontario). Lors de sa première grande expédition, en 1818, il assistait John Ross dans son exploration de la terre de Baffin. Il était en désaccord avec celui-ci sur l’existence d’un passage vers le nord-ouest par le détroit de Lancaster. L’Amirauté l’a ensuite chargé de pousser plus avant ses investigations, ce qui lui a permis de confirmer son impression initiale. Au cours de plusieurs autres voyages, il a délibérément hiverné avec ses équipages qu’il a occupés notamment en ouvrant une école et un théâtre. En 1821, son périple l’a amené à visiter le détroit d’Hudson, entre la terre de Baffin et la péninsule d’Ungava. Par ses divers exploits, il a ouvert la voie à d’autres explorateurs qui utiliseront ses cartes.

Rivière Niungalupik

La rivière Niungalupik, située à mi-chemin des baies d’Hudson et d’Ungava, coule en direction sud-est. Elle franchit environ 30 km, de sa soruce aux lacs Rahin et Qarliujaariik, jusqu’à son embouchure dans la rivière Arnaud, tributaire de la baie d’Ungava. Suivant Lucien Schneider. Le mot inuit niumgayoq a pour sens est tordu, croche, en accord avec le cours assez méandreux de la rivière.

Rivière Nastapoka

Cette importante rivière du Nord-du-Québec – la 39e dans la province pour la superficie de son bassin-versant de 13 400 km carrés – se jette dans le chenal Nastapoka, sur le versant est de la baie d’Hudson, presque au centre de l’archipel côtier des îles Nastapoka, au terme d’une course de quelque 400 km. Elle reçoit les eaux du lac aux Loups Marins, de même que celles du Petit lac des Loups Marins situé à sa tête. Le nom Nastapoka, expression de la langue crie, signifie « Un (y) a trouvé un caribou tué par les rapides », sens qui s’accorde tout à fait aux données du paysage, car non loin de son embouchure, la rivière rejoint le niveau de la mer avec fracas à travers les chutes Nastapoka et son dénivelé final abrupt de 35 m. La rivière Nastapoka comprise entre Kuujjuarapik et Inukjuak, appartient aussi au pays des Inuits qui l’ont baptisée Partirtuuq, c’est-à-dire « là où l’on retrouve une grande quantité d’os à moelle. Le nom Nastapoka River apparaît dans le rapport d’une mission d’exploration effectuée dans le secteur, en 1877, par le scientifique Robert Bell. De son côté, la dénomination Rivière Nastapoka figure sur la carte du Québec, feuillet nord, publiée en 1914 par le ministère des Terres et Forêts. Son tracé, discontinu, est approximatif. L’édition 1914 du Dictionnaire des rivières et lacs de la province de Québec porte, probablement par erreur, la forme Natakopa. C’est en 1946 que la Commission de géographie du Québec accepte le nom Rivière Nastapoka. La carte officielle du Québec de 1949 ainsi que les éditions de 1969 du Répertoire géographique et de 1978 du Répertoire toponymique., entre autres documents, présentent toutefois la forme Nastapoca. La Commission de toponymie a rétabli la graphie Nastapoka en 1986.

Camp de Pirpimiut

Pirpimiut, les habitants de Pirpi en inuktitut, est un camp saisonnier situé sur la presqu’île séparant les baies Joy et Whitley, sur le littoral du détroit d’Hudson. Ces camps, fréquents dans la Nord québécois, sont occupés périodiquement par les populations inuites qui viennent s’y livrer aux activités traditionnelles de chasse et de pêche, au rythme des saisons et des migrations. Le village nordique le plus rapproché, Kangiqsujuaq, se trouve à 30 km en direction nord-ouest. La signification de Pirpi est inconnue. Ce toponyme a été accepté 1991.

Voir aussi :

La baie d'Hudson n'est pas une baie à proprement parler.
La baie d’Hudson n’est pas une baie à proprement parler. Photographie de Megan Jorgensen.

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