Archipel de Mingan
Situées au nord de l’île d’Anticosti, les îles qui forment l’archipel de Mingan s’alignent sur 80 km, près de la terre ferme, de part et d’autre de Havre-Saint-Pierre, sur la Côte-Nord. Elles forment l’ensemble d’îles le mieux défini de toute la Côte-Nord du Saint-Laurent, à l’est de Sept-Îles. Le spécifique Mingan a presque toujours été employé par les cartographes et les voyageurs pour identifier l’archipel depuis le début du XVIIe siècle, à l’exception de Nicolas Deschamps de Boishébert qui, en 1715, a appliqué cette désignation à la moitié ouest seulement et de Nicolas Bellin qui, en 1764, a nommé la partie ouest Isles de Mingan, et la partie est Isles Esquimaux. Par la suite, l’appellation Mingan a été appliquée à la terre ferme. Quant au générique Archipel qui remonte au tournant du XXe siècle, il est devenu officiel en 1978 seulement et a fini par évincer le générique Îles utilisé depuis le début du XVIIe siècle. Dans le mot Mingan, dont la graphie n’a presque pas varié depuis l’origine, certains ont vu un dérivé, voire la francisation du mot algonquin « mahingan », signifiant loup ou du mot montagnais « maikan » ayant le sens de « loup des bois ».
D’autres le considèrent d’origine bretonne, Sa signification se retrouve dans l’ouvrage d’Auguste Longnon sur « Les noms de lieux de la France », publié en 1920. Le mot « maen », dit-il, aujourd’hui, « men », pierre est le terme initial d’un grand nombre de lieux bretons, notamment dans le Morbihan. Or parmi ceux-là, il cite Menguen, la pierre blanche. Ce mot d’où proviendrait la forme Mingan décrit parfaitement la formation géologique des îles calcaires de Mingan et notamment les monolithes d’érosion, si caractéristiques d l’archipel.
Par ailleurs, l’ouvrage de Line Couillard, Pierre Grondin et collaborateurs, « Les Îles de Mingan des siècles à raconter » (1983), précise qu’il s’agit d’un nom basque qui signifie « flèche en pointe » de sable, évoquant ainsi la pointe où est situé le village de Longue-Pointe, à l’ouest de l’archipel. Étant donné l’intérêt exceptionnel que représente l’archipel de Mingan pour sa géologie et sa géomorphologie, sa faune et sa flore, ainsi que pour son archéologie, préhistorique et historique, le ministère des Affaires culturelles a fait de l’archipel, en 1978, un arrondissement naturel protégeant ainsi ses 47 îles., îlots, rochers, cayes et récifs.
Île de la Maison
Très petite île située à l’extrême ouest de l’archipel de Mingan et au sud-est de l’île aux Perroquets. Comme l’explique le chroniqueur de Saint-Pierre-de-la-Pointe-aux Esquimaux (Havre-Saint-Pierre), Placide Vigneau, les habitants de Longue-Pointe l’ont ainsi nommée parce qu’ils y ont trouvé les ruines de plusieurs cabanes bâties par certains des premiers colons de la pointe aux Esquimaux qui y ont fait la pêche en 1858-1859. Cette appellation est stable depuis la fin du XIXe siècle. Le nom montagnais de cette île est Ka-uishuaunakasti. Cette dénomination signifierait « l’îlot jaune » ou « les îles aux foins jaunâtres ».
Île La Grosse Romaine
En raison de sa proximité de la rivière Romaine, cette île de l’archipel de Mingan fut identifié Grosse Île de la Romaine à la fin du XIXe siècle par le chroniqueur Placide Vigneau , précisément parce qu’elle demeure la plus importante des deux îles qui forment l’embouchure de ce cours d’eau. Ce toponyme fut largement employé par la population locale qui appliqua cependant à l’élément spécifique le qualificatif de l’élément générique. C’est ainsi qu’il devint La Grosse Romaine comme les gens de Havre Saint-Pierre se sont habitués à désigner cette île. Jusqu’en 1979, elle portait officiellement le nom de Moutange qui était une déformation de Moulange, sorte de pierre servant à la fabrication des meules de moulin à farine.
C’est sous cette dernière appellation d’ailleurs que Franquelin la désigne sur sa carte en 1685. Le nom montagnais de cette île, Missipinuk, signifie île du gibier d’eau.
Barachois à Montpetit
Cette entité géographique de l’archipel de Mingan, située à l’est de la Grande Île, est une anse profonde bien protégée au nord par une pointe ronde et proéminante et le fond est certes sablonneux mais pas encore fermé par un banc de sable. Si un barachois est une anse fermée par une flèche de sable, ce n’est pas encore le cas pour le barachois à Montpetit qui tire son nom d’un des pionniers de Havre-Saint-Pierre, Alex Blais, surnommé Montpetit, à cause de sa petite taille. Ce nom, adopté officiellement en 1976, n’est pas exclusif car l’élément géographique désigné s’est aussi appelé Anse à Loups Marins et Baie à Goélette. La préposition « à », fréquemment employée en toponymie québécoise pour marquer un rapport d’origine, de possession et d’appartenance était d’un emploi fréquent en français jusqu’au XVIIE siècle ; elle équivaut à la préposition « de ». Les Montagnais désignent cette anse sous le nom de Patatshukuassih qui signifie « le petit terrain à lui ; le moyen loup marin.
Île Niapiskau
La dénomination Niapisca dont la première attestation remonte à 1790 est la moins ancienne des appellations montagnaises qui furent attribuées originellement à trois îles de l’archipel de Mingan. L’Île Niapiskau, qui se trouve à l’est de l’île Quarry, est remarquable par ses échancrures, du littoral et ses superbes monolithes calcaires. On l’appela aussi la Grande île du Père-Firmin (1901) parce que Firmin Boudreau, un des fondateurs de la colonie du Havre-Saint-Pierre, à cette époque Pointe-aux-Esquimaux, y fauchait du foin et Île à Samuel (1943), en raison du fait que Samuel Doyle avait, lui aussi, fauché du foin, jadis, sur cette île. Ces deux anthroponymes d’origine locale n’ont toutefois pas réussi à déloger le nom montagnais qui, selon le père Lemoine, signifie c’est une pointe de roches et d’après le père Arnaud, « rochers noirs » Le nom montagnais de cette île est Askawsipanan Ministuk, l’île de l’attente aux canards.
Île Nue de Mingan
Depuis 1665, cette île à toujours porté le terme spécifique Mingan, bien qu’elle ait été nommée Île de la Pêche, en 1715, par Nicolas Deschamps de Boishébert et Île Nue, en 1874, par Placide Vigneau, parce qu’elle était dépourvue d’arbres. Le nom officiel devint Île Nue de Mingan en 1975, lorsque la Commission de géographie ajouta à la première désignation Mingan le qualificatif Nue, choisi par placide Vigneau un siècle plus tôt. Les habitants de Havre-Saint-Pierre et de Longue-Pointe continuent néanmoins de désigner cette île autant pat île de Mingan que par Île Nue, car dans les échanges wuotifirnd, ils sont enclins à employer des noms brefs. Le nom montagnais de cette île est Etuâtnakâu et ce désignatif veut dire : c’est un endroit sans arbre. Variante : Île Plate.
Île aux Oiseaux
À l’instar de l’île à la Baleine, cette île de l’archipel de Mingan située entre les îles Saint-Charles et à la Chasse fut entièrement ignorée par les cartographes des XVIIIe et XIXe siècles et même par l’hydrographe H. W. Bayfield. Pourtant la première attestation remonte assez loin puisque Richard Testu de La Richardière avait relevé le toponyme Îles aux Goélands dès 1735. Celui-ci tomba dans l’oubli jusqu’au jour où Placide Vigneau, dans ses diverses chorniques, a appliqué à cette île le toponyme Île aux Oiseaux. Le botaniste Marie-Victorin en fait aussi mention lors de son voyage dans les îles en 1926. Ce toponyme, devenu officiel en 1976, montre une certaine continuité avec le nom de lieu d’origine puisque cette île sert de refuge aux goélands ou à d’autres espèces d’oiseaux depuis fort longtemps. Le nom montagnais de cette île, Uepitshuan Ministuk, signifie « il y a un courant très fort dans les deux directions.
Île du Havre de Mingan
Identifiée à partir de 1716 par la dénomination montagnaise Kanadchou ou Equonadchou, cette île située vis-à-vis de l’embouchure de la rivière Mingan a porté le nom de Harbour Island ou de l’Île du Havre depuis la seconde moitié du XIXe siècle jusqu’en 1965 environ dénotant par là la commodité du havre naturel qu’elle offrait. Cependant, pour éviter que ce toponyme ne soit confondu avec celui qui identifie l’autre île du Havre qui s’étend vis-à-vis de Havre-Saint-Pierre, le mot Mingan y fut ajouté à partir de 1950, Il tire son origine du nom de la rivière ou de la réserve montagnaise qui lui font face. Aujourd’hui, les Montagnais la dénomment Ejuäntshîu Ministuk dont la signification précise n’est pas connue.
Grosse île au Marteau
Le nom de Marteau qui identifie cette île située à l’est de l’île du Havre dans l’archipel de Mingan est signalé par Placide Vigneau en 1872. Ce toponyme s’est imposé au détriment de ceux de Moiaques (1685), de Baleine (1755), et surtout de Sea Cow (1815) ou de Vache Marine (1870). Ceux deux termes populaires sont appliqués à des mammifères marins, notamment au morse qu’on retrouvait dans l’archipel de Mingan. L’appellation de Marteau est cependant des plus énigmatiques. Certains prétendent qu’autrefois les loups marins et quelques espèces d’oiseaux étaient si abondants qu’on pouvait les tuer à coup de bâtons ou de marteaux. Pourrait-il s’agir du requin marteau dont la tête présente deux protubérances latérales symétriques portant les yeux ? Bien que ce poisson appartienne aux eaux chaudes, il n’est pas impossible qu’il se soit rendu jusqu’à l’archipel de Mingan autrefois. La Petite île au Marteau, située au sud-ouest de la Grosse Îles au Marteau, n’a d’autre signification que celle attribuée à sa voisine. Quant aux Montagnais, ils la désignent par Utamaikan qui signifie « marteau »
Île Innu
Cette île de l’archipel de Mingan, voisine de l’île à Calculot des Betchouanes, fut d’abord identifiée Green Island par l’arpenteur Vondenvelden en 1803. La seconde désignation, Wood Island, attribuée peu après par l’hydrographe Bayfield, fut traduite en français par Île au Bois en 1913. Trente ans plus tard, la botaniste Marcelle Gauvreau l’appela Île aux Sauvages au lieu de la désigner par le toponyme Le Sanctuaire qu’elle aurait dû porter, compte tenu d’un renseignement d’ordre faunique relatif à cette île et susceptible d’être connu à l’époque. Aussi, pour éliminer le flottement toponymique de cette île, la Commission de toponymie remplaça-t-elle par Innu le spécifique Sauvages dont les racines historiques ne remontent d’ailleurs guère loin. Innu, terme montagnais signifiant « homme » (mâle), adulte et, plus largement, être humain, est aussi le terme utilisé par les Montagnais pour s’autodésigner.
Île à Joson
Petite île boisée de l’archipel de Mingan située près de la terre ferme, à un peu plus de 2 km au nord-ouest de l’extrémité ouest de la pointe aux Morts. Elle tire son nom du « père » Joseph (Joson) Boudreau qui y fauchait du foin. Décédé le 27 mai 1884, Joson était l’un des premiers arrivants à la pointe aux Esquimaux. Un autre pionnier du nom de Joseph Boudreau portait le sobriquet de Madoisse. L’appellation montagnaise de cette île est Atshen Ministuk, nom signifiant « île au géant » Dans la mythologie montagnaise, Atshen édisgne un cannibale, sans doute géant.
Île Quarry
Cette appellation identifie l’une des grandes îles de la moitié ouest de l’archipel de Mingan depuis 1790. Pendant le demi-siècle précédent, elle portait le nom de Misquinaux qui était probablement une déformation de Pmiskinaw signifiant « on y va à l’aviron ». Le toponyme Île à la Proie, que le cartographe Gustave Rinfret a noté sur sa carte de 1913 et que la Commission de géographie a rendu officiel en 1967, ne s’est pas imposé dans l’usage ; les gens du milieu ne le connaissent pas, ne l’utilisent pas et ignorent que le mot proie est le sens de quarry. Ce nom fr Quarry est devenu à ce point familier aux gens de Havre-Saint-Pierre et de Longue-Pointe qu’il est employé seul et sans générique. Île Quarry, officiel depuis 1979, est un des rares toponymes anglais des îles de Mingan qui ait réussi à s’implanter parmi la population francophone permanente de la région de Havre-Saint-Pierre. Des enquêtes toponymiques récentes ont relevé les noms Île à Carrière, Mâstshit Nââut Ministul et Kamakahtes qui, en montagnais, signifiant respectivement île au cèdre debout et la petite île où, à marée basse, c’est décrit en gros.
Île de Saint-Charles
Cette île de l’archipel de Mingan est la première des grandes îles à l’est de Havre-Saint-Pierre. La raison véritable de sa dénomination qui remonte à 1715 est inconnue. Si le toponyme Île Sainte-Geneviève, à l’extrémité est de l’archipel, a pu être attribué en l’honneur de Geneviève Bissot, fille de François Bissot de La Rivière et de Marie Couillard, on peut présumer que le spécifique Saint-Charles fut donné en l’honneur de Charles, fils de Louis Joliette, le premier concessionnaire de la seigneurie des îles de Mingan, ou – ce qui est moins probable – en l’honneur du petit-fils de Louis Jolliet, né à Mingan en 1715. Ce qu’il faut en tout cas remarquer, c’est la permanence de l’élément spécifique de ce toponyme. En effet, sauf la suppression du mot Saint par quelques cartographes anglophones au début du XIXe siècle qui donna l’appellation Charles Island, cet élément spécifique n’a pas varié depuis les origines. Le nom montagnais est Mistamek Ministuk signifiant l’île à la baleine.
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