
Les vêtements pour les excursions en plein air
S’il y a un domaine où la science peut se rendre utile, c’est bien dans conception de matériel de plein air. Que ce soit pour le rendre plus léger, plus solide, plus petit, plus confortable ou plus durable, les chercheurs de toutes les disciplines sont sollicités. Et les progrès sont bien tangibles : le matériel d’aujourd’hui est très différent de celui d’il y a un demi-siècle…
Gore-Tex pour un cortex
Les chirurgiens le connaissent bien, car ils l’utilisent dans leurs interventions : remplacement de l’enveloppe du cerveau après une opération, régénération tissulaire, greffes vasculaires, pontages… Sa composition microscopique empêche le passage des liquides corporels, mais pas les échanges de petites molécules. Quelle est donc cette merveille médicale?
Le Gore-Tex. À lui seul, il a révolutionné le plein air et en est presque synonyme. Cette miraculeuse membrane à laquelle on prête tant de vertus n’en a en fait que deux : bloquer l’eau liquide (imperméabilité) tout en permettant à l’eau gazeuse de passer (respirabilité). On peut courir dehors et rester doublement sec : la pluie ne nous atteint pas, et notre sueur est évacuée librement.
La membrane du matériel est faite de polytétrafluoroéthylène (PTFE), un polymère synthétique. Sa structure moléculaire présente une multitude de petits espace pouvant laisser passer les molécules d’eau. Un centimètre carré de membrane compte 1,4 milliard de pores. Les molécules de vapeur de la transpiration sont 700 fois plus petites que ces orifices et peuvent ainsi facilement s’échapper d’un vêtement fait de Gore-Tex.
Mais pourquoi l’eau liquide ne le traverse-t-elle pas? Alors que dans la vapeur d’eau, les molécules d’H2O sont indépendantes les unes des autres, dans l’eau liquide, elles sont unies par ce qu’on appelle des liens hydrogène.
Ses molécules se liant les unes aux autres, l’eau liquide présente une certaine cohésion. C’est cette cohésion qui forme une pellicule à la surface de l’eau et qui nous permet de remplir un verre un plus qu’à ras bord. Ces molécules d’H2O « agglutinées » forment une masse trop grosse pour s’engager dans de petits trous. Les orifices du Gore-Tex sont tellement petits que vouloir y faire passer de l’eau liquide équivaut à tenter de faire passer du goudron dans un tamis à farine.
(L’eau, H20, est une molécule polaire, c’est-à-dire qu’elle possède des régions chargées négativement et d’autres positivement, en raison d’une répartition non uniforme des électrons dans la molécule. L’oxygène a une charge légèrement, négative et les deux atomes d’hydrogène sont légèrement positifs. Le pôle négatif d’une molécule d’eau attire les pôles positifs des molécules voisines. Cette attirance, faible mais non négligeable, se nomme lien hydrogène).
Pour que ça fonctionne, la membrane doit être intacte : une déchirure laisserait le libre passage à l’eau liquide. Pour la protéger, les fabricants la cachent dans le vêtement. Elle peut être laminée au tissu externe et former ce qu’on appelle un Gore-Tex deux couches (ou « deux plis », un anglicisme), ou être laminée en sandwich entre deux couches de tissu pour donner un Gore-Tex trois couches (ou « trois plis »). Le premier sera léger, mais il faudra lui ajouter une doublure interne pour protéger la membrane. Le second sera résistant, mais lus lourd, moins compactable et plus cher vu le procédé de fabrication plus complexe.
En réponse au Gore-Tex, plusieurs compagnies ont élaboré leur propre membrane et l’offrent à bon prix. Certaines ont développé un procédé par lequel elles répandent un enduit liquide sur la face interne du vêtement, généralement du polyuréthanne. En séchant, il acquiert des propriétés semblables à celles du Gore-Tex. Mais il faut le rafraîchir de temps à autre car il n’est pas inusable.
S’habiller comme un oignon
Pourquoi a-t-on plus froid mouillé que sec? La température d’un corps est une mesure de l’agitation de molécules. Plus les molécules sont agitées, plus il est chaud. Lorsque deux corps de températures différentes se touchent, le plus chaud transmet sa chaleur au plus froid. Les molécules du premier transmettent leur agitation par collisions à celles du second et celui-ci se réchauffe. Cette transmission par contact s’appelle la conduction. L’efficacité de ce transfert d’énergie dépend de la conductivité thermique des deux corps, c’est-à-dire la facilité avec laquelle la chaleur peut s’y propager.
Lors d’une activité de plein air, la peau est en contact avec l’air ambiant. Comme l’air a une conductivité thermique des plus faibles, la chaleur du corps ne s’échappe que lentement vers lui. Mais une fois qu’on a sué, la substance en contact avec la peau n’est plus l’air, mais l’eau. Et cette eau conduit la chaleur près de 25 fois mieux que l’air, donc le corps se refroidit 25 fois plus vite.
Et il y a le vent! Pourquoi, à une température donnée, a-t-on plus froid quand il vente? Quand notre corps perd sa chaleur, il la transmet aux quelques millimètres d’air qui sent immédiatement en contact avec sa peau. Comme l’air est mauvais conducteur, cet air réchauffé reste près de la peau et il se forme tout autour du corps une couche limite protectrice, plus chaude que l’air ambiant. Cette couche limite constitue un isolant. Mais dès qu’un courant d’air passe, l’air réchauffé se disperse et est remplacé par de l’air plus frais. Il faut à nouveau fournir un peu de chaleur corporelle pour réchauffer ce nouvel air. Un vent fort et soutenu agit comme une vraie pompe à chaleur et soutire rapidement beaucoup d’énergie thermique.
Quand il fait très chaud, le phénomène inverse se produit : le vent donne l’impression qu’il fait encore plus chaud. Lorsque la température ambiante dépasse celle de la peau (environ 25 degrés C), celle-ci absorbe l’énergie des premiers millimètres d’air qui l’entourent. Cela crée une petite couche plus fraîche que l’air ambiant et contribue à nous rafraîchir. Si le vent s’en mêle, cette couche se disperse et de l’air plus chaud vient sur la peau pour la réchauffer encore…
Quand la météo annonce la température avec le « facteur vent », elle donne en fait la température que devrait avoir l’air ambiant immobile pour que le flux d’énergie entre la peau nue et l’air soit équivalent à l’énergie emportée par le vent à la température réelle.
Le confort thermique ne dépend pas vraiment de la température réelle, mais plutôt du flux thermique entre notre corps et l’air. Ainsi, la sensation de froid et d’autant plus prononcée que le flux thermique sortant du corps est important.
Comment s’habiller pour se protéger contre le froid? Il faut d’abord un sous-vêtement qui colle de près à la peau et qui en éloigne l’humidité au plus vite. Les tissus synthétiques, comme le polypropylène et les polyesters, jouent ce rôle à merveille.
Proscrivez le coton : une fois trempé, il met des heures à sécher. Ensuite, il faut « casser » le vent pour stopper ses effets refroidissants. Une veste en nylon ou en polyester créera une barrière efficace. Ces deux tissus synthétiques respirent bien et laisseront s’échapper la transpiration.
Une fois qu’on a annulé les facteurs d’amplification du froid (humidité et vent), il reste à contrer le froid lui-même en ajoutant, entre le sous-vêtement et le coupe-vent, un bon isolent. Celui-ci, tout en conservant la chaleur, ne doit pas être un obstacle à la vapeur d’eau. L’idéal est la laine polaire, mais la laine naturelle est acceptable, étant donné que, même mouillée, elle garde son pouvoir isolant.
Ce système multicouche présente le double avantage de protéger du froid et d’être « réglable ». En effet, si l’effort augmente, ou si le climat s’adoucit, on diminue l’isolation en retirant des couches, le but étant de porter la quantité de vêtements tout juste nécessaire pour avoir chaud sans transpirer.
Les denier, pour la solidité
La résistance d’un tissu dépend de la grosseur des fils qui le constituent. On utilise le denier comme unité de mesure de cette solidité : c’est le poids en grammes de 9 000 mètres de fil. Un denier élevé signifie que le fil est plus lourd et plus solide, donnant un tissu résistant mais « raid ». Le double toit d’une tente se doit d’être léger, il fait habituellement dans les 65 deniers. Pour le fond d’un sac à dos, on vise la résistance à l’a l’abrasion et aux déchirures : 1000 deniers, un blindage. Et pour les vêtements, il faut trouver le bon compromis entre solidité et confort, autour de 85 deniers.
Veste en plastique recyclé
La laine polaire est un polyester dense et brossé. Celui-ci, comme l’immense majorité des tissus synthétiques, est un dérivé du pétrole. Or, il est possible de fabriquer du polyester à partir de plastique recyclé : il suffit de 25 bouteilles de soda de deux litres (l’équivalent d’un litre de pétrole brut) pour fabriquer une veste en polar bien chaude, qui offre le même confort d’une neuve.

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